|
La siguiente es la transcripción de la entrevista que realizamos el 7 de agosto de 2000 a Jean Allouch, quien se encontraba en Buenos Aires en ocasión del dictado de su seminario (París- Buenos Aires - Córdoba)
Ci-joint, la transcription de lentretien avec Jean Allouch, que nous avons tenu le 7 août de lan 2000, en occasion de sa présence à Buenos Aires pour son séminaire (París Buenos Aires Córdoba)
Michel Sauval .... bon, alors, chacun parle dans la langue qui lui convient. Nous nous occuperons, après, de faire la traduction, pour avoir une édition bilingue français espagnol
Jean Allouch : Dans ce cas, je vais parler en français.
MS: Quisieramos abordar varios puntos.
El público de Acheronta es un público muy amplio. No pensamos meteremos en lo microscópico, que es lo que más le gusta a Ud., porque muchos de nuestros lectores lo van a leer desde una posición un poco naïf, muchos de ellos quizás apenas están leyendo Lacan. El fenómeno de la amplia difusión de Lacan es muy de Argentina, pero nuestros lectores también son de Brasil, México, España, Colombia, etc.Jean Allouch: Je ne crois pas que les gens à qui nous allons nous adresser soient a priori naïfs, mais bien plutôt quils sont habités par toute une série didées, dopinions dirait un philosophe, la naïveté étant une chose quon trouve à la fin, quon conquiert, si vous voulez, par-delà létude et en partie grâce à elle. Lacan, à la fin de son frayage, sest trouvé beaucoup plus naïf encore quau début (car il était quelquun de naïf). Ceci ne lui est pas particulièrement spécifique. Il me semble, queffectivement, au moins ceci se produit chez quelques personnes, plus on sengage dans létude dune question, plus on rejoint, sur cette même question, une naïveté.
MS : hier vous nous disiez que Lacan disait, dans ses derniers séminaires, quil ne comprenait rien...
Jean Allouch : ... à lidentification freudienne. Oui. Déjà très âgé, il a dit ça. Après avoir consacré tout un séminaire d une année sur lidentification, et commis, avant et après ce séminaire, je ne sais combien de considérations sur lidentification, au bout du compte, il donne sa langue au chat ... (rires). De la même façon, il signalait, tardivement aussi, son incapacité à pouvoir lire la Traumdeutung.
MS : Comencemos entonces con la primera pregunta: ¿cómo ve Ud. la situación del psicoanálisis después de la muerte de Lacan? En particular nos interesaría abordar el problema de la posición del discípulo, tal como Ud. mismo se plantea, por ejemplo, en «Psicoanálisis. Una erotología de pasaje».
Quisiéramos saber cómo fue su propia historia con relación a Lacan y lo que ha seguido después de Lacan.
Y desde su lugar, cómo piensa lo que ha pasado en el psicoanálisis después de Lacan.Jean Allouch: Por cual empezamos?
MS: Por la que Ud. prefiera... (rires)
Jean Allouch: es una trampa ..... (rires)
Bon, mon histoire, en deux trois mots, pour situer les choses au début.
À lâge de 22, 23 ans, jai rencontré quelquun qui parlait de Lacan, un professeur de psychiatrie, et jai conclu de cette rencontre quil ny avait quune solution : aller à Paris, suivre le séminaire de Lacan, et faire une analyse. Et donc, cest ce que jai fait. À 25 ans, je suis « monté à Paris » comme on dit en France.MS : ... vous étiez doù ?
Jean Allouch : Jétais à Montpellier.
Donc, je suis monté à Paris pour faire des études de philo, mais essentiellement pour suivre le séminaire de Lacan (si le séminaire de Lacan avait été à Carcassonne, je serais allé à Carcassonne, cétait ce séminaire qui importait il est vrai quil ny avait pratiquement aucune chance que ce séminaire ait lieu à Carcassonne)MS : Cétait en quelle année ?
Jean Allouch : Au moment du séminaire Langoisse, en septembre 62 ...
MS : ...... quand vous disiez hier que le public navait pas applaudi à la fin de je ne me souviens plus très bien quelle séance du séminaire de Lacan, vous étiez là ?
Jean Allouch : oui, absolument. Langoisse fut le premier séminaire auquel jassistai, sans guère comprendre dailleurs, ni le contexte politique ni lenjeu du séminaire.
Quest-ce qui ma attrapé ? Je ne saurais pas bien le dire. Et pas non plus bien dire ce qui, déjà, mavait accroché dans ce que javais entendu dire de Lacan avant de décider daller lentendre lui-même. Je trouvais intolérable la façon dont on parlait de Freud, ça ne mintéressait pas dapprendre quil y avait un ça un moi, un surmoi, quil y avait telle ou telle maladie mentale, etc. Je ne voulais pas consacrer ma vie à ça, à un savoir que je trouvais valoir beaucoup moins que dautres, que je trouvais, pour tout dire, stupide. À lépoque jétais plongé dans Kierkegaard. Pour moi, Kierkegaard était beaucoup plus intéressant que la psychiatrie et que la psychanalyse telle quon lenseignait. « Le Journal dun séducteur » menthousiasmait, « Crainte et tremblement » menthousiasmait, « La Répétition » menthousiasmait, dautres auteurs, y compris théologiens, mimportaient beaucoup. Le stade oral, anal et génital, à côté de cela, cétait dune bêtise à mes yeux avérée.Ainsi, sil ny avait pas eu cet écho de Lacan à Montpellier, jamais je me serais intéressé à la psychanalyse. Jy ai entendu, sans doute, un ton, une manière, plus que des contenus.
Voilà, cest ça qui ma attrapé. Vous voyez que ça nest pas très clair.
MS : alors..... cest, dès le début, du côté du style......
Jean Allouch : Sans doute, oui, on peut le dire comme ça, mais je ne le pensais pas comme ça. Je ne le pensais, dailleurs, pas du tout. Oui, cest une manière de faire, oui, oui, un style, oui, sans doute. Encore que le style de celui qui enseignait Lacan, avait tous les défauts de lépoque; cétait un propos hyper lacanien et, ce qui narrangeait rien (mais je dis ça aujourdhui), heideggerien. Cétait un moment où certains élèves imitaient Lacan, en le caricaturant, ce que Baños décrit très bien dans son livre. Et donc, il y avait un côté un peu pénible, mais que je ne voyais pas.
En revanche, jentendais quil était question dune autre psychanalyse que celle quon enseignait à luniversité. Et puis, ce propos était tenu au milieu des fous, dans un lieu qui vivait un moment important, tournant, puisque ce qui était lasile était en train de devenir hôpital psychiatrique. Le même qui faisait entendre Lacan en ce lieu semployait à ce que les malades puissent avoir un couteau et une fourchette, et pas simplement la cuillère avec laquelle ils étaient censés ne pas pouvoir se suicider. Il militait aussi à faire combler les fossés côté du mur interne à lhôpital, une ruse de lenfermement par laquelle ces murs étaient plus hauts dedans que dehors. Je suis allé tout de suite travailler dans son service. Le premier jour, il ma accueilli en me disant que jétais mal rasé, ce qui était faux. Mais cétait pour que jaille offrir mon visage et mon cou à un schizophrène qui fonctionnait, dans lhôpital, comme coiffeur. On peut bien dire qu il y avait là, de sa part, un côté bizutage, initiatique si vous voulez (aujourdhui, en France, dans la période d ordre moral que nous traversons, il y a une condamnation générale de ce genre de pratiques). Mais peu importe, car ce qui comptait était la leçon et que la leçon ne soit pas une théorie mais un acte: faire confiance aux fous.Il ny aurait pas eu Lacan, je ne me serais donc pas engagé dans la psychanalyse. Je ne suis pas venu à la psychanalyse par Freud, pour ensuite avoir affaire à Lacan. Je suis venu à la psychanalyse par Lacan. Il ny a pas quelque chose dantérieur, comme c est arrivé à dautres, par exemple davoir été kleiniens, davoir été freudiens. Non. Il ny aurait pas eu Lacan à lépoque, jaurais tout simplement fait autre chose que de la psychanalyse.
Norma Ferrari: ... o sea que, hizo al mismo tiempo lo que Lacan propuso, ese retorno a Freud ........
[ver al final pregunta de Norma Ferrari y respuesta de Jean Allouch redactadas y agregadas luego de la entrevista.
Voir à la fin question de Norma Ferrari et réponse de Jean Allouch redactées et ajoutées après l'entretien]Jean Allouch: oh, no, para mí no fue retorno a Freud, eso no importaba. El retorno a Freud fue un poco antes, 1953. Yo vengo más tarde, 62.
MS : juste avant que les normaliens ....
Jean Allouch : oui, parce que jai entendu parler de Lacan trois ans avant, cétait en 1959, cétait « Le désir et son interprétation » ou un séminaire de cette veine, jimagine. Mais je ne savais pas que ça existait «Le désir et son interprétation». Javais juste un certain écho, à Montpellier, de ce qui se passait à Paris.
MS : voyons alors lexpérience de lEFP, la dissolution, et puis les effets qui continuent après la mort de Lacan
Jean Allouch : lexpérience de lEFP, ça na pas été tout de suite. Jai suivi le séminaire quelques des années sans être dans lécole, ça métait complètement égal. Je faisais mon analyse, lécole ne me concernait pas directement, croyais-je.
Je suivais le séminaire de Lacan, où je nétais ni un élève, ni rien. Je faisais mon travail détudiant en philosophie sur le problème de la répétition chez Kierkegaard et Freud, et donc, jétais très en marge.
MS : Est-ce à partir de votre analyse que vous décidez...
Jean Allouch: Non, javais dit que je serais psychanalyste, paraît-il, à lâge de 14 ans !!! (rires)
NF : ¿Entendí bien lo que dijo? ¿Alguien puede decir eso? (risas)
Jean Allouch : Lexpérience de lEFP a été excellente, en particulier celle des cartels. On a fait, pendant des années et des années, des cartels de lecture, des séminaires, des réunions, des colloques, on était complètement pris dans le travail. Notre intérêt portait sur ce qui se passait au séminaire de Lacan, et, plus tard, à ses présentations de malades. Chaque fois que Lacan parlait quelque part, on y était, même si cétait à lautre bout de la France. On était plusieurs comme ça, complètement plongés là-dedans. Et surtout on a été les premiers à lire le séminaire. Ça surtout cest un point important, décisif.
Un certain jour, dans un cartel, on a dit, bon, on va demander à Lacan sil veut bien nous donner la sténotypie du séminaire quon voulait travailler. Effectivement, (et jen fus, à lépoque, surpris) il nous la donnée ! Ça a donc été le premier séminaire qui ait circulé, justement celui que je travaille depuis deux ans et dont je parle ici, Langoisse. (rires)
MS : .... et vous disiez hier que, très probablement, ce sera le dernier à être publié !!
Jean Allouch : Oui !. (rires)
Cest curieux, mais ça cest passé comme ça. Et donc on sest mis à lire des séminaires et à faire des cartels de lecture des séminaires, absolument comme des malades.
Cest alors que les plus vieux, qui avaient un rapport plus ambigu à Lacan, se sont trouvés quelque peu désarçonnés.
MS : Ceux qui venaient davant 1964 ?
Jean Allouch : oui, cest ça. Certains dentre eux en tout cas. Car, pour dautres, certains des plus anciens, au contraire, ma proximité à eux fut grande, je songe à des gens comme Perrier, Leclaire, Granoff, Stein, qui avaient un rapport à Lacan, disons, fait à la fois dun vif intérêt et dune certaine méfiance, assez proche du mien. Si vous voulez, il y avait quelques personnes déjà qui étaient dans une position à la fois délèves mais aussi plus ou moins de compagnons de Lacan. Des gens qui étaient imprégnés par son frayage mais dont on ne peut pas dire quils lisaient Lacan. Des gens qui étaient lacaniens, en quelque sorte, comme ça, par proximité et par imprégnation; mais ce nétait pas des élèves au sens que je donne à ce terme.
Et quand ils ont vu arriver, je ne dirais pas une génération, parce que ce nest pas exactement ça, il ny a pas systématiquement lécart dune génération entre notre groupe et eux, mais quand ils ont vu arriver des gens qui étaient, vis-à-vis de Lacan dans un rapport plus simple sans doute, car pour nous, Lacan cétait un analyste, ce nétait pas un maître, ça cétait clair
MS : ... pourtant tout le monde parle du fonctionnement comme maître, de Lacan....
Jean Allouch : Cest déjà une première embrouille, cest déjà une première erreur. Pour nous, pour moi et quelques autres en tout cas, ce nétait pas un maître, pas un maître à penser, ni de vie.
MS : Cest pourtant ce que lon dit
Jean Allouch: oui, cest ce quon entend, oui, bien sûr, des gens comme Roustang
MS : . mais aussi Miller, par exemple dans le livre « Politique Lacanienne », il dit que cétait un maître. Il analyse les deux modèles : Freud qui déléguait et Lacan qui était un maître, en principe pour chercher une autre possibilité. Mais il pose, au moins du point de vue institutionnel, Lacan comme maître.
Jean Allouch. : Jimagine quon peut mettre ce chapeau sur la tête de Lacan, mais nous ne le faisions pas. Cétait un analyste, cétait à la fois «mon» analyste et aussi «notre» analyste, car nous étions plusieurs qui étions en même temps dans les cartels, où on lisait les séminaires, et sur son divan. On se retrouvait dans la salle d attente, on se retrouvait dans des institutions denfants psychotiques, dans les dispensaires de banlieue, dans des centres médicaux, dans les hôpitaux psychiatriques, etc. On était un peu, aussi, toujours ensemble. Donc, il y avait aussi une dimension «notre analyste», pas simplement «mon analyste».
MS : Hay algunos aquí, con un poco de maldad, que dicen que Lacan fue el primer psicoanalista de grupos, por lo que habría sido este funcionamiento de la sala de espera.
Jean Allouch: no había casi ningún funcionamiento de la sala de espera...
MS: Ese es otro de los mitos?
Jean Allouch: sí, sí, sí, había dos lugares donde esperábamos y basta !! (Risas)
MS: es un mito entonces eso de que después estaban constantemente hablando?
Jean Allouch: si, si ....
NF: .. y en los pasillos ?
Jean Allouch: no, no, en la sala de espera cada uno se callaba y estaba en sus propios asuntos. De vez en cuando se podía hablar, pero fue una sala de espera clásica de un médico, sin ninguna particularidad... (Risas)
Voilà, donc. Il sest trouvé ensuite, et cest quelque chose qui a beaucoup compté pour moi, quà un moment donné, dans mon analyse, je me suis rendu compte de la justesse de la Proposition doctobre 67 sur la passe.
Je nétais pas spécialement - et je ne le suis toujours pas - disposé à accueillir comme vrai ce que Lacan disait. Sinon, on ne laurait pas étudié. À partir du moment où lon se met à étudier cest déjà quon doute, quon met en question. Et quand on étudie sérieusement, on se met à regarder comment les choses sont fabriquées, à voir les trucs, à voir les points qui manquent, à voir les problèmes...
Je nétais donc pas non plus spécialement porté à trouver que cette Proposition était quelque chose de formidable. Quand il y a eu des votes à lEFP pour quelle soit admise ou rejetée, jétais de ceux qui la soutenaient, non pas tellement pour son contenu (qui, pour une bonne part, méchappait), que parce que Lacan disait que cétait ça quil fallait faire. Et bon, on lavait à la bonne, on était plutôt désireux de dire oui . surtout que les autres, ceux qui sy opposaient, étaient des imbéciles !!! (Risas)
Jai donc voté cette Proposition comme ça, et puis, des années plus tard, au détour dun moment de mon analyse, il sest trouvé que je lisais à ce moment-là des auteurs comme Blanchot, Duras, etc., je suis tombé sur le livre de Duras Le Vice-consul (à lépoque, on ne connaissait pas, dans le groupe de lacaniens dont j étais, le texte de Lacan sur Duras, incroyablement, la publication du Cahier Renaud-Barrault de 1965 nous avait échappé), et ce jour-là jai eu une illumination, ce qui ne veut rien dire d autre en loccurrence que lEinfall freudien, je me suis dit : «Mais cest la même chose que la Proposition doctobre 67 !»
NF: pourquoi ?
Jean Allouch : (Rires) À cause, en particulier, de la fonction, chez Duras, de «l on dit». Le dispositif de la passe implique, pour le passant lacceptation sans aucune réserve que sa propre subjectivité, son rapport à lAutre - dites ça comme vous voulez - soit, en quelque sorte, à la fois véhiculé et manifesté dans un «on dit» (cest la fonction des passeurs) : «ce quon dirait de moi, cest ça que je suis». Et cest ce qui arrive au Vice-consul, dans le livre de Marguerite Duras.
Il sagit dune position assez particulière, dun rapport particulier au langage, à lAutre, à l autre, au réel, cest tout un mode de la subjectivité que Duras, je crois, avait écrit avec une très grande justesse.
Et donc, jai décidé de raconter ma trouvaille, au prochain congrès de lécole, qui eut lieu à Lille, où jai fait lintervention intitulée « La passe ratée du Vice-consul », avec un jeu de mot sur «pas se rater» / «passe ratée», qui indique le côté suicidaire de la passe (ratée) du Vice-consul. Jai fait cet exposé, le samedi ou le dimanche, et le lundi matin, jétais sur le divan de Lacan, comme dhabitude. Et il me vient de lui dire une chose à laquelle je navais absolument pas pensé avant : «Jai fait cet exposé, mais, en fait, cétait une demande de passe !». Il me répond, souriant (il était souriant avec moi, allez savoir pourquoi !), sur un ton qui voulait dire : «Ah bon, tu ten rends tout de même compte !», il me répond, donc : «Mais oui».
A partir de là je me suis aperçu que le fait même davoir proposé cet exposé navait pas été correct par rapport à moi-même, à mon analyse, à Lacan, à sa Proposition, navait été correct en rien. Que ce qui était correct, cétait, non pas de faire un exposé théorique sur la passe, sur ma trouvaille de la proximité Duras/Lacan, mais de faire la passe. Cétait ça qui était homogène avec là où jen étais. Et donc, cest ce que jai fait, voilà.
Ça sest passé dune manière assez étrange, parce que je suis tombé sur des passeurs qui ont été complètement bouleversés, qui nont rien compris ni de leur fonction ni de ce quil leur arrivait.
Il y en a un, à qui, lors de notre première rencontre, jai dit : «Je parle faux ». Ça cest sensible dans Le Vice-consul aussi, cette dimension que le langage est un instrument qui ne va pas. Je lui ai dit «Je parle faux» et aussitôt il na plus voulu me revoir !EA : falso?
Jean Allouch : Au sens musical du terme. Ce nest pas au sens où je dis des mensonges. Non, cest au sens de: «ça sonne faux».
Alors, vous pensez, avec lidée que les lacaniens avaient de la vérité dans la tête, ils ne pouvaient pas comprendre ça !! (Rires)
Quant à lautre passeur, Il a été tellement je ne sais pas quoi, en tout cas, il sest immédiatement précipité pour (je lai su après) faire un contrôle à propos de ma passe. (Risas).
NF : Votre passeur ? pour contrôler la passe ?
Jean Allouch : Oui
NF: Pour contrôler ce que vous aviez dit ?
Jean Allouch : je ne sais pas pour contrôler quoi, il faudrait lui demander, je ne lai jamais revu.
Jai réussi tout de même à en sortir un de son fauteuil danalyste; on a quand même fini, dès notre première rencontre, par aller dans sa cuisine pour faire et boire un café. Et la fois suivante on sest trouvé au bistrot. Parce quà lépoque, si vous voulez, les gens comme Leclaire, et beaucoup dautres, pensaient que la passe était «un supplément danalyse». Il y avait cette théorie en vogue selon laquelle dans lanalyse, aussi poussée soit-elle, il restait de linanalysé, et, grâce à la passe, cet inanalysé allait pouvoir sanalyser. Cétait la théorie de la passe comme supplément danalyse. Ce qui prouvait, simplement, pour ceux qui croyaient ça, quils ne savaient pas ce qu était la passe.
Donc, un jour, le Jury sest réuni. Jétais au théâtre ce soir-là, pour une pièce de Gide. Et le lendemain Lacan me disait que jétais nommé analyste de lécole, et que bon, il nétait pas particulièrement content de mes passeurs (Risas).
Pour en venir à votre question sur la dissolution, je dois vous préciser que cette passe a comporté avec une trouvaille théorique, celle de la translittération.
Jamais personne, en psychanalyse, navait parlé de translittération, et je dois être un des très rare à avoir apporté un concept nouveau du vivant de Lacan. Jai fait mon exposé présentant la translittération, jen avais parlé sans absolument me rendre compte de lénormité dun pareil geste. Hormis Leclaire qui a essayé dinventer lobjet petit a prime, personne navait osé, en étant dans lécole, introduire un concept nouveau.
Cétait Lacan qui introduisait les concepts (Risas).Mais je vous le disais, Lacan nétait pas un maître au sens de quelquun qui imposerait sa loi et seulement sa loi. La preuve cest que jai fait ça en toute naïveté. Je trouvais que ça marchait bien la translittération avec ce que Lacan disait sur lécriture, avec, justement, ce côté faux du langage, avec dautres choses encore, qui concernent la clinique Je lai exposé, sans me poser aucune question politique.
Et donc quand il y a eu la dissolution de lEFP, dune part jétais absolument daccord avec cette dissolution (parce que cétait une école cancérisée par des notables dont certains sont aujourdhui au pouvoir dans diverses institutions psychanalytiques, et, en effet , il était temps que ça sarrête), mais en même temps, je nétais pas prêt, pas davantage prêt quavant, à accepter toutes les propositions de Lacan. Jai été très au clair tout de suite sur mon refus : puisque, pour moi et quelques autres, lécole comptait, je ne pouvais que refuser que ce soit la famille qui intervienne, qui joue le moindre rôle dans la transmission de la psychanalyse et de la position lacanienne au champ freudien.
MS : justement, nous avons posé la question parce que vous avez écrit à plusieurs endroits que, justement, en raison de votre passe - vous lui avez répondu tel quel, je crois, à Lacan - quen raison de votre passe .....
Jean Allouch : oh, je ne lai pas revendiquée, ça ne valait pas la peine
MS: .... mais que ces raisons, disons, la façon de penser la passe et la façon de penser la position délève de Lacan, était ce qui vous poussait .......
Jean Allouch : il y avait un choix à faire. On ne peut pas à la fois «familialiser» les choses, les prendre dans un type de transmission familiale, et jouer lécole. Ou bien on jouait lécole ou bien on jouait la famille. Mais on ne pouvait pas, comme cest le cas de plusieurs groupes (à commencer par lIPA), jouer à la fois lécole et la famille. Ce qui sest passé depuis confirme ça.
MS : mais ça été un choix de Lacan, de familialiser .....
Jean Allouch : oui, ça été un choix de Lacan, absolument. Un choix de Lacan à quoi jai dit non. Il y a une lettre de moi dans ses archives. Je lui ai dit, à lui : «non, ça, non». Car ce choix nétait pas dans le fil de sa Proposition doctobre 67. Tout ceci est assez simple.
MS: Et vous ne croyez pas que ce choix de Lacan pèse grandement, en conséquences, dans la situation actuelle de la psychanalyse, que nous traînons encore le poids de ce choix ?
Jean Allouch : Oui ça pèse. Mais bon, cest un choix, et ça a été son choix. Je le reconnais, je l admets comme tel. Je ne le condamne pas. Je ne le condamne pas, et ceci détermine ma position vis-à-vis de toute une série de regroupements qui se fondent sur la base de le condamner, ou, plus exactement, de condamner, non pas le choix de Lacan, parce que en général ces groupes ne disent pas que Lacan y est mouillé ...
MS : ... ils disent que cest la faute de Miller ...(rires)
Jean Allouch :...... cest une aberration totale, cest un fait de Lacan. Je suis daccord avec Miller pour dire que cest un fait de Lacan. De Lacan, de sa fille - dune de ses filles - et donc dun gendre avec qui Lacan a joué la carte de ce que jai appelé la transmission épiclère (mais jaurais aussi bien pu parler du lévirat). De quoi sagit-il ? Du cas dun homme qui, nayant pas dhéritier mâle pour transmettre son bien, son kléros, choisit - en fait, la chose est prédéterminée socialement - choisit un alter ego qui peut être, par exemple son propre frère, pour quil épouse une de ses filles, laquelle se consacre à procréer avec cet homme, de façon que lui naisse un héritier qui, lui, cet héritier, va pouvoir remettre en jeu le trésor familial. En attendant, pendant tout ce temps-là, le trésor familial reste dans la famille, est bloqué, ne peut socialement fructifier. Le fait que les séminaires ne soit pas publiés, cest aussi ça que ça indique. Il est logique et éthique, dans le cadre de la transmission épiclère, que Lacan ne soit ni publié ni travaillé, ni questionné.
MS: Pero no cree Ud. que ahí también se mezcla otra lógica que es la lógica del mercado, la lógica del modo de producción capitalista? A mí me parece que los analistas nunca midieron las consecuencias del juicio que se hizo contra Stécriture, en tanto el mismo ha establecido, jurídicamente, la propiedad privada sobre la palabra de Lacan.
Jean Allouch: Oui. Ceux qui ont la charge du kléros sont rigoureux dans le cadre de la transmission épiclère. Ils sont rigoureux, cest ça quil faut noter. Ils ne sont ni malhonnêtes ni fautifs moralement. Simplement ils sont pris dans un dispositif qui est celui-là, et ils jouent le jeu de ce dispositif.
Ils essayent aussi de faire semblant de jouer à un autre jeu, celui de lécole. Mais ça, ça ne tient pas. De fait, le point dappel qua constitué Lacan en choisissant une de ses filles et un gendre, revenait à dire : « Voilà, parvenu au seuil de la mort, je vous invite à être de ma famille ». Et tous ceux qui sont dans ces groupes lacaniens souscrivent à cette invitation.
Cétait dit au début. Maintenant il y a un peu plus de pudeur sur tout ca, mais au début cétait très clairement dit: ceci est lécole de ceux que Lacan aime.MS : ....Lacan disait aussi « ceux qui maiment » ......
Jean Allouch : Il sagit dun amour réciproque, comme tout amour qui se respecte.
Bon, ça sest constitué comme ça. Je ne peux pas objecter à un transfert. Si des gens sont dans un tel transfert à Lacan, si être de sa famille est quelque chose qui joue dans leur transfert, je ne condamne pas ça, tout simplement parce que condamner un transfert est une idiotie.
MS: Pero, de alguna manera, lo que Ud. plantea es que hay una contradicción en cuanto a la posibilidad de trabajar a Lacan, hay ciertas transferencias en las cuales no se lo puede trabajar
Jean Allouch: je crois quil ny a pas de travail possible, il ny a pas de lecture possible de Lacan dans ce cadre-là. Dailleurs, depuis 20 ans, maintenant on sait que cest improductif. Il me semble quon peut, aujourdhui, le conclure. Cest théoriquement improductif de ce côté-là, et cest improductif aussi du côté de ceux que la chose indigne, mais qui ne sont pas moins habités par le vu de vouloir faire partie de la famille. Il y a toute une série de regroupements qui se constituent sur la base dexclure ceux quils appellent, eux, les millériens, et qui, en fait, ne sont quune autre version de ce souhait de faire partie de la famille. Et là aussi cest très largement improductif.
MS: si quisiéramos plantearlo más bien por el costado positivo: ¿cómo entiende la posición de alumno si no hay maestro?
NF : Esto es lo que tengo en la cabeza todo el tiempo.
Jean Allouch: je nai pas de réponse sinon en acte. Je nai pas de réponse théorisée à cet endroit-là. Quest-ce quêtre un élève dun analyste ? Je ne me pose pas la question en termes théoriques. Pour ce qui me concerne, ce que cest, cest ce que je fais. Ça se juge à ses résultats. Je ne suis sans doute pas dans la position de pouvoir le dire.
EA: me surge una pregunta, a partir del libro suyo « Etificación del Psicoanálisis. Calamidad ». Me dio la impresión que Ud. plantea tal vez la dificultad, si no la imposibilidad, de pensar la ética del psicoanálisis como un concepto interno al psicoanálisis, es decir un concepto que se pueda deducir en la teoría.
La pregunta es, si se puede hacer una analogía con el concepto de deseo del analista, si se puede plantear internamente a la teoría, o si es un concepto que está siempre en los límites de la teoría.MS: Agrego a la pregunta de Eduardo dos cosas. Por un lado la cuestión de las diferencias entre ética y moral: cuando yo leí ese libro pensaba "no sería mejor usar "moralización"?", pensando en la discusión ahí sostenida con la tendencia pastoral del psicoanálisis; pero Ud. dice «etificación» y seguramente ha hecho la elección teniendo en cuenta la existencia de los dos términos. Por el otro lado, suele combinarse ambos aspectos de la pregunta de Eduardo diciendo que la ética del psicoanálisis es la ética del deseo ....
Jean Allouch: (Risas).
MS: .... eso es lo que se dice habitualmente, o no?
NF: si, si ... (risas)
MS: Algunos han comenzado a discutir esto, por ejemplo, hay un libro de Patrick Guyomard que se titula "Deseo de ética", en el cual hace una contraposición....
Jean Allouch: (risas) Ce nest pas une contre position. Ce nest pas une proposition contre. C est, je ne sais pas, écoutez, «désir déthique», on a envie de rire, cest grotesque.
MS: .... es una ironía de Patrick Guyomard. Él dice que los analistas desean una ética ....
Eduardo Albornoz: ... en el sentido de un anhelo.
Jean Allouch: Oui, bon, « éthique du désir » aussi cest grotesque.
MS : ... cest ce que lon dit.....
Jean Allouch : ça cest ce quon dit ? ça me fait rire.
MS: ..... que hay una ética del deseo en el dispositivo y uno se rige por esa ética.
EA: La famosa equis del deseo del analista.
Jean Allouch: ça me fait rire au sens du burlesque, encore quil faille accorder beaucoup de crédit à ça pour trouver du burlesque là-dedans.
Je dis - cest quelque chose de trivial par rapport à ça - que la psychanalyse est une méthode. Je dis des choses que Freud a dites, que tous les premiers psychanalystes autour de lui savaient, je dis quelque chose dune grande banalité. Simplement, ça devient une position quasiment étrange dans ce contexte déthification, ça devient une position curieuse, alors que cest le « b-a-ba » de la psychanalyse que de dire quil y a un dispositif, quil y a une règle du jeu quon joue, et que ça sappelle « méthode freudienne ».
Lacan na pas touché à la méthode, à la méthode freudienne. Il a apporté, à lintérieur de cette méthode, à la fois un paradigme (son ternaire symbolique / imaginaire / réel) et des variations techniques (qui sont la preuve de la nouveauté de ce paradigme). Mais il na pas touché à la méthode. Freud allait même jusquà dire quil donnerait bien tous les problèmes éthiques pour la solution dun seul problème technique.
MS : variations techniques: le temps des séances et ces choses-là ?
Jean Allouch : le temps des séances, des modes dintervention qui étaient devenus hors-la-loi, alors quils étaient parfaitement pratiqués par les premiers psychanalystes...
Je lisais un papier de Rodrigué, là, ce matin, qui raconte que Mélanie Klein lui a demandé un jour de prendre son petit-fils (celui de Mélanie Klein) en analyse, elle-même prenant Rodrigué en contrôle pour lanalyse de son petit-fils ! De telles choses ont toujours existé dans la psychanalyse. La façon qua eue lIPA de vouloir cadrer tout ça avec des règles, a produit des abominations. Par exemple, il y a une abomination notable dont parle Rodrigué. Il nétait pas satisfait de son premier analyste. Or, quand il la quitté, il y avait une loi dans lIPA qui interdisait à un didacticien de prendre en analyse didactique quelquun qui avait quitté un autre didacticien. Et donc, quelquun qui était engagé dans une analyse didactique, et qui, pour une raison peut-être fondée, voulait changer de didacticien, était barré dans lIPA. Ça, cest le type de règlements dune société qui tente de sinstaurer en société de maîtres : chacun ne doit pas mordre sur le domaine de lautre, chacun ne doit pas porter atteinte aux privilèges, bien déterminés, de chacun des autres. Bon, ce type de règlement produit des impasses et parfois des catastrophes. Quand la psychanalyse est vivante et fonctionne, cest toujours beaucoup plus incestueux, cest toujours beaucoup plus exceptionnel, beaucoup moins réglé, etc.
Nulle règle extérieure ne peut déterminer comment sera, ce que sera, pour tel analysant, la mise en oeuvre de la méthode. La méthode en quelque sorte suffit. Il ny a pas à surajouter à cette méthode un certain nombre de règlements supplémentaires, qui la transforment en un ensemble de consignes techniques. De telles consignes savèrent inapplicables, finissent par mettre chacun hors-la-loi. Par exemple, dans le cas de Rodrigué, finalement, il a fallu quil trouve un biais pour tout de même pouvoir poursuivre son analyse avec quelquun dautre.
Lacan nous a beaucoup allégé de tout ça, par exemple, en proclamant quil ny a pas de didacticiens à lécole freudienne. On pouvait très bien faire une analyse avec un petit jeune de 25 ans, et que cette analyse savère didactique ...
MS : ... ce nest plus le cas maintenant, ou justement, si on veut passer par une fin danalyse «certifiée», il faut...
Jean Allouch : ...... il faut choisir certaines personnes. Voici revenus les travers de lIPA. Cest épouvantable.
MS: mais ce que vous dites est intéressant dans le sens inverse aussi, parce que cela permet de penser que même à lIPA, des freudiens qui ne sont pas lacaniens, en tant quils se prêtent bien à la méthode, fonctionnent comme analystes...
Jean Allouch : Je le pense tout à fait. Je connais des gens à lIPA, je peux citer par exemple Conrad Stein, auquel je reconnais, pour autant que je le puisse, une fonction danalyste, même sil ne pratique pas comme moi. Justement, curieusement, quelquun comme Stein, nous avons été ensemble dans cette affaire de léthification qui devait nous opposer au couple Major Roudinesco tout dernièrement béni par Derrida. Jétais beaucoup plus proche dun didacticien de lIPA comme Stein, de formation absolument classique (séances de 50 minutes, etc.), jétais beaucoup plus proche de lui, dans notre refus dun certain nombres de choses, justement de léthification de la psychanalyse, que de beaucoup des lacaniens. Et je le reste.
MS : Ne pensez-vous pas quil y a une certaine relation entre cette éthification de la psychanalyse et la voie de la transmission familiale, de la transmission épiclère, dont nous parlions ? Parce que, finalement, le conflit eut lieu avec Roudinesco et Major, donc, pas avec des groupes justement millériens, mais la question de léthification implique tous les groupes, inclue lAMP. Cest un problème général de la psychanalyse.
Jean Allouch: Mon avis est que ça se produit indépendamment de la transmission familiale. La vague dordre moral concerne la société occidentale dans son ensemble, la vague de...
[changement de cassette]
Si vous êtes anesthésiste aujourdhui en France (pour prendre un cas que je connais de près), et que vous voulez faire une recherche scientifique, avant de vous engager dans quoi que ce soit, vous devrez soumettre cette recherche à un « comité déthique ». Ça ne sappelle pas, comme ça devrait sappeler, « comité technique » ou « de méthodologie », ou « scientifique », non, cest « déthique ». Cest composé comme un amalgame sans aucun sens, avec le syndicaliste du coin, la pharmacienne libérale, un prof de faculté, un responsable dassociation culturelle, un avocat qui se pousse du coude, etc. Et ces gens doivent décider de la pertinence dengager ou dinterdire une recherche sur les vertus de lanesthésie locale en chirurgie cardiaque !
On peut rejoindre par là, si vous voulez, votre question concernant éthique et morale. Il est clair que la tentative de distinguer éthique et morale a échoué, tout simplement échoué. Si on se demande maintenant où et à quand remonte cet échec, sans doute est-ce à Kant, à léchec même de la morale kantienne (il y a un article de Thierry Marchaisse dans Littoral qui est parfait à cet égard). Cest-à-dire quon ne peut pas penser une éthique en dehors du pathologique, au sens de Kant. Figurez-vous que cest exactement la leçon du texte de Lacan «Kant avec Sade», dont jespère bien pouvoir parler ici, en Argentine, lors dune prochaine séance de mon séminaire.
Même si par la suite, on a essayé de forger cette distinction éthique et morale. Léchec de la morale kantienne veut dire quon ne peut pas penser une éthique en pure rationalité, en dehors du pathologique, en dehors du politique, de lesthétique, de léconomique, etc. Autrement dit, la distinction entre éthique et morale ne tient plus. Et cest ce à quoi lon assiste, tout est aujourdhui appelé éthique, cest-à-dire morale.
MS : Voilà un bon point alors pour passer à la question de lérotologie.
Il nest pas facile de vous suivre sur ce terrain. Dun côté, tout ce dont vous parliez ces jours-ci dans votre séminaire sur la théorie de la baise chez Lacan, cest complètement clinique, je my retrouve tout de suite.
Mais dun autre côté, probablement à cause des préjugés sur la fin de lanalyse, ou la traversée du fantasme, ou lobjet petit a comme cause du désir, ou des choses semblables, cette érotologie ça bouleverse un peu: mais alors, cest par où que finissent les analyses ?; un gay ou un travesti en analyse: quelle relation avec lhystérie?; quelles seraient les cordonnées pour la direction de la cure, au niveau de la politique?Jean Allouch : il ny a pas la direction de la cure... (rires, surprises)
Cest une méthode, cest une méthode qui sapplique. Dans quelle direction cette application va-t-elle ? Ah ! justement, une des conditions dexercice, de la mise en oeuvre de cette méthode, cest que le psychanalyste nait pas didée préconçue à cet endroit-là. Il sagit quun dispositif fonctionne. Où ça va ? On ne le sait pas. Lanalyste ne le sait pas. Lanalysant ne le sait pas. Et les analystes non plus.
Aucun savoir ne permet à un analyste, aussi expérimenté soit-il, de dire des choses aussi énormes que peut dire, par exemple, un psychiatre expert qui, consulté pour une adoption, va croire pouvoir conclure, après 3 heures dentretien (ou ½ heure !), que cette femme pourrait être une bonne mère. Il faut être complètement azimuté pour arriver à dire une énormité pareille. Quand une femme fait ou adopte un enfant, elle ne sait pas où ça va, quand un homme fait un enfant, il ne sait pas non plus où ça va. Où ça ira?, on nen a (heureusement !) aucune idée.
Il y a beaucoup de choses, et parmi les plus décisives justement, quon fait dans la vie, même en ayant un peu dintuition, sans savoir où ça va nous mener, ce qui va sensuivre.
«Acte analytique» veut dire ça, veut dire quà partir du moment où je dis oui à quelqu un, je ne vais plus me soustraire, quelles que soient les conséquences de la mise en oeuvre de la méthode.
MS : Une grande partie des travaux psychanalytiques, depuis plusieurs années, tournent autour de la question de la fin danalyse. Ça tourne surtout autour de la question de la passe et de la certification de lanalyste, avec la préoccupation de cette certification de lanalyste.
Jean Allouch : mais vous connaissez des travaux intéressants ?
MS : Non .. (Risas).
Mais cest Lacan qui propose de penser lanalyse à partir de la fin de lanalyse, en contre position vis-à-vis de lIPA où les conditions sont posées surtout à lentrée, sur les qualifications initiales pour pouvoir faire une didactique, où il ny a pas de réflexions sur où porte une analyse.
Au fond, la passe est la préoccupation de Lacan pour savoir où mène une analyse.
Vous ne le voyez pas comme ça?Jean Allouch : Il la dit. Il a dit quen faisant cette proposition, il souhaitait savoir. Je crois que ce nest pas ça limportant. Il sagissait peut-être de sa demande à lui quand il a mis en oeuvre sa Proposition. Après tout, il a bien droit davoir, lui aussi, des demandes. Mais je ne crois pas que ce soit ça qui ait fait le vif de cette Proposition. Le vif de cette Proposition cest son côté proposition, et pas ce que Lacan demandait à cette proposition. Cest le fait que cette proposition ait été faite, quelle ait été mise en uvre. Même après quil ait parlé déchec, déchec non pas de « la » passe, comme tous le disent, mais déchec de « cette » passe, ce qui est une différence considérable. Dailleurs, après quil ait parlé de cet « échec », ça a continué, le dispositif a continué à fonctionner. Il na pas arrêté le fonctionnement du dispositif ce jour-là. Il était le directeur. Hubiera sido posible para él decir basta, interrumpir el funcionamiento del dispositivo. Y no lo hizo.
NF: lo que se sostiene es Proposición
Jean Allouch: Sí, sí. Dolto a poussé encore plus loin la chose puisquelle a fait carrément la proposition que les gens qui étaient en fin danalyse, «devaient» se présenter à la passe pour offrir à la communauté analytique du matériel pour faire avancer le savoir. On était prié par elle de se sacrifier au savoir, de se mettre publiquement nu pour le plus grand profit du savoir.
MS : Cest ça le fil qui pousse. Aux congrès de lAMP, par exemple, il y a toujours les sessions spéciales où les AE viennent conter leurs histoires.
Jean Allouch : Ça na rien à voir avec la passe.
MS : Mais il y a cette idée de que cest à partir de ce qui se passe sur la fin, de quelques analyses au moins, quon pourrait penser à certaines choses. Ce qui pose toujours le problème de si on ne retrouve pas, là, justement, ce quon cherche.
Jean Allouch : La méthode, je crois, laisse ouverte cette question de savoir si une analyse se boucle ou se boucle pas. Par exemple, Conrad Stein, lui, a toute une théorie de lanalyse qui est extrêmement bien développée, et qui consiste à dire que la fin dune analyse nest que le moment, inessentiel, où lanalysant pourra sanalyser lui-même. Cest assez proche de Freud. Ce nest pas du tout lidée de Lacan, qui considérait quil y avait une fin, quil y avait un bouclage, que quelque chose était achevé, et quaprès, ce nétait pas la même chose mais autre chose.
MS : oui, cest ça.
Jean Allouch : Si vous voulez, cette détermination quapporte Lacan, non pas dans la mise en oeuvre de la méthode, mais dans sa théorie, est hypothétique; cest une hypothèse...
MS : Mais cest pris très fortement, parce que sil y a une différence comme cela, alors il y a ce sur quoi faire une «certification». Pour les institutions cest important.
Jean Allouch : Oui, oui.
Dans lécole lacanienne, à laquelle jappartiens, il ny a aucune certification qui soit donnée ...MS : mais vous avez le dispositif de la passe
Jean Allouch : On a mis en oeuvre le dispositif de la passe, dune manière un peu particulière.
Je crois quon a fait une ou deux trouvailles à cet endroit-là. Lorsque quelquun est nommé analyste de lécole, lécole enregistre cette nomination: «XX est analyste de lécole». Lécole lenregistre, et puis cest tout. Ça na pas de conséquences professionnelles prévues, programmées.
Jimagine que si lÉtat nous demandait de dire qui est analyste dans cette école, on ne donnerait le nom de personne, et pas non plus les noms des AE. Jimagine, je ne sais pas, on na jamais eu à discuter ce problème.
MS: pourtant, cest sur la Proposition de la passe que, si je ne me trompe, sest fondée un peu lELP ; vous avez re-écrit la Proposition.
Jean Allouch : Oui, on a re-écrit cette proposition .
MS : et cette re-écriture a été le texte de fondation de lécole
Jean Allouch : Oui, oui. On a fait deux choses au moment de la fondation de lécole lacanienne.
Premièrement on a considéré quaucun titre du passé ne valait. Par exemple, je ne suis pas AE à lécole lacanienne. Ça été la première chose, et cela nous a permis de nous poser un problème que nous ne nous serions pas posé si nous avions reconduit les titres antérieurs, qui est le problème de savoir comment est-ce quil pouvait y avoir des passeurs, quel dispositif pouvait produire du passeur.
Lacan avait choisi une solution de compromis à cet endroit-là, en disant que cétait les AE déjà en, place, instaurés, qui allaient désigner les passeurs dans leur clientèle. Cétait un compromis, en ce sens quil confiait la nouveauté quintroduisait la Proposition, quil confiait la mise en oeuvre de ça, aux gens qui étaient parmi les moins susceptibles de la mettre en uvre, cest-à-dire, les notabilités de lécole, puisque les AE étaient devenus les notabilités de lécole. Sauf exception, ils navaient rien produit de théoriquement créatif. Ils se contentaient dencaisser les dividendes du travail de Lacan et, quand ils publiaient, de faire de « lauteur stop » comme Lacan n a pas manqué de le faire savoir.
MS : Pardon, les AE ou les AME ?
Jean Allouch : les AE. Les AE désignaient les passeurs. Des AE qui venaient davant la passe. Lacan avait confié la mise en oeuvre de sa Proposition aux gens les moins susceptibles de comprendre quoi que ce soit de cette Proposition. D ailleurs, ils ne comprenaient rien. Leclaire, pourtant un des rares AE créatifs, croyait que la passe était un supplément danalyse.
Et ça a été, sans doute, un des motifs de léchec de « cette » passe, dont Lacan porte donc, en partie, la responsabilité. Sans doute, na-t-il pas été assez radical dans la conception du dispositif de la passe, en confiant la chose aux notabilités de son École. Après ça, il a dit : « Mais, justement, si jai fait ça, cest pour que les nouveaux AE, en étant AE dans cette école, modifient petit à petit la fonction dAE ». Il a donc vu le problème, mais le poids des notabilités était sans doute déjà trop grand pour que cette indication ait pu fonctionner.
Ne croyez pas pourtant quil ne se soit rien passé. Quand nous avons souhaité organiser une journée des mathèmes, nous, les jeunes qui lisions Lacan en cartel, certains AE ont eu tellement peur quils ont dit : « D accord (car nous avions le soutien de Lacan), mais à condition que ce cartel soit dispersé, quils ne soient pas ensemble à la même tribune le même jour ».
MS : il y a un autre aspect à la fondation de la ELP qui a attiré mon attention: vous soulignez là, les liens damitié.
Je ne me souviens pas exactement comment cétait écrit. Mais cest une question que je me pose sur les conditions de possibilité de travail en groupe. Ça a attiré mon attention parce que lamitié cest quelque chose qui d habitude est dégradé, réduit à la fratrie, à la relation imaginaire, etc.Jean Allouch : Oui, cest une question très difficile. On est en train de travailler là-dessus, un peu en parallèle avec un certains nombre de travaux gays et lesbiens sur, justement : quest ce que cest quune communauté ? Les deux derniers numéros de notre revue L´Unebévue traitent très activement cette question de savoir comment se constitue ce que Georges Bataille appelait une communauté élective, une communauté délection.
MS : Élection dans quel sens ?
NF : la mutua elección
Jean Allouch: Cest ça. Je vais choisir Michel Sauval, Sauval et non pas Monsieur Dupont. Il y a une élection là, y compris au sens religieux, si vous voulez, du terme.
MS : Et puis vous associez cette question de la communauté élective pour les psychanalystes aux travaux que font les gays et lesbiennes, non ?
Jean Allouch : Ce nest pas pour les psychanalystes. Il ny a pas de psychanalystes dans lÉcole lacanienne. On ne se dit pas, on nest pas « entre analystes », ce qui, je crois fonctionne dans bien des endroits et qui est une aberration. Je nai jamais vu deux analystes ensemble !!! Ça nexiste pas, ça ne peut pas exister !!! (Risas)
Il y a quelque chose qui est très mal posé quand on pose la question dans ces termes-là.
MS : Mais dans cette élection pour former la communauté il y a un intérêt pour la psychanalyse.
Jean Allouch : Oui, on a constitué une communauté de membres de lécole lacanienne.
Mais, dabord, il y a des gens qui ne sont pas analystes, qui ne pratiquent pas lanalyse, qui nont pas lintention de pratiquer lanalyse. Déjà dans lÉcole freudienne il y avait cette détermination selon laquelle lécole nest pas un lieu professionnel, nest pas liée à la profession. La profession de chacun peut être ceci ou cela, mais fondamentalement lécole nest pas un lieu professionnel.
MS : À lenvers de ce qui se pense habituellement !!! (rires)
Jean Allouch : Cétait présent à lÉcole freudienne. La fonction du non-analyste était absolument décisive dans lÉcole freudienne. Cest tout un rapport à la théorie qui est engagé par là, cest tout un rapport à la profession, cest toute une série des choses qui sont très importantes.
MS : Mais ce nest pas une élection si simple, parce que quand on choisit quelquun pour travailler avec, ce nest pas simplement parce quil est sympa, ce sera pour ce quil pense en relation à ce quon veut travailler, etc.
Il y a la présence de la "cause".
Je pense pour ce qui est aussi la formation de tout genre dorganisations, et je soulignerais le terme de militant, par exemple, pour indiquer la relation à des raisons, à des objectifs, etc.Jean Allouch : Oui, cest compliqué la question du militantisme. Je nai pas de réponse parfaitement articulée. Je ne crois pas quon puisse dire quil y a une cause commune; il y a le rapport de chacun à lécole, chacun misant quelque chose dans lécole, quelque chose qui est déjà définitivement perdu, dans le fait même de miser. Est-ce que ces mises font cause commune? sans doute pas. Et en ce sens, si vous voulez, ce nest pas exactement un militantisme.
En fait, je ne sais pas si le militantisme cest avoir une cause commune. Cest à vous de me le dire ..... (Risas)MS : Ce que vous proposez, dans ces premiers textes, c est quil y aurait la possibilité dun style commun...
Jean Allouch : Nous lavons fait peut-être en étant trop sous linfluence (non critiquée) de Lacan. Si je vois maintenant les choses, avec un peu de recul, je remarque que les gens de lécole lacanienne qui publient, sont assez différents. Je ne peux pas dire quil y ait un style commun.
MS : cétait une ambition initiale ou une idée ...
Jean Allouch : En même temps, il y a un peu de vrai, comme dans les écoles de peinture, par exemple le cubisme. Cest oui et non, il y a quelque chose du style qui évoque lidée que ça peut être commun, et en même temps, non. Cest difficile. Je nai pas réponse à ça. Je puis juste noter deux points. Si je regarde les travaux des uns et des autres, il y a des manières différentes, ça cest clair. Mais en même temps, si vous voulez, on est capable, et non seulement on est capable mais on le fait : on ne publie jamais un texte, personne ne publie un texte sans que beaucoup de gens de lécole soient passés par-dessus, pour le corriger, le critiquer, etc. Il ny a pas de production personnelle comme ça. Je nai jamais publié une ligne, je crois, depuis que lÉcole lacanienne existe, sans quelle nait été lue et critiquée par six ou sept personnes, re-écrite autant de fois quil le fallait. Donc, les travaux circulent. Je peux très bien lire un texte dun membre de lécole lacanienne, ne pas être daccord avec la thèse avancée, mais trouver quelle est bien présentée, et donc, faire des observations à lauteur, lui dire mes désaccords, puis souhaiter que ce soit publié. Il y a donc quand même quelque chose de commun puisquon arrive à pratiquer ce quon appelle la «correction fraternelle». On sinflige des corrections mutuellement. Il y a bien quelque chose qui fait communauté pour arriver à se corriger ainsi les uns les autres.
MS : Je voudrais alors reprendre la question par un autre bout : quels seraient les interlocuteurs de la psychanalyse aujourdhui ? Par exemple, nous pourrions penser aussi chez Lacan, à différents moments, différents interlocuteurs. On pourrait dire que pour les dix premiers séminaires cest lIPA, puis après 64 cest les normaliens, etc. .
Quels seraient aujourdhui, à votre avis, les interlocuteurs de la psychanalyse ? Les gays and lesbiennes ? Baños Orellana, par exemple, propose les postmodernes. Major propose Derrida. On pourrait dire que Miller pense à lIPA et aux EEUU ...
Pour vous ?Jean Allouch : Vous ?, qui est « vous » ? (rires)
MS: vous, vous ... (rires)
Jean Allouch : Moi, personnellement ? Mes interlocuteurs sont ceux qui me font signe quils ont lu un livre ou un article. Mes interlocuteurs ce sont des lecteurs.
MS : Bon, mais les gays et lesbiennes ne lisent pas vos livres. Cest plutôt vous qui les lisez.
Jean Allouch : Oui, oui, mais certains lisent Freud et Lacan.
MS : Ils lisent Lacan, les gays et lesbiennes ?
Jean Allouch : Oui, oui, il y en a pas mal, bien sûr ...
MS : Mais à partir de quand ? Après linterlocution avec vous ?
Jean Allouch : Non, bien avant. Mes travaux ne sont pas du tout connus aux EEUU, mais il y en a quelques-uns qui lisent Lacan. Ils lisent malheureusement aussi des livres quils supposent bien à tort homogènes au frayage de Lacan (par exemple Kristeva). Il y a parmi eux des gens qui ont publié des travaux qui tiennent compte de Lacan (comme par exemple Leo Bersani).
MS : Parce que cela fait aussi le problème doù on se positionne par rapport à la situation sociale. Je pensais un peu à 68 en France, que faisait Lacan avec tout cela ?
Ou par exemple, avant hier, à votre séminaire, avec la question de gagner la rue ou pas. Évidemment, ce nest pas en tant que psychanalystes, mais ça fait partie de notre interlocution aussi.Jean Allouch : On na pas la maîtrise de ça quand on écrit et on publie.
On a des surprises de temps en temps. Récemment, jai rencontré un professeur de mathématique, un chercheur en mathématiques, qui est venu me voir parce quil trouvait que mon livre Marguerite, ou lAimée de Lacan sur la paranoïa, pouvait laider dans sa recherche sur lépistémologie des mathématiques. (rires).
Alors, voilà, cest un interlocuteur. On a passé deux matinées à discuter, deux fois trois heures, ça été, il reste un interlocuteur.
Je naurais jamais imaginé quun élève de Laurent Schwartz - il sappelle Nicolas Bouleau - puisse trouver un intérêt, pour son propre travail, à lire mes remarques sur la paranoïa. Le côté amusant et important des livres, cest ça. Baños naurait sans doute pas imaginé la façon dont on la reçu en France... (rires)
Les livres créent des rapports. Avec eux prend corps lidée de présenter la psychanalyse de manière rationnelle. Ils mettent en oeuvre lidée dune rationalité à laquelle la psychanalyse se soumet ; elle nest pas ésotérique. Il sagit de trouver un mode dinterlocution tel que le propos se confirme comme nétant pas ésotérique.
Un psychiatre peut lire Marguerite ou laimée de Lacan et, être daccord avec telle chose, pas daccord avec telle autre, ceci peut être discuté. Ce livre nest pas écrit dans un langage tel que quelquun qui aurait une autre formation que la mienne ne pourrait daucune façon avoir accès à ce dont il s agit. De même, jestime que, pour mon livre Freud et puis Lacan, un épistémologue peut trouver que le cas de transmission qui se trouve déplié là est intéressant. Cest se soumettre à la rationalité, admettre que le dernier mot nappartient pas à un groupe.
NF : Podríamos pensar en interlocutores que aparecen y otros que se eligen?
Jean Allouch: Sí, sí, sí, seguro que el grupo de los gays y lesbians ...
NF : ..... está como elegido ...
Jean Allouch: ... por nosotros?, sí, si. Ellos no hicieron nada para que eso pudiera ocurrir, pero eso ocurrió. Sí, hay una dimensión de elección
NF: Ayer discutíamos, al medio día, por dónde pensar esas interlocuciones, para nosotros, los comienzos de esos intereses. Si por los cambios, digamos, en el ambiente, si por una actualización del psicoanálisis para trabajar esas cuestiones, si por el movimiento mismo del psicoanálisis en su estructura, si son todas esas cosas .... ¿Qué llamará a la elección de esos interlocutores?
MS : Surtout parce que tous ces choix-là se traduisent, après, dans différentes actions. Ce texte quon commentait hier, de ce psychanalyste dAPA, qui demande la garantie de lÉtat pour le lieu qui serait « propice au surgissement de la parole » ...... bon, cest aussi la conséquence dune élection dinterlocuteur ! ! (rires)
Jean Allouch : absolument.
MS : Il choisit lÉtat, donc, il choisit une politique sociale.
Jean Allouch : oui.
MS : Pour revenir un peu à la clinique, je voudrais reprendre sur le point du deuil, le livre Érotique du deuil au temps de la mort sèche. Vous y travaillez là, avec Hamlet, la théorie du deuil dans Lacan. Vous passez à un moment donné, mais très brièvement, par cette référence finale de Lacan, dans son séminaire Le transfert, où il dit que lopération analytique est assimilable au deuil, et il sagit, tel que la intitulé Miller dans l'édition Seuil, du deuil de lanalyste (quoique si on le lit plus attentive-ment, il y a une certaine ambiguïté dans ce texte, on ne sait pas très bien du deuil de qui il sagit).
Jean Allouch : Je ne me souviens pas du texte, présentement. Vous ne lavez pas ?
MS : non, pas ici.
Une des lectures possibles de cela a été le deuil de lanalyste du point vue quil ny a pas, à la fin de lanalyse, un point daccord entre analysant et analyste, il ny a pas de pacte symbolique, ou autre, finalement.
Mais aussi, beaucoup danalystes pensent toute lanalyse comme un deuil.EA : Si, surge de Mélanie Klein ...
Jean Allouch : Ça vient de Mélanie Klein ?
MS : Alors, si on pouvait penser une psychanalyse comme un deuil, comment fonctionne là, et cest le point qui ma fait problème, ce sacrifice du phallus? Jarrive à le suivre sur Hamlet, parce que Lacan, et vous, lexpliquez. Mais, après, le penser avec dautres cas, ce nest plus si facile
Alors, peut-on penser une analyse comme un deuil ?
Jean Allouch : Je ne crois pas quil y ait une réponse univoque, cest sans doute oui et non. Je ne pourrais pas improviser un discours bien articulé là-dessus. Sans doute, peut-on penser une analyse comme un deuil, mais justement, à la limite, en disant « on peut la penser comme un deuil », cest que ce nest déjà pas ça.
MS : bon, nos questions sont un peu « générales » .... (rires)
Jean Allouch : La clinique vérifie ce que jai écrit, à savoir, que « la clinique cest le deuil », À partir de « Deuil et Mélancolie », on a fait une norme de ce que devrait être le deuil, et donc, quand on recevait des gens, on avait cette norme du deuil en tête, et lon disait : « Voyez, regardez, il a perdu son papa - ou sa maman, ou son enfant, son conjoint, etc. - mais il na pas fait son deuil ». On disait que la clinique cétait ne pas faire son deuil. Dans ce livre, je renverse le propos en disant quau contraire, à partir du moment où, justement, dans la société occidentale contemporaine il ny a plus de rituels de deuil, il ny a plus de norme pour le deuil - même si beaucoup de gens sefforcent à prendre Freud comme norme pour le deuil - à partir du moment où il ny a pas de rituels, où il ny a pas de normes, cest précisément dans la clinique quon peut trouver une modalité inventive, de la part de chacun, de faire un deuil.
Il y a des gens de lIPA qui sont daccord avec ça. Je pense que cette idée va faire son chemin, parce que jai des petits signes que ça commence à suffire, quon commence à en avoir assez de considérer « Deuil et Mélancolie » comme norme du deuil.
En ce sens-là, sil sagit dun deuil dans la clinique, on peut dire que lanalyse cest un deuil, car lanalyse va être une certaine manière de faire que ce deuil se joue dune façon autre que celle quil a prise et qui est productrice de symptômes, de gênes, dennuis, dinhibitions, dangoisse, etc. De cette manière, oui, il est question dun deuil dans lanalyse.
NF : Como un segundo tiempo?
Jean Allouch : No. Cuando alguien viene para pedir un análisis, el asunto es un duelo. No se sabe de quién, no se sabe cómo, no se sabe cuándo.
Plus ouvertement parfois, il arrive que quelquun commence une analyse juste avant de perdre un proche : vous savez quun être cher (support de votre castration dit Lacan) va mourir dans trois mois, vous commencez une analyse juste avant, cest une chose assez courante, ou juste après, ou à la date anniversaire de cette mort. Sil s agit dun deuil dans ce qui amène quelquun à demander une analyse, le problème posé, est : comment faire pour que ce deuil se joue autrement. Parce que, jusque-là, il se joue à un prix trop élevé pour la personne qui fait cette demande.
Donc, en ce sens, si vous voulez, lanalyse est un deuil.
Mais je ne crois pas quelle soit un deuil au sens - je ne connais pas bien Mélanie Klein - mais ce nest pas un deuil de lanalyste en deuil de son analysant, ni de lanalysant faisant le deuil de lanalyste. Je ne crois pas du tout, hormis exception, quil sagisse de ça.
Par exemple, ce nest pas mon expérience danalysant. Je nai pas été en deuil de Lacan à la fin de mon analyse; et quand Lacan est mort, je nai pas été en deuil non plus. Ce nest pas quelquun qui ma mis en deuil, du fait de sa mort. Dailleurs, sans doute neût-il pas été en deuil de la mienne si, daventure, jétais mort avant lui. Évidemment cest le genre de choses que lon ne peut pas affirmer. Mais ça ne mempêche pas de le penser ni de vous le dire ! Si lon ne devait dire que ce que lon peut affirmer, les bavardages, sur cette terre, seraient réduits à la portion congrue. Dans lanalyse, il y a une proximité à la fois rare, exceptionnelle intense et dissymétrique entre lanalysant et lanalyste ; mais il y a aussi un certain suspens dun autre mode de proximité quon trouve dans les couples et les familles. Est-ce que le mode de proximité en jeu dans lanalyse est porteur dune expérience potentielle de deuil en cas de mort de lun des deux partenaires ? Sans doute pas dans tous les cas. Jimagine quil y a des analysants qui ont été en deuil de Jacques Lacan, cest tout à fait envisageable. Mais ça na pas été mon cas.
EA : Por qué lo llama « gracioso » al sacrificio del falo? Yo no le veo la gracia... (rires)
Jean Allouch : Il y a un problème de traduction. Il y en a qui traduisent : « gratuito».
En francés hay una ambigüedad interesante. No sé cuál es el término en japonés. Pues el origen de esa formulación es la novela de Oé. Ahora tengo el libro en japonés, pero necesito a alguien para leerlo ... (rires)Pero lo tengo y puedo pedir a alguien que me diga qué es el término en japonés.
NF : A mí me quedó una cuestión de ayer. Ud. decía que se encontraba identificado a la posición de Lacan...
MS : una identificación puramente posicional ...
Jean Allouch : Si, si...
NF : Nos podría decir algo de eso?
Jean Allouch : Cest très difficile.....
[Changement de casette]
[Jean Allouch : (écrit après-coup) Peut-être la réponse nous est-elle offerte par le changement de cassette. Lidentification positionnelle, ce serait changer de cassette, mais pas dappareil.]
MS : Ce nest peut être pas pensable exactement de la même façon pour dire cela par rapport à Lacan.
Jean Allouch : Mais, je crois que si. Mon identification positionnelle, c est une position politique aussi. Quest-ce que cest dans une situation donnée que de tenir une position freudienne ? Cest politique, oui.
David Halperin dans son Saint Foucault, dit ça dans un contexte, si vous voulez, qui est un contexte qui est aussi le mien, qui est un contexte de marginalité, un contexte que Foucault appelle de résistance. Foucault propose toute une analyse des rapports de pouvoir qui est non seulement nouvelle, mais aussi très intéressante, qui va jusquà dire que « le pouvoir vient den bas ». Cest-à-dire quil ny a pas un pouvoir quelque part et puis partout ailleurs de la soumission, ce nest pas comme ça... pyramidal. En fait, il y a des relations de pouvoir qui se jouent en permanence, de pouvoir et de résistance. Il sagit plutôt de micro relations de pouvoir qui ont lieu dans la famille, à lécole, au travail, en politique, dans les loisirs, partout, constamment, avec des stratégies où pouvoir/résistance-soumission sont constamment en jeu lun par rapport à lautre. Il ny a nulle part un pur pouvoir et la pure soumission. Cest dans ce contexte-là quHalperin parle dune identification positionnelle. Foucault a pris, a trouvé, une certaine manière de se situer, une certaine manière de résister. Et donc, si vous voulez, il me semble que, dans un certain nombre de situations, ma manière de résister (par exemple à la tentative de constituer une psychanalyse derridienne), finalement, est la même que la manière que Lacan a eue de résister à un certain nombre de pouvoirs qui sexerçaient sur la psychanalyse à différents niveaux (théorique, pratique, institutionnel, etc.).
MS : Cest peut être difficile à préciser parce que, il me semble, cette histoire de la micro politique, dabord cest le même Foucault qui avertit sur les dangers de ne pas tenir compte des politiques plus macro - on est dans le micro et on finit par faire du micro le macro, et ce n est pas toujours comme ça -. et dautre part parce quaussi, cette idée de micro politique a été prise par les postmodernes. Alors, avec ceux-ci, il ny a plus dimpérialisme, il ny a plus de guerres internationales, etc. Par exemple, en Argentine, le jour des élections ils sen vont au kilomètre 501 pour ne pas avoir à voter et ils croient quavec cela ils font de la « résistance », tandis que les manifs de chômeurs, etc., ça vous crève les yeux, mais eux ils ne les voient même pas passer.
Alors, Halperin nest pas précisément un postmoderne. Je crois quil sagit de pouvoir exercer cette résistance, non seulement au niveau de la micro politique, mais aussi en relation avec la macro politique, sur les deux niveaux.Parce quaussi, entre les psychanalystes, cest une position très commode cette idée
Jean Allouch : laccord «entre les psychanalystes» ! (rires)
MS : Cest le discours dans lequel on est pris, en tous les cas à Buenos Aires.
Jean Allouch : Dans Lacan, à la limite, il ny a quun moment où il y a du psychanalyste, cest quand un analysant est nommé AE. Cest le seul moment où il y a du psychanalyste, à savoir le psychanalyste de ce passant. En dehors de ça, il ny a aucune raison de parler du psychanalyste.
MS : Il y a le psychanalyste dun analysant aussi.
Jean Allouch : Non, rien ne dit que pendant tout le temps dune cure, ce nest pas de psychothérapie quil sagit. Quest-ce qui assure que cest de la psychanalyse ? (rires) Rien ne dit que ce nest pas, je ne sais pas, une manière de mal traiter quelquun, ou de faire du bien à quelquun, ou un jeu sado-maso, quest ce qui prouve que cest de la psychanalyse ? Quelquun est sur un divan, quelquun est dans un fauteuil, et ce serait, de ce seul fait, de la psychanalyse ?
Une psychanalyse comme quelque chose qui seffectue, il ny a quun endroit où ça peut se juger, là où aurait lieu le bouclage de cette analyse. Et donc, par le dispositif de la passe. Sinon, comment savoir quil sagissait bien dune analyse ? Avant on peut bien, par anticipation, dire « Je suis en analyse ». Mais ça reste une anticipation.
Vous pouvez avoir une analyse qui seffectue brièvement et vous pouvez avoir, à lopposé, quelquun qui est sur un divan des années durant et qui ne fait pas danalyse mais de la psychothérapie. Ça peut être très utile, après tout. Mais appeler ça analyse, simplement parce que le monsieur est connu, soi disant, comme analyste et que lautre sallonge sur son divan, ce nest pas suffisant. Ça cest du transfert, et cest la mise en jeu potentielle dun dispositif, mais sil ne fonctionne pas ? Sil ny a pas danalyse du transfert, le nom le plus approprié pour dire ce qui se passe ou ce qui sest passé devient « psychothérapie ».
Sil ny a de lanalyste que dans la cure ponctuellement, on peut en déduire, à fortiori, que cet «entre analystes», est très abusif.
MS : Cest lidée professionnelle.
Jean Allouch : Oui, cest lidée professionnelle.
MS : Cest toujours le psychanalyste comme un professionnel. Ce qui fait que tous les rapports sont pensés à partir de cela, comme professionnels. On ne finit pas de comprendre, parfois, à quel degré nous sommes imprégnés par cette idée du professionnel et de penser la psychanalyse comme une profession.
Jean Allouch : Dans la Proposition, Lacan parle dune «profession qui couvre» la fonction danalyste, il a une phrase comme ça. Il y aurait une profession de couverture, par exemple psychiatre ou psychologue, une profession de couverture comme Freud parlait dun « souvenir de couverture (écran) ». La profession, dans la Proposition, fonctionne comme couverture et non pas comme quelque chose quon exerce. Il sensuit qu à linstant où on fait profession de psychanalyste, les choses sécrasent lune sur lautre. Il ny a plus cet effet de couverture qui fonctionne, et cest une catastrophe.
MS : Pour finir, une question à laquelle vous avez déjà répondu en acte avec votre rire, mais quEduardo veut reprendre, un des points où cela est très fortement pris, cest la question du désir de lanalyste, puisque à la différence de lIPA ou Freud, sur la question de la relation entre analyste et analysant (inconscient à inconscient, moi à moi, etc.). Lacan introduit cette idée dune relation sur le désir, et donc, cette question du désir du psychanalyste, qui, dans le sens de la professionnalisation de la psychanalyse conduit à la « qualification » de ce désir de lanalyste.
Est-ce un concept que nous devrions utiliser, ou est-ce quelque chose qui est pris dans cet engrenage de confusions de la professionnalisation ?
Jean Allouch : Je ne sais pas chez Lacan. Chez les lacaniens, cest en effet du côté où lon est habité par un souci de professionnalisation quon fait valoir cette affaire du désir de lanalyste. On cite toujours le même texte, qui est dans Les quatre concepts, le désir de maintenir la distance la plus grande entre I et a
MS : la différence absolue
Jean Allouch : . la différence absolue ? Non, non ça métonnerais, je ne crois pas.
EA: Dice «absoluta».
Jean Allouch: Dice absoluta?
EA: En español, dice «absoluta».
Jean Allouch : Je crois me souvenir que cest la différence, la distance la plus grande .
MS : Oui il dit cela, mais plus loin, sur la fin de cette séance du séminaire, là où il parle de «la signification dun amour sans limite», alors là il dit que le désir de lanalyste nest pas un désir pur, mais le désir de la «différence absolue».
Jean Allouch : Je ne crois pas, il faudrait voir, non pas lédition du Seuil, il faudrait voir la sténotypie.
Je trouve que ce nest pas une question très pertinente que cette question du désir de lanalyste. Ce désir sinscrit dans la théorie hégélienne du désir comme désir du désir, précisément ce que viendra for clore linvention de lobjet petit a. Par exemple, dès Langoisse, avec cette différence conceptuelle entre séparation et sépartition, il y a, à mon avis, une plus grande finesse et donc une plus grande justesse quavec la dialectique aliénation séparation des Quatre concepts. Il y a une subtilité clinique et théorique plus grande et jaurais donc tendance à considérer que cette affaire de désir de lanalyste - puisque maintenant je constate que c est ceux qui veulent professionnaliser la psychanalyse qui le revendiquent - jen viens à penser que, même si elle devait avoir dautres coordonnées chez Lacan (ce qui est fort probable), jen viens à penser que ce serait plutôt une erreur de Lacan, davoir introduit ce désir du psychanalyste.
Si vous voulez, une erreur un peu du même ordre quune autre qui est peut-être aussi grave, qui est cette histoire de « transfert de travail », qui est une véritable, une vraie bêtise de Lacan. La théorie du transfert et de la fin de lanalyse exigent quil ny ait pas ce concept de transfert de travail. Sil y a quelque chose qui est véritablement modifié dans le bouclage dune analyse, du rapport de lanalysant au sujet supposé savoir, alors, à partir de là il nest plus question de transfert. Ou bien alors, on est incohérent et inconsistant. Mais si on a un petit peu de cohérence sur la question du transfert, et de la destitution du sujet supposé savoir, il est hors de question de pouvoir parler de transfert de travail. Donc je crois que Lacan, il faudrait vérifier quand est-ce quil emploie ce terme, mais je crois que ça été une bêtise.
Bon, comme tout le monde, il en a dit. Il a dit tellement de choses
MS : Le transfert de travail ça finit par être plutôt des transferts monétaires (rires)
Jean Allouch : Quand on sest mis à étudier Lacan cétait à rebours de lui supposer un savoir. Quand on étudie, quelque texte que ce soit, ou un tableau de peinture, une symphonie .
MS : Quand même on suppose quil y a quelque chose là
Jean Allouch : On suppose quil y a quelque chose là, mais on ne suppose pas que cette chose est sue ailleurs, encore moins par quelquun.
Thomas Bernhard disait « quelque-chef duvre que ce soit, si on le prend et si on lanalyse, il n en reste plus rien », aucun chef-duvre ne résiste à une analyse un peu poussée. Quand on se met effectivement à prendre un texte de Lacan, on voit où ça ne va pas, on repère où ça achoppe, on remarque où il a utilisé une grosse ficelle pour faire passer une idée, on se rend compte que cette ficelle est décidément trop grosse, etc. On ne lui suppose pas un savoir quand on fait ça. On étudie comment il opère, on rentre dans la cuisine de son travail, et on voit comment il y a de larbitraire là-dedans, comment il y a des idées très bonnes, tandis que dautres qui le sont moins
MS : Sinon cest chercher à faire la même chose, et il ne sagit pas de faire la même chose.
Jean Allouch : . de toutes façons cest exclu. En plus, il faudrait en avoir envie. À en juger par la suite, on naurait pas forcément cette envie. Parfois, il marrive de dire que si Freud voyait ce à quoi il a donné lieu, je ne sais pas sil ne regretterait pas son abandon de la cocaïne, je ne sais pas (rires)
MS : On vous remercie pour ce temps dentretien, et jespère quà la lecture chacun pourra appréhender aussi cette transmission que nous avons apprécié ici. Merci beaucoup.
Note
Question posée par Norma Ferrari apres l'entretien, lors de la correction, et réponse de Jean Allouch
NF : Allouch ubica el tema de su no retorno a Freud en razón de que esto había sido propuesto tiempo antes de que él comenzara a asistir al seminario de Lacan. Yo pensaba que cada uno, a su tiempo, más allá de los momentos en los que comenzó a trabajar a Lacan, hizo su propio retorno a Freud, en tanto que ese retorno es un paso necesario en la lectura de Lacan y en el progreso de sus seminarios. Es decir, la fecha en la que alguien inicia su trabajo con Lacan, no es el único determinante de este punto, me parece.
Jean Allouch: Vous avez raison, il ne sagit pas uniquement dune question de date. Grâce à Lacan, Freud fut, en France, lu, traduit, discuté, peut-être comme nulle part ailleurs.
Est-ce à dire que Freud, Lacan ayant commencé à frayer sa voie et à faire entendre sa voix, fut, de par la vertu du mot dordre « retour à Freud », jamais mis dans cette position de surplomb dont parle Foucault à son propos et à propos de Marx ?
Lacan étant là, est-ce quà Freud était reconnue la position de pouvoir trancher de la validité de tout énoncé se produisant en son nom et en particulier de ceux de Lacan ?
La réponse est non. Elle est désormais confirmée par la contre-épreuve que constitue la lecture de Freud tentée par Jean Laplanche. La façon dont cette lecture tourne en rond dans Freud atteste suffisamment que les points cruciaux de Freud nétaient pas suffisamment formalisés pour permettre des réponses en « oui » ou « non » quant à la recevabilité de nouveaux énoncés.