Le chapitre I des Principes généraux sintitule dabord « Nature du signe linguistique », puis « La langue comme système de signes». Saussure introduit deux nouveaux termes : « signifiant » et « signifié». Ce sont les « organisateurs », les « discriminants » de la substance communiquée et de la substance communicante. Cest-à-dire que lintroduction des deux termes est une conséquence du principe de larbitraire du signe linguistique.
Le signe linguistique unit un concept et une image acoustique, termes que Saussure remplace respectivement par signifié et signifiant. Le signe fait référence à une entité plus petite que la phrase, probablement le vocable.
Lélément linguistique consiste en deux termes, dune part un objet, hors du sujet (dessin de larbre), dautre part le nom, lautre terme vocal ou mental (arbor).
Premier principe : larbitraire du signe.
Le signifiant est immotivé, cest-à-dire arbitraire par rapport au signifié, avec lequel il na aucune attache naturelle dans la réalité. Le lien unissant le signifiant au signifié est radicalement arbitraire.
Ce premier principe est un principe sémiologique général, valable pour nimporte quelle sorte de signe.
Second principe : caractère linéaire du signifiant.
Le signifiant de nature auditive représente une étendue. Cette étendue est mesurable dans une seule dimension : cest une ligne. Les éléments se présentent lun après lautre, ils forment une chaîne.
La possibilité de découper les mots dans les phrases est une conséquence de ce principe.
Ce second principe ne concerne que le signifiant, et est donc spécifique des signes à signifiant acoustique, cest-à-dire des signes du langage verbal.
Saussure parle dun principe qui régit la structure des signifiants : il ny a pas de signifiant là où il ny a pas de signifié.
Le chapitre IV de la Linguistique Synchronique concerne la valeur linguistique.
Les deux éléments entrant en jeu dans le fonctionnement de la langue sont les idées et les sons. Cette combinaison produit une forme, non une substance. La langue est comparable à une feuille de papier : la pensée est le recto et le son le verso, on ne peut découper le recto sans découper en même temp s le verso. Dans la langue, on ne saurait isoler ni le son de la pensée, ni la pensée du son.
La pensée est linguistiquement amorphe hors de la langue. Larbitraire radical vient dabord, la relativité des valeurs signifiantes et signifiées en est la conséquence.
Puisque pour Saussure un signifiant ne peut avoir quun seul signifié, les « significations » dun mot sont une chose différente de son signifié. Les « syllabes » sont pour Saussure une réalité « phonologique », et non pas de langue mais de parole. La signification est léquivalent de la phonation, c est-à-dire quelle est la réalisation du signifié dun signe faite au niveau de la parole, de lexécution.
Il distingue entre la référence concrète, au moyen dun signe, à un objet particulier et la façon dont le signe propose à notre représentation subjective cet objet ou dautres possibles. La distinction entre référence concrète et façon de la faire est rendue par Saussure avec signification (ou sens) et signifié. Frege, avant lui, lavait déjà bien vu, lui qui distingue Bedeutung et Sinn reprenant les problèmes déjà posés par Bolzano.
En affirmant quun mot signifie quelque chose, en sen tenant à lassociation de limage acoustique avec un concept, on nexprime en aucun cas le fait linguistique dans son essence et dans son ampleur. La langue nest pas seulement lensemble des caractéristiques différentielles des entités, mais elle est lensemble de tout ce qui arbitraire, donc non seulement des complexes différentiels mais aussi, au niveau des classes des phonèmes, des classes de variantes.
Arbitraire et différentiel sont deux qualités corrélatives.
Les signes de lécriture sont arbitraires (aucun rapport entre la lettre t et le son quelle désigne).
La valeur des lettres est purement négative et différentielle (différentes écritures de t).
Le moyen de production du signe est totalement indifférent car il n intéresse pas le système (stylo, crayon, blanc, noir sans importance).
Dans la langue il ny a que des différences sans termes positifs. Bien que le signifié et le signifiant soient, chacun pris à part, purement différentiels et négatifs, leur combinaison est un fait positif. Le signe est une réalité positive, cest-à-dire que le signe est une « entité concrète».
Deux signes comportant chacun un signifié et un signifiant ne sont pas différents, ils sont seulement distincts. Entre eux il ny a quopposition.
Les caractères de lunité se confondent avec lunité elle-même. C est la différence qui fait le caractère, comme elle fait la valeur et lunité. Ce qui distingue un signe cest ce qui le constitue. La langue est une forme et non une substance.
En conclusion :
La particularité du signe saussurien concernant le signifiant, cest la mise à lécart du champ de la référence (la réalité référentielle). Ce quil fait fonctionner au niveau du signifiant et du signifié cest la notion de pure différence fonctionnelle sans substance. Il nest jamais question de la substance, cest un rapport dopposition entre les termes qui constituent chaque niveau. Pour Benveniste, relation de nécessité et de contingence entre signifiant et signifié et relation arbitraire (culturelle) entre le signe et la réalité.
Au niveau du signifiant et du signifié, au lieu de parler déléments, on parle de chaînes. Ce qui sarticule autour de la question de la métaphore et de la métonymie.
Quand Saussure situe lobjet de la linguistique, la question de la réalité nest pas incluse : élément bi-polaire. Chez Pierce, le référentiel est intégré : élément tri-dimensionnel. Le sens nest pas dune substance mais dun jeu dopposition.
Chez Saussure, il y a exclusion du champ de la réalité.
Il met laccent sur la notion de système. Pour saisir le fonctionnement du système, il revient sur le problème de la nature du signe. Signe nest pas synonyme de mot. La notion de chaîne parlée passe avant celle de la phrase.
Les langues ne sont pas des systèmes purs de signes arbitraires.
Caractère linéaire du signe et du message : les unités constitutives des langues naturelles (orales, phoniques) se déroulent dans le temps.
Caractère « discret » des unités au moyen desquelles est construit le message.
Les unités linguistiques sont « différentielles », elles sopposent les unes aux autres sans gradation. Un phonème sera ou /p/ ou /non p/ mais jamais + ou p.
Un signe linguistique (arbitraire, linéaire, différentiel) est un objet qui unit indissolublement un signifiant, cest-à-dire une production phonique, et un signifié, cest-à-dire synonyme de concept ou synonyme de chose. Cest une conception dyadique du signe.
Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale, Bibliothèque scientifique Payot, 1972, pp. 97-103 et 155-169.