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5 - "Corrigeant" Lacan
A plusieurs occasions, Miller "corrige" Lacan.
Voyons la pértinence de ces "corrections" dans chaque cas.
Exemple 1: le dire
Daprès la version VRMNAGRLSOFAFBYPMB (nous avons déjà signalé que cette version coincide avec lenregistrement sonore) Lacan énnonce la bien connue formule de létourdit de la manière suivante. :
"le dire est justement ce qui reste oublié derrière ce qui est dit dans ce quon entend"
Dans la version Seuil, Miller corrige Lacan et écrit la rédaction finale qui apparait dans létourdit:
"Quon dise reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui sentend" (page 20).
Le " justement" de la version VRMNAGRLSOFAFBYPMB, qui ne fait pas partie de la formule finale, souligne la présence de ce "le dire" qui remplace ici le "quon dise" de la formule finale
À notre avis il ne sagit pas dun oubli, négligence, ou érreur de la part de Lacan, mais quelque chose que Lacan dit expressement comme ça.
En fait, à ce moment-là Lacan est en train de parler, justement, du "dire". Et deux lignes plus bas on retrouve une différence sur ce terme.
La version VRMNAGRLSOFAFBYPMB et lenregistrement sonore disent:
"ce quon fait du dire reste ouvert"
au même endroit ou la version Seuil dit :
"ce quon fait du dit reste ouvert"
Il convient, donc, de faire quelques précisions par rapport à la formule de létourdit.
Cet écrit a été publié dans le numéro 4 de Scilicet (pages 5 à 52) paru en 1973. Pourtant, létourdit est daté le 14 Juillet 1972, comme texte dune interventions à Beloeil, cest à dire, cinq mois avant cette séance du seminaire "Encore".
Dans cette séance dEncore, peu avant d'énnoncer la formule, et après avoir annoncé la parution du texte létourdit dans le numéro suivant de Scilicet, Lacan nous rappele qu'il avait déjà écrit cette formule au tableau, au seminaire de lannée précédente. Malheuresement, Miller supprime tout un paragraphe où Lacan explique pourquoi il na pas developpé cette formule à ce moment là
"jai trouvé que javais mieux a faire, cest à dire, a entendre quelquun qui après avoir bien voulu prendre la parole ici, nommément Recanati, que vous avez entendu une fois de plus la dernière fois, grâce a quoi je peux relever la légitimité du titre du séminaire, grâce a lui donc, je nai pas donné suite a ceci" (et là, il prononce la formule).
Nous répondons ici a l'appel de l'exemple 4 du point 1 de Contextes et réferences, soulignant que ce paragraphe eliminé rend compte de ce qui légitime l'élection du titre "Encore" pour ce séminaire, marquant ce qui serait un point de relation de ce séminaire avec l'antérieur ("... ou pire")
Revenons alors à la formule de l'étourdit. Elle a été écrite par Lacan dans la dernière séance du séminaire "... ou pire", le 21 juin 1972, c'est à dire, moins d'un mois avant la conférence ou Lacan lira (et datera) l'étourdit.
Elle fut écrite dans les termes suivants:
"Quon dise comme fait reste oublié derrière ce qui est dit, dans ce qui sentend".
En somme, nous avons trois versions, avec des petites, mais peut-être significatives, variations de la même formule
...ou pire : " Quon dise comme fait reste oublié derrière ce qui est dit, dans ce qui sentend"
L'étourdit : "Quon dise reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui sentend"
Encore : "le dire est justement ce qui reste oublié derrière ce qui est dit dans ce quon entend" (version VRMNAGRLSOFAFBYPMB et registre sonore).
Nous arrêtons ici nos commentaires sur cette formule (a partir d'ici il serait possible de commencer un exercice de lecture de la formule, à partir de ses trois versions; un exercice de lecture qui ne devrait pas négliger les intérventions de Recanati, tant à la séance précédente comme à la dernière séance du Seminaire "...ou pire", etc)
Ce que nous voudrions souligner est que les variations dun concept, et surtout dun mathème, en introduisant la diacronie, permettent de faire des réflexions très importantes, soit sur la construction du dit concept, soit sur ses limites, impasses, trouvailles, etc
Il n'y a donc pas de raisons pour "corriger" Lacan.
On pourrait penser, par exemple, que la construction de ce mathème verifiait, chez sons propre créateur, les hésitations propres de son établissement comme tel.
En somme, dans le champ de la psychanalyse, à différence de ce qui se passe dans le champ de la science, plutôt que des concepts il sagit de pouvoir répérer les trajects de leur construction, tenant compte, justement, qu'une variation conceptuelle ninvalide pas le trajet précédent, mais, au contraire, lenrichie
Par rapport à cela nous pouvons dire, alors, que mettre en suspens les traits de ces variations n'est pas sans conséquences pour le progrès du discours psychanalytique.
Exemple 2: Quand Lacan "se trompe" ¿vraiment?
À un moment donné, dans la version VRMNAGRLSOFAFBYPMB nous pouvons lire:
"Si jen suis aujourdhui à traîner dans lornière, linconscient comme structuré par un langage, eh bien tout de même quon le sache cest que ça change totalement la fonction du sujet comme existant."
Dans la version Seuil Miller "corrige" Lacan en écrivant:
"Puisque jen suis aujourdhui à traîner dans lornière de linconscient structuré comme un langage, quon le sache cette formule chante totalement la fonction du sujet comme existant." (page 25)
Si nous nous en tenons à la version VRMNAGRLSOFAFBYPMB (qui coïncide, de nouveau, avec lenregistrement sonore) ce serait la seule fois que Lacan aurait changé le terme "comme", si important dans cette formule, par le terme "par"
Lacan sest trompé? ¿Que faire?
On pourait coïncider avec Miller et dire que Lacan se serait "vraiment" "trompé"
Mais nous avons déjà constaté a combien de problèmes nous conduisent les "intentions" de faire "mieux" les choses. En fait, il y a même des dictons populaires qui nous rappelent que les chemins vers les pires tragedies sont toujours pavés des meilleures "intentions". Il ne faut pas oublier, par exemple, que dans cette même séance du seminaire, Miller a prétendu nous faire faire léconomie de penser que pouvait signifier la "submersion du désir", mais au prix de constituer cette séance en la seule référence où Lacan aurait parlé de "subversion du désir"
En somme, pour quoi ne pas laisser à chacun la tâche de juger ce que Lacan a dit?
Imaginons même le cas où il y aurait une opinion unanime de que Lacan, ici, sest "trompé".
Cela n'empecherait pas d'être un enseignement, au sens de nous rappeler
premierement, que Lacan, comme nimporte qui, nest pas parfait, quil est aussi failli
mais plus précisement, que personne ne parle comme il écrit, et que, Lacan, pas plus que d'autres, nétait pas non plus le maître de son dire (quel autre sens pourrait avoir l'indication de Lacan quand il affirmait quil essayait de sen tenir à la position danalysant?)
Est-ce lhorreur de découvrir cette faille ce qui pousse à faire un version plus "ronde" et "propre" du séminaire?
Une fois de plus nous soulignons l'utilitée qu'aurait une édition critique qui permette les notes au pied de page, l'ajout de commentaires et reflexions, face à chacun de ces problemes.