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Texte de la
conférence réalisée pour Apertura le 31 octobre 1997,
à lAlliance Française de La Plata,
Argentine.
Traduction : Romaine d'Halluin
Les sous-titres sont d' Yvon Thoraval.
Introduction
Alfredo Eidelsztein (AE): vous connaissez le scandale "Sokal"(3). Tout le monde de la culture en est franchement perturbé. Linformation est sortie dans Ambito Financiero [Milieu Financier] dans La Maga [La Magicienne] et dans La Nation dhier. Je les cite : "Deux scientifiques ont démasqué les patriarches de la pensée contemporaine. Séisme intellectuel eu Europe. Deux prestigieux scientifiques, le nord-américain Sokal et le belge Brictmon, publient aujourdhui un livre en France (4) où ils soutiennent entre autre choses que J. Lacan fut seulement un charlatan, et qui, en plus des nombreuses références à une pensée contemporaine peu sérieuse, quil sapproprie de nombreux termes scientifiques de manière imprécise et vague et quil a ébloui leurs partisans avec une utilisation profondément fausse de ces théories". Le titre de larticle est : " Imposteurs ? "
Dans La Maga toute une page est consacrée à raconter ce qui sest passé. Dans la revue « Social Text » de lUniversité de Caroline du Nord, revue qui est très prestigieuse dans le monde anglo-saxon, ce physicien Sokal publie un article qui sintitule « Trangresser les limites : jusquà une herméneutique transformée de la gravitation quantique ». Et il est entièrement faux. Cette personne écrivit une parodie complète, de plus de 30 pages, et cite plus de 100 scientifiques parmis lesquels Lacan, pour voir sil serait publié ou non. Et il a été publié. De ce fait, comme il est lui-même un scientifique, il croit avoir démontré le manque de sérieux du monde des sciences sociales et partant de là, pendant lannée qui suivit, il écrivit avec le belge « Impostures intellectuelles ». (5)
Un dernier point à ce propos vient dun article dhier sur quelques fraudes en sciences sociales dont lauteur est Francis Korn investigateur du CONICET. Il a écrit « Elementary instructor reconcidered (...) of kingships ». Cet auteur démontre que le structuralisme nexiste pas et que le structuralisme de Lévi-Strauss est une pure grossiéreté et il compare le scandale Sokal avec un livre de 1704 :
« Description geographique et historique de lîle de Formose », dont lauteur, qui ny avait jamais mis les pieds, en inventa la géographie, les coutumes, la religion, lauteur sappelle Georges Saintmanatar. Le testament que lon ouvrit après sa mort disait quil ny était jamais allé, que tout avait été inventé, quil avait tout inventé. Donc, pour cet auteur qui est argentin et qui y est radicalement opposé, toute loeuvre de Lévi-Strauss a la même validité, cest complètement faux.
Maintenant, nous allons faire un exposé en optique qui est une discipline de la physique déjà presque entièrement développée depuis plus de 100 ans, avec laquelle ce nest pas peu de chose ce que nous allons essayer de faire, parce que nous allons réaliser une stratégie très répandue dans les sciences récentes -- la psychanalyse est une jeune science qui atteint déjà cent ans, la mathématique par exemple a au moins 2700 ans -- cest de sappuyer sur le modèle des autres sciences. Ainsi, ce que nous allons faire est de nous appuyer sur un modèle qui, grâce à Dieu, nest pas relié au scandale de Sokal (6) ; cest le modèle optique. Il me semble que ceci est très important parce que cest ce qui donne un peu de rigueur dans les échanges à propos de ce que nous disons et faisons.
Julio Guillen (JG) : ce que dit Alfred me permet de citer Freud. Et je vais prendre le chapitre VII du Séminaire I ("La topique de limaginaire"), où Lacan présente la première forme de ce modèle optique, puis, je prendrai le X ième chapitre, "Les deux narcissismes", et finalement le chapitre XI « Idéal du moi et moi idéal », et quelques références au chapitre suivant.
Justement, là où il introduit ce modèle, au chapitre VII, je trouve intéressant ce que tu disais parce quil cite Freud. Pour nous situer un peu, Lacan proposait un modèle qui permettait darticuler la position du sujet avec ce quil appelle l « Urbild » du moi, qui est un succédané du stade du miroir. Sur ce point, il rapporte une citation de Freud de linterprétation des rêves, dans le chapitre sur les processus oniriques dans lequel Freud se pose la question de la situation psychique et propose de prendre comme modèle un microscope qui est un appareil optique composé. Freud va établir des rapports dhomologie entre la situation psychique et la localisation des images dans le microscope. Cet instrument dispose dune série de lentilles qui produisent un grossissement de limage alors que les images ne se produisent en aucun des substrats matériels de lappareil sinon que limage est à un endroit qui « na pas de substance », parce quelle se produit en des points intermédiaires et on va dire que la situation psychique, il faut la localiser justement parmi ces points dans lesquels on ne cherche pas de substancialité ni de matérialité. Et ce que dit Freud, je vous le lis en deux temps :
« La localisation psychique correspondrait donc à un lieu situé à lintérieur de lappareil dans lequel apparaît un des stades préliminaires de limage, une image intermédiaire, et ensuite on va produire limage finale grossie. Dans le microscope et dans le télescope, ces lieux sont des points idéaux, points sur lesquels ne se trouve situé aucun élément concret de lappareil. »
Je vais dire deux choses importantes en relation avec ce qua dit Alfredo. La première :
« Ces comparaisons nont pas dautre objet que celui de nous aider dans une tentative darriver à la compréhension de la fonction psychique totale et compliquée en la divisant et en attribuant à chacune de ses fonctions isolées, un élément de lappareil. »
Moi, je situerais là deux choses : une qui va procéder sur le mode scientifique habituel, cartésien, qui est de décomposer en éléments pour ensuite, recomposer une totalité, cest la méthode classique de la physique et de la science à lépoque de Freud ; de même, à cette époque, la science procédait en divisant pour comprendre les parties. Il dit ensuite :
« Du fait que ce dont nous avons besoin, sont des représentations auxiliaires qui nous aident à construire une première approximation de quelque chose dinconnu, nous nous servirons du matériel le plus pratique et concret. » (7)
Moi, je crois que Freud propose un rapprochement de la science, en particulier de loptique qui est une des branches de la physique la mieux constituée ; basiquement loptique géométrique avec ses miroirs et ses lentilles et c... Ce qui éclaire très bien est que là, il ny a pas moyen de faire une extrapolation du modèle, ce qui est une critique répétée à légard lutilisation de la physique dans les sciences sociales, et les extrapolations perdent de leur valeur quand on oublie de savoir de quoi on parle ou quand on fait une analogie. Freud nest pas étranger à cela et il le souligne très bien, ce nest pas ce qui nous donnera un modèle exact de ce qui se passe dans le psychisme, mais il sagit de procéder scientifiquement.
La dernière citation, avant dexpliquer ce que nous allons voir, est de Lacan au chapitre VII [1] :
« Je ne saurais trop vous recommander la méditation sur loptique. Chose curieuse, on a fondé un système complet de métaphysique sur la géométrie et la mécanique, en y cherchant des modèles de compréhension, mais il ne semble pas quon ait jusquà présent tiré tout le parti que lon peut de loptique. Elle devrait pourtant prêter à quelques rêves, cette drôle de science qui sefforce de produire avec des appareils cette chose singulière qui sappelle des images, à la différence des autres sciences, qui apportent dans la nature un découpage, une dissection, une anatomie. »
Lacan reprend ce que Freud propose, un peu plus loin, que nous ne laissons pas décomposer en parties et puis il va faire quelques interventions amusantes du fait que personne ne fait cas des recommandations de Freud. Maintenant, je vais expliquer la fonction de cet appareil parce que tout le Séminaire I va, à partir de là, être interprété en certains points par ce modèle quil utilise souvent pour expliquer des questions proches du désir, du je et du sujet. À cause de cela, il utilise tout ce langage propre à loptique : image réelle, image virtuelle, miroirs plans, miroirs sphériques etc... Je vais donc expliquer ce que cela signifie en physique et quelle valeur ça a pour le modèle que propose Lacan.
Le schéma optique
Je vais commencer en vous montrant le schéma suivant qui est important en optique comme Lacan le mentionne et je peux vous dire en tant que physicien quà la faculté, il ne nous est jamais arrivé de le comprendre peut-être parce quil part simplement du principe que loptique fonctionne de telle manière quon puisse dire quà chaque point de lespace réel lui en corresponde un, et un seul, de lespace imaginaire où se produisent les images parce que sinon il ny aurait pas dendroit où situer limage dun point déterminé de lobjet si nimporte quel point pouvait lui correspondre. Cest une relation qui sappelle bi-univoque : à chaque point de lobjet correspond un et un seul, point de limage. (8)
Loptique géométrique est une approximation pour comprendre ce qui se produit dans ces appareils que sont les verres et les miroirs or, il y a des lois. La première loi permet de comprendre comment fonctionnent les rayons quil dessine sur ses schémas. Cest que, sur une surface de réflexion, langle dincidence, respectivement à la normale, qui est une ligne perpendiculaire à cette surface, est égal à langle de réflexion dans le cas suivant (Figure 1).
Figure 1
Que se passe-t-il sur un miroir plan ? (figure. 2)
Je vais expliquer très brièvement comment se construit une image. Il y a quelque chose dimportant, cest quil faut prendre des rayons paraxiaux cest à dire qui ne soient pas trop écartés de laxe ; parce que sinon, on produit ce qui sappelle des aberrations. Il y a différentes aberrations parmi lesquelles , des aberrations sphériques, chromatiques et c... Habituellement, ce que lon met dans les expériences pratiques est un diaphragme pour limiter le faisceau. Prenons en premier lieu le cas dun miroir plan.
Figure 2
On prend un point de limage, moi, jai pris comme exemple une petite flèche et je suis en train de voir où va se former limage de la pointe de la flèche, de la même façon, il faudrait faire la construction pour chacuns des points qui appartiennent à la dite flèche. La loi de réflexion énoncée plus haut, se vérifie pour les miroirs plans, les miroirs sphériques et pour nimporte quelle surface réfléchissante. Les rayons qui tombent sur un miroir, en accord avec la loi de Snell, se réfléchissent avec le même angle respectivement à la normale du miroir au point dincidence. Si langle formé avec la perpendiculaire est nul, il est unique, comme dans le cas du rayon B, et il se reflétera avec un angle nul et reviendra sur lui-même. De la même façon, le rayon A se reflète respectivement à la normale en formant le même angle dincidence. Vous vous rendez compte que les rayons que reçoit quelquun qui est placé du même côté du miroir que lobjet, en voyant limage, quels sont les rayons qui lui arrivent ; les rayons incidents voyagent vers la droite et narrivent pas à la personne indiquée par loeil, ceux qui lui arrivent seraient B et A, mais ce sont des rayons divergents et ils ne se rejoignent en aucun point.Limage se produit dans la rétine de la même manière que se forme limage à lendroit où paraissent converger ces deux rayons. Si nous prolongeons A et B vers la droite, ils convergent sur la pointe de limage de la flèche. Donc, limage sur un miroir plan se forme de lautre côté du miroir, comme celle que vous voyez vous-même tous les matins, et cest une image virtuelle. Elle est virtuelle parce que les rayons ne se croisent effectivement pas dans cette image, sinon quelle se situe comme si elle provenait de ce point. Une image virtuelle donc, se produit de lautre côté du miroir et non de lendroit doù proviennent les rayons sinon de lendroit où ils paraîtraient provenir.
Le miroir sphérique
Voyons maintenant le cas dun miroir sphérique. (Figures 3, 4, 5 et 6)
Figure 3
Figure 4
Figure 5
Figure 6
Quelques points importants. Le centre, qui serait le centre de la sphère si je la complétais, le point focal qui est un point particulier et le sommet. La ligne C S (Centre -- Sommet) est laxe du miroir R -- qui est la distance du centre de la sphère à la surface de la sphère -- est le rayon. Et le point focal (on peut faire le calcul) est situé pour un miroir sphérique juste au milieu (Figure 3).
Quelles sont ses propriétés ? Les propriétés sont que les rayons parallèles se réfléchissent en passant par le point focal. Donc, cest la même loi quavant. Les rayons qui passent par le foyer se refléchissent parallèlement à laxe et finalement, la dernière propriété, si les rayons passent par le centre, ils reviennent sur eux-mêmes. Les images qui se forment dans les miroirs sphériques ne sont pas les seules images que Lacan présente dans le schéma. Il dit que limage se forme inversée juste au dessus du vase ou des fleurs, mais cest une situation particulière. (Figure 7) Il y a différentes situations possibles où jai situé lobjet par rapport au centre, au foyer et au sommet, comme nous pouvons lapprécier dans les figures précédentes. Si lobjet est plus haut que le centre du miroir, limage se forme inversée entre le centre et le sommet et elle est plus petite (Figure 4).
Je vais me garder de dire ce quest une image réelle. Jusquici, je reste avec lidée quune image virtuelle est limage formée de lautre côté du miroir et doù ne proviennent pas les rayons bien quils paraissent en provenir. Dans une image réelle, les rayons se croisent effectivement au point où se produit limage et, pour quelquun qui voit du côté de lobjet, elles se forment du même côté que là où se trouve lobservateur, en effet, les rayons qui arrivent vers lui sont ceux qui se réfléchissent en se croisant à lendroit où apparaît limage. Ce qui donne lillusion dune image entièrement distincte de celle quon voit sur un miroir plan, elle sappelle image réelle, elle est du côté de lobjet et de là proviennent effectivement les rayons qui se croiseront.
Si, de plus, je place lobjet entre le centre et le foyer (Figure 5), limage va apparaître inversée mais agrandie et derrière le centre, cest une autre image réelle. Et finalement, les miroirs sphériques peuvent provoquer aussi des images virtuelles, dans le cas où lobjet est entre le foyer et le sommet (Figure 6), dans ce cas, limage se forme de lautre côté du miroir et les rayons qui ricochent ne se croisent en aucun point du côté de lobjet sinon quils semblent provenir de lautre côté du miroir.
On peut démontrer que dans le cas où lobjet est juste au centre, limage qui se forme est une image réelle -- elle est du même côté -- , inversée, et juste au dessus (Figure 7). Je place lobjet au centre du miroir donc, limage va se former au dessus et inversée.
La topique de l'imaginaire
Maintenant, je vais vous montrer le schéma tel quil apparaît dans « La topique de limaginaire » (9). Il y a le miroir sphérique , une boite qui cache le bouquet et les fleurs [, ce sont ses deux objets. Comment se forme limage ? De la même manière quauparavant. Cest à dire quà lendroit où apparaît cette image, nous allons voir apparaître quelque chose qui, même en nétant quune image, a une consistance absolument distincte de ce quest une image dans un miroir.
Figure 7
Finalement, je vais présenter le schéma qui est dans « Les deux narcissismes » (10) dans lequel Lacan ajoute ceci : qui est que limage obtenue peut sutiliser comme objet pour un autre miroir. En tant quimage produite par le miroir, elle sappelle image réelle mais si je la considère comme objet producteur dune nouvelle image, elle sappelle objet virtuel. Donc, si je suis les rayons comme provenant de cet objet virtuel et que je prends un miroir plan, ce miroir plan va former à son tour une image virtuelle, maintenant, ce qui est intéressant de voir est que là, la personne qui regarde doit avoir une position opposée à celle davant pour voir cette image.
Figure 8
Question : sil ny avait pas la boite, on verrait aussi les fleurs en dessous ? (Figure 7)
Maintenant, avec cette image qui se forme, en introduisant un miroir plan, la personne qui veut la voir, comme les rayons viennent rebondir, doit se tenir de lautre côté. Lacan la situe et dit que dans ce cas, loeil doit être dans une position telle quil soit avec le plan du miroir. Donc, il se forme une image virtuelle. Limportant est que lendroit où se forme cette image virtuelle dépend de linclinaison du miroir plan.
Ce qui est intéressant à noter, cest quil va dire que le vase imaginaire (il le dit dans « La topique de limaginaire ») représente limage du corps, la boite représente le corps, les fleurs représentent les pulsions ou les objets pulsionnels et puis il dit que loeil, cest le sujet. Ensuite, il va faire une autocritique en disant que le sujet nest pas un oeil. Au chapitre XI ou XII il va préciser que cette division se produit brutalement au stade du miroir entre le corps et la conscience. Je crois quil le prend dune certaine manière dans ce sens ou bien, que cet oeil qui voit, loeil qui est dans cette situation se voit lui-même dans le miroir. Quand quelquun voit un miroir, il peut voir les fleurs mais aussi se voir lui-même.
Ce thème dont parle Lacan dans « La topique de limaginaire » est important cest une critique de M. Klein parlant du cas de Dick et à un moment, il dit que de toute manière, pour pouvoir situer un monde dans lequel limaginaire peut contenir le réel, et le réel, limaginaire, le sujet doit être dans une certaine position et que cette position doit être en rapport avec le registre du symbolique et il va situer lAutre comme la voix qui contrôle le miroir, linclinaison du miroir. Comme la voix qui contrôle linclinaison du miroir, je crois que dans ce cas, la voix se réfère au langage. Et finalement il dit que lintervention de Klein dans le cas de Dick permet au sujet de se situer dans une position et de pouvoir commencer à articuler des inclusions entre imaginaire et réel. Mais avant, il y a une série de développements proches de ce quest la constitution du moi et des deux narcissismes ; je situerai le premier narcissisme comme la constitution de limage du corps et le deuxième narcissisme comme la constitution de la réalité en tant quinter-jeu entre limaginaire et le réel.
Projection du film
(Projection du film de lexpérience réalisée par « Apertura » dans le laboratoire de sciences exactes à luniversité de La Plata) (11)
Figure 9
Figure 10
- Caméra ;
- vase ;
- fleurs ;
- image réfléchie, réelle du vase ;
- miroir concave ;
- table et rideau par devant.
Le moi est une image
AE: en plus de la théorie soutenue qui confond le moi à lunité du sujet, de la conscience, théorie systémique, pour Freud, cette analogie est très vieille. Il y a deux théories psychanalytiques sur le moi : la première soutient que le moi est un objet, investissement libidinal, cest la position d « Introduction au narcissisme » de 1914 où le moi est un objet. Il y a une autre théorie du moi, cest un postula freudien, qui est celle en rapport à la théorie de Lacan, qui dit que le moi est une image. Ainsi le dispositif qui vient dêtre amené, est une solution à ce problème. Le moi est un objet ou le moi est une image. Et, avec ce dispositif, Lacan rend compte de ce quen soutenant cela -- que le moi est une image -- , il ne contredit pas les enseignements de freud, qui soutient que le moi est un objet.
Ca me donne limpression que cette expérience est clairement présentée et quelle ne pose pas de problème à la compréhension.
Ce que je voulais souligner cest la portée que le modèle a quant à la structuration du symbolique, de limaginaire et du réel. Je vais faire un contrepoint entre le Séminaire I et lécrit « Observation sur le rapport de Daniel Lagache », entre le Séminaire I et le VII ou VIII, cest la période historique dont il sagit.
La perspective que je vais vous donner est comme toujours je lespère la meilleure, celle qui nous intéresse le plus, qui est la direction de la cure. Ou alors, pourquoi un psychanalyste peut arriver à se servir de tout cela dans la pratique clinique quotidienne ? Cest très joli quil y ait un appui dans la science simple, non problématique comme loptique, parce quen général beaucoup dentre-nous ne sintéressent pas à la garantie scientifique de ce que nous faisons, ce qui nous intéresse plus, cest de le faire et en tous cas de le faire bien et ce que nous cherchons dans les développements théoriques, cest de le faire de la meilleur manière possible.
Il y a un problème de préjugé quant à la direction de la cure qui peut sétablir en rapport au Séminaire I (modèle optique), en relation au Séminaire VII ou VIII et puis au Séminaire X. Et, le préjugé auquel je me réfère est que tout le monde dit -- les meilleurs -- , que la notion de réel chez Lacan au Séminaire I se confond avec la réalité. Chose qui, à moi, me paraît-être un propos absolument incroyable, non parce que je considère que tout ce que dit Lacan est bien, franchement, pour moi Lacan nest pas un Dieu mais il me paraît incroyable quau Séminaire I il confonde le réel et la réalité pour les raisons suivantes :
1-o) Parce quil introduit la structure du symbolique, de limaginaire et du réel ? Et justement là, il va le confondre avec la réalité ? Pourquoi na-t-il pas introduit la structuration du symbolique, de limaginaire et de la réalité ? Je connais Lacan comme une personne assez précise dans le choix et lutilisation des termes et il me semble incroyable quil ait lui-même sous-estimé cette distinction, fait cette méprise.
2-o) Toute la logique repose sur lopposition entre images réelles et images virtuelles les images réalité nexistent pas en optique. Et appeler ces images réelles, cest possible parce que les images réelles se comportent comme des objets mais pas comme des objets libidinaux, il y a de nombreuses sortes dobjets, sinon comme objets libidinaux mais encore plus dobjets réels. Où, pour nous, limage réelle dune table, comme spectateurs, ne se différencie pas nettement dune table réelle. Cest pourquoi il me semble incroyable que Lacan ait dit tout cela pour confondre justement réel et réalité, ce que tout le monde dit, cest un préjugé établi, il faudrait étudier un peu ce dont il sagit.
Réalité nest pas un mot transcendant chez Freud, il occupe déjà une place fondamentale comme dans le principe de réalité. Et chez Freud, le principe de réalité na rien à voir avec le principe de réel. Sincèrement, seuls nous, les psychanalystes pouvons dire pareille chose barbare que Lacan confond réel et réalité parce que la psychanalyse sait parfaitement distinguer le réel de la réalité, mais comme nous ne savons pas lexpliquer, nous engendrons un mécanisme typiquement humain qui est la projection, donc, tout ce que quelquun ne sait pas, ne comprend pas, il dit que lautre ne sait pas et ne comprend pas ...
Je crois que la clé est dans ce quon entend par réalité. Il y a un principe dont Julio [Guillen] a déjà rendu compte et cest celui qui est en jeu ici : or, pour Lacan, il y a une relation bi-univoque entre un point de limage et un point de lobjet réel. Tant et si bien que le modèle quil nous donne est un modèle que, parmi les trois possibilités que Julio a décrites ici, Lacan prend seulement comme image réelle produite par un miroir sphérique celle où limage réelle tombe dans le même plan que lobjet réel ou alors, que le vase en chair et en os est au même plan que limage réelle du vase ou encore cette image quon ne peut distinguer de lobjet réel (Figure 7).
Une phrase de Lacan du Séminaire I dit en français :« Un tel schéma vous montre que limaginaire et le réel jouent au même niveau ». Bon, effectivement, cest ce que je vous propose, pour Lacan au Séminaire I, limaginaire et le réel sont au même niveau (Figure 11).
Figure 11
Maintenant, on voit que dans le monde humain, le symbolique ne reste pas exclu de la relation imaginaire -- réel par ce quil y a une loi qui lie I avec R (Figure 11). Donc, les êtres humains, à la différence des animaux, non seulement nous ne voyons pas les objets et voyons les images mais aussi nous connaissons les lois. Et ajoutons que I et R se relient par lintermédiaire dune loi ; à un point de R correspond un et un seul point de I. Le monde symbolique pour Lacan au Séminaire I, cest la loi.
Pour Lacan, ce dont il sagit, cest que la réalité est la superposition du plan du réel avec le plan de limaginaire, ça, cest la réalité. Justement tout ce que moi jaccepte pour expliquer la réalité. Quest-ce que la réalité, et la réalité ne serait jamais le réel pour Lacan. Donc la réalité, cest larticulation du réel et de limaginaire.
Mais il y a un problème, le problème théorique pour la psychanalyse cest quaussi sans aucun doute il y a une réalité pour les animaux. Par exemple, un concept peut être remarquablement favorable pour les fourmis et un désastre par exemple pour les girafes, ça ne dépend pas de la structure du réel, parce que le réel est le même pour tous les deux. Si les fourmis et les girafes partageaient le même habitat, comme cet habitat réel a 85 % dhumidité, le nombre de millimètres de pluie par an et c... Ce sont des données réelles, quest-ce qui change ? La réalité ? Pourquoi ? Parce que dans limaginaire de chacun de ces animaux, [?] la projection de son image corporelle au monde fait que le mileu se connote différemment. Sil ny a pas de petites feuilles vertes à trois mètres de hauteur pour les girafes, cest un endroit défavorable alors que sil y a beaucoup de fourrage au raz du sol pour les fourmis, cest labondance. Avec ceci que, chez les animaux, on voit la constitution de la réalité grâce à la superposition de limaginaire et du réel. Et une superposition plus intéressante que la nôtre supposons-nous parce que les animaux aussi sont trompés par les images et tous les comportements sexuels chez les animaux -- Lacan propose que nous ne le perdions jamais de vue -- sont de tromper. La danse, et dautres formes comme se montrer et c... La [dantidad] comme Lacan lappelle quelquefois, toutes ces conduites danimaux sont des façons de tromper le partenaire ou le rival sur la constitution de la réalité.
Pour Lacan, une différence se produit dans le monde humain qui sappelle le stade du miroir, pourquoi y a-t-il une différence chez les êtres humains par rapport aux animaux ? Parce que le stade du miroir introduit un problème qui nexiste pas dans le monde animal, cest que limage de lautre est celle qui tient captif le sujet.
Une femelle avec des mouvements déterminés fait réagir le mâle avec des mouvements déterminées, qui font à leur tour réagir la femelle par des mouvements et des réponses déterminés. Ces mouvements qui comportent de nombreux reflets de couleur, de lumières, chez les poissons, ce sont les écailles sous une certaine incidence des rayons de lumière et c..., et c... [Ils] produisent ou déclenchent des conduites comme lovulation ou léjaculation du sperme etc ... et c... Cest à dire que chacun des partenaires de la relation sexuelle au niveau animal possède quelque chose comme la forme clé du déclenchement de la conduite de lautre, nous lappelons instinct. Mais linstinct en réalité cest quil y a une serrure du côté du mâle qui réagit devant une clé qui est du côté de la femelle et vice et versa.
Au stade du miroir se produit quelque chose de complètement différent, qui ne se produit à aucun niveau animal et cest pour cette raison que Lacan lappelle du miroir parce que les animaux en général sont absolument indifférents aux miroirs et que le sentiment de soi-même, pour lêtre humain, celui que nous connaissons comme moi, reste accroché à limage de lautre, ce que Lacan appelle laliénation. Le sentiment de soi-même reste aliéné à limage de lautre, ce nest pas la même chose avec le chien. La condition sexuelle du chien est entièrement nouée à la femelle de la même espèce mais pas le sentiment de soi-même du chien, du mâle. Le sentiment de soi chez lhomme reste accroché à limage de lautre, cest une aliénation qui implique une fusion leurrante. Si lun voit une image et que cette image existe, quand il voit limage, est-il trompé ? Non, il voit ce quil y a et il y a une image. Maintenant si lun voit une image et quil croit voir un objet, alors oui, dans ce cas il est trompé.
Le problème que tente de résoudre Lacan avec son appui sur loptique cest que le moi pour lêtre humain implique un monde dauto-erreur, parce que là où il y a seulement une image, ça fonctionne pour lêtre humain comme un objet au sens strictement psychanalytique, comme un objet libidinal. Le problème est que sur ce point lêtre humain est trompé. Cette erreur de prendre pour objet ce qui est image de soi, le comble est que ce nest pas limage de soi, cest une double tromperie, cest limage de lautre. Lacan dit que cest la cause de laliénation dans la position intersubjective entre le sujet et lautre.
Question : lautre qui induit en erreur, cest limage de soi que quelquun prend comme reflet de lui-même dans le miroir, mais qui est autre en termes de ce quil dit être une image complète, par exemple ?
AE : la double tromperie est dun côté la ressemblance de limage, unifiante, qui se comporte comme objet et lautre erreur cest lidentification, laliénation que moi je me prenne pour moi, que je maccepte en tant que moi, là où il est essentiellement autre. « Je suis autre » cest la formule que tente dengendrer Lacan pour y répondre, soit quil y ait une relation duelle fils/père, époux/épouse, professeur/élève qui sont déterminantes dans nos conduites culturelles et elles sont symboliques mais elles sont dérangées par la double tromperie propre à la relation à lautre qui est imaginaire.
Dans le schéma optique que nous avons vu, cest là où se produisait la superposition--inversion (Figures 9-10) (12) dune image réelle avec les fleurs. Je souligne pour que vous ne perdiez pas de vue quautour des fleurs comme objet réel, cest là où va se constituer lobjet à moitié réel, à moitié imaginaire quest le vase étreignant les fleurs, mais ce qui va donner de la consistance au tout, ce sont les fleurs. Le plus flou, ce qui dépend beaucoup de ta position, de tes mouvements, ce qui peut te manquer, cest le vase, ce qui va te faire mordre à lhameçon encore plus, cest quil y ait des fleurs réelles. Parce quavec des fleurs réelles et un vase qui est une image réelle, tu avales un hameçon. Ce qui fonctionne comme organisateur, cest lobjet et je vous propose : les fleurs comme objet et le vase contenant les fleurs comme la relation contenant -- contenu. Et, en ce qui concerne le trou du vase, le vase comme image du corps, qui, à travers ses orifices se lie aux objets, lesquels représentent les fameux objets libidinaux que Freud a toujours étudié, loral, lanal et c.. dans le corps. Les fleurs sont-elles réelles ? Le bouquet est-il réel ? Cest une image faite avec des fleurs réelles, mais le corps qui se compose autour delles est imaginaire il trompe parce que cest une image réelle qui se comporte comme un objet.
Le passage au monde humain, est plus difficile à comprendre, parce que la position du sujet humain est en S (Figure 8) où il est le seul à accéder à cette gestalt attirante, parce que cest un bouquet fait de beauté, il est captivant, parfumé, le joli, cest une rose. Attention que je ne mette pas de fil de fer barbelé, ce ne serait pas voulu. Lacan dit que le sujet seul y a laccès par laliénation au miroir (plan) (Figure 8) parce quil y a une perte. Et il y a une double perte puisque ce corps est inaccessible, le réel du corps est inaccessible. Le réel du corps est aussi inaccessible pour lanimal, parce que, pour la femelle, ce saumon ne se défend pas pour ses 750 grammes, mais il protège pour un cri, un parfum, une odeur, quelque chose qui a la vertu de fonctionner comme une image captivante.
Pour lêtre humain, il y a une double perte parce quil naura pas accès non plus à la gestalt formée par limage de limage réelle et limage de lobjet réel, sinon par laliénation au miroir (plan) (Figure 8) [13] parce que la position du sujet se trouve là où se dessine loeil.
La direction de la cure
Figure 12
Figure 13
Comment penser la direction de la cure daprès cette perspective ? Ou ; que fait Lacan ? Il fait une analyse où il réplique de quil y a dun côté de lautre côté, il pose un autre sujet. Nous avons donc le miroir sphérique A et le point O, le miroir sphérique B et le point O et la position bloquante du sujet, on se souvient que le sujet était en C. (14)
Et donc Lacan dit que la direction de la cure se produit seulement quand a lieu une réassimilation des relations symboliques réprimées des aliénations à lhistoire et quelles passent par le champ de lautre sujet qui mécoute. Parce quainsi, parce que lautre mécoute, dit Lacan, moi je mécoute et, réitérant les positions une à une, la cure se déploie. Soit que je me dégage des fixations libidinales à limage qui me trompe, et aussitôt pour chacunes delles, je les fais passer dans le champ de mon échange de parole avec lautre sujet (15). Ou la façon dattaquer en psychanalyse cette forme de narcissisme, telle que lentend Lacan, est de dégager lerreur à laquelle le sujet se voit soumis dans ses relations imaginaires, en les faisant passer une par une dans le domaine de léchange de paroles avec lautre. Lacan dit que la clé de tout cela est le temps. Il manque de temps parce quil faut partir en prenant une fixation dun domaine et la passer par lautre. Arriver à un point supérieur, plus proche ; cest là le parcours. Le progrès du sujet se fait à partir de C qui est larticulation de limaginaire et du réel pour se rapprocher le plus possible de la position de lautre sujet qui est virtuellement représenté par un miroir plan.
Question : donc tous les points qui seraient du côté droit seraient tous ...
AE : cest le parcours subjectif, cest le progrès [de la cure].
Question : bien sûr, mais ce que vous allez parcourir et reprendre sont ces fixations imaginaires qui ont formé une succession suivant celle de la première fixation, parce que ... ce qui est de ce côté, cest le vase avec les fleurs, cest limage réelle, linaccessible, et à la base de cela, se constitue un jeu entre réel et imaginaire qui va investir les objets, limaginaire qui est ce que vous allez parcourir dans lhistoire du sujet.
AE : vous allez déplacer les freins que, par fixation, la structure imaginaire transforme en relation symbolique. Ou tu chemines en passant du moi au sujet. Victime de la tromperie de la superposition imaginaire -- réel jusquau plan symbolique.
La métaphore
Ce qui se passe pour ce quil en est de ce parcours, de ce progrès : il nest rien dautre que de faire passer un par un, un point à lautre qui est spéculaire, son image dans le champ de lautre. Cest pourquoi Lacan dit que la position de lanalyste doit être spécialement sensible au problème du temps. Il me semble important de le rappeler parce quil ny a jamais eu de clinique aussi sensible que celle du lacanien, je te demande de le retenir dès le premier échange, à la première entrevue. La clé de tout le problème est le temps (16). Il faut dégager un et à un les points de fixation imaginaire, les faire passer par le champ symbolique, la métaphore là est en écho. Ainsi, tandis que lautre écoute, moi je mécoute et je me dégage des fixations imaginaires pour me rapprocher de la dimension symbolique. Cest la direction de la cure pour Lacan au moins jusquen 1955, Séminaires I et II.
Figure 14
Les choses changent quand Lacan change les éléments et commence à travailler avec un schéma comme celui-ci (Figure 14) (17). Qui est exactement le même excepté que le point de départ est S barré, ce qui nest plus un oeil. Quel est le problème de loeil ? Pourquoi Lacan naime t-il comme en optique, le fait quon représente le sujet comme un oeil ? Parce que le problème, quand on représente le sujet comme un oeil, cest que le point de perspective est unique et ne permet pas dinscrire la direction du sujet qui implique dêtre toujours au moins deux. Donc Lacan substitue le point de départ initial comme oeil par S barré. À la place dun sujet virtuel, il nous propose un sujet idéal qui nest pas un sujet virtuel exceptée la fonction de lidéal que Lacan va écrire là et quil va nommer le miroir plan A. Et directement, il appelle les fleurs a et de lautre côté, i(a), ce qui se produit à droite du miroir plan, Lacan souligne que i(a) ne se produit pas dans le monde humain et cest pour cela quil ne le représente pas. (18) On voit quil ny est pas . Et pourquoi ny est-il pas ? Si le miroir A le reflète à droite cest parce quil y était déjà non ? Sinon, que voit-on derrière le miroir sil ny a rien devant le miroir ? Mais Lacan ne le représente pas parce que le sujet humain na pas accès à cela, seul lanimal y a accès. On constate que même dans lautisme, avec le trouble le plus prématuré du développement, on vérifie que ce serait de lordre de lanimalité. Donc, dans le monde humain i(a) nexiste pas, seul i(a) existe.
Le changement notable, je vous propose de le penser ainsi, cest le temps que met Lacan dans les Séminaires I à VII ou VIII, à passer de la première topique à la seconde topique freudienne parce que vraiment, ce que finit par découvrir Lacan, cest que le moi, en tant que trompeur et unifié, réside justement dans linconscient. Sil y a un moi trompeur et unifié cest parce que lordre symbolique comme tel génère cette illusion.
Au Séminaire I, nous apprenions que lordre symbolique était un antidote pour la fonction unifiante du moi, et en réalité, ce que finit par découvrir Lacan cest que sil y a un stade du miroir, et une fonction unifiante du moi, cette fonction est soutenue dans lordre symbolique. Cest pourquoi la métaphore qui apparaît ici est celle de lenfant au sein de sa mère qui, face au miroir plan se retourne pour regarder ses yeux. Avec cela, ce quil essaie détablir cest ce sil y a une fonction spéculaire, soutenue par lAutre, quil appelle les coordonnées inconscientes du moi, qui est précisément ce que Freud développe dans la deuxième topique. Ce que freud découvre cest quune grande partie du moi, le moi étant ce quil est, prend racine dans linconscient, mais Lacan au Séminaire I pense quentre le moi et linconscient il y a une relation antagoniste. Cest pour cela que la métaphore graphique que je vous propose pour articuler les différents registres que Lacan découvre, cest que limaginaire et le symbolique se rencontrent au même niveau et cest le réel qui va être à un autre niveau. Par conséquent, la réalité va devenir le montage entre le symbolique et limaginaire et ne bougera plus [dans la conception lacanienne] (Figure 15).
Figure 15
Avec cela, ce que Lacan dirait cest, que le soutien salutaire de la position du sujet virtuel, entraine la perte de raison maximale. La folie du moi ou du moi idéal se soutient à partir de lidéal du moi.
Un quart de tour
La direction de la cure donc, comme on va le voir, est entièrement changée parce quelle se calque sur lAutre. La direction de la cure varie parce quil manque une totale et profonde transformation de lAutre. Ce nest plus la spirale (Figure 13) mais un changement que Lacan appelle une traversée, une percée. Comme toujours avec Lacan, pas besoin de sembêter avec ces derniers séminaires, il suffit de lire attentivement les premiers et les autres suivent. Parce que la traversée du fantasme est énoncée plus loin en toutes lettres.
Lacan propose que la véritable direction de la cure -- regardez comme il se corrige -- est de passer de S barré à S barré. De S barré 1 à S barré 2, en réalité, ce sont deux positions, celle de la traversée, pour Lacan à 180 ° de S barré 1 à S barré 2. Maintenant Lacan dit aussi que pour que cette traversée de lautre côté se produise, il manque une transformation de la position de lAutre. Non pas quil ny ait plus dAutre, mais cet Autre de sa position verticale fait un tour de 90 ° (Figure 16) (19).
Figure 16
Que se passe-t-il ?
Avec le sujet dans cette position (S barré 2) et lAutre dans cette position (A horizontal à 90 °) le sujet a accès à limage réelle (a) mais aussi à i(a). Lacan dit que cest comme la métaphore de larbre reflété dans leau. Il se couche au miroir plan et ça forme des images virtuelles comme si elles étaient plus petites et dans une position symétrique derrière lui. Donc, le sujet dun côté a un accès direct à limage réelle (a) ce nest pas par lAutre mais à son tour ce quil trouve cest quil y a une image virtuelle au même plan que limage réelle, comme si on voyait un arbre reflété dans le lac qui arrive aux pieds de larbre. Nous avons maintenant les deux images complètes au même plan (20).
Pour Lacan, cest la fin de lanalyse parce quelle signifie le changement de position du sujet qui saccompagne inéxorablement par la chute de lAutre. Dans le modèle antérieur lAutre reste maintenu tout le temps, car la position était soutenue à partir dun Autre. Qui y a t-il de plus antilacanien, que le Lacan des premières années ? Donc, il suit que si on a un accès direct, ce nest pas par lAutre, parce que ce nest par lAutre que jai un accès direct à ce qui me trompe, ce qui me trompe ne disparaît pas. Ce qui arrive cest quon découvre quau même point où se produit le virtuel ou que chaque erreur humaine que lon suivra, en tombant ne disparaît pas. La seule chose que fait la fin de lanalyse cest que, sil y a une traversée du fantasme, le sujet sera en position de redécouverte et que lui-même a un visage absolument virtuel. Il ne laisse pas cette condition au désir mais vous savez que cest une condition fictive pour votre désir, cest cela la clé. Et on y accède toujours quand lAutre tombe parce que si on soutient la position de lAutre, cette double tendance dans la relation aux objets ne sera jamais découverte. Cest comme sil y avait dans le premier schéma lillusion de laccès au réel, parce quon postule le mouvement idéal comme perte de ce qui trompe et il ny a rien de plus trompeur que de croire quon se détrompe dans le processus de lanalyse.
Cest la question que tout le monde se pose ; si un artiste fait une analyse, va-t-il cesser de produire ? Parce quil va cesser de produire des illusions, si un artiste fait des tromperies, ce quil peint, ce quil écrit est une tromperie. Ce que propose Lacan cest de ne pas arrêter davoir des illusions dans le monde humain. Cette philosophie des derniers temps qui, après une analyse lacanienne et du passage à un sujet de lacte sont des bêtises. La fin de lanalyse ne signifie pas la chute de lerreur : lillusion a été touchée.
Question : mais elle continue de fonctionner comme tromperie.
AE : mais pas de la même façon quavant.
Question : et quel serait le bénéfice ou le changement puisque ça continue dentraîner dans lerreur ?
AE : si sa condition disparaissait, il ne manquerait pas de se suicider arrivé à ce point là, parce quil sait que ce nest pas ça. Voilà, et le combat quil devra traverser mais si vous navez pas fait lexpérience que cest cela et que ce nest pas cela, parfaitement [?] et le plus raisonnable, comme le pense beaucoup de gens, si elle mourait ou si lui meurt je meurs ou je me tue, ce sont des choses quon pense. Disons mieux que les femmes pensent parce que les hommes ne le pensent pas. Et puis, ce nest pas si positif, elles ne sont pas chantas, ce qui se passe cest quelles se regroupent. La structure simpose, ce qui se passe cest quon le conçoit mal, alors si tu crois que si tu perds lobjet tu meurs même quand tu le perds et que tu ne meurs pas et que tu ne te suicides pas, peut-être que tu restes bloqué toute la vie dans la crainte de mourir. Et si cest possible ? On va voir comment cela se passe. Et si cest possible ? Je ne meurs pas parce que jai découvert que je le désire mais malgré que je le veuille, qui nest pas une condition sine-qua-non parce quelle implique une fiction, jai découvert que ça mobsède ce qui ne veut pas dire que je nen reste pas enthousiasmé.
Ca me donne limpression quau premier schéma Lacan faisait consister plus que jamais lAutre symbolique, soit le névrosé par excellence, que cela produisait des sujets obstinés intimement, le plus pathologique était de concevoir idéalement quil y ait une désillusion possible, ce qui est le point idéal darrivée. On a vu que Lacan dit que le point idéal darrivée est produire une analyse mais faire une analyse, quest-ce que ça veut dire ? Non pour un désabusé, mais pour quelquun qui a déjà vu par lexpérience que sa condition de désir et de jouissance, sa condition de jouissance est le fantasme, quelle a une structure qui tient de la fiction, cest un leurre. Que ça trompe parce que cest un leurre.
Question : la différence est entre sujet barré et sujet non barré. Pourquoi le paradoxe serait quun tel fasse une analyse sil sait que tout est un leurre.
AE: tandis que laisser cette chose de lautre côté sans quA ne tombe cest un idéal, et cest ce que soutient Lacan au premier séminaire où il se réferait comme jamais à lidéal. Dans ce sens, la deuxième topique freudienne Introduction au narcissisme était en avance sur lenseignement de Lacan dans les premiers séminaires. Lacan na pu terminer de le lire quau Séminaire V parce que dans ce texte, Freud parle de lomnipotence des pensées et Lacan est resté très attaché à lomnipotence de limaginaire des images et découvrira avec un certain retard, lomnipotence et le narcissisme des signifiants. Dans ce sens, lenseignement de Freud est subversif et ça a pris plusieurs années à Lacan pour pouvoir le reprendre.
Question : Alfredo, que voulais-tu dire exactement quand tu leur donnais lexemple de ce quon peut rester toute la vie collé à cela, tu leur as dit que dans ce cas, la structure simpose.
AE : que nous avons une théorie sur la structure et que chacun de nous a une version de linterrelation des choses. Par exemple un de tes amis ou un de mes amis soufre, a un accident qui lui brûle tout le visage. On pourrait dire si ça marrive, je me suicide ou nous pourrions dire il sest suicidé pour cette bêtise ? comment a-t-il pu se suicider pour cela ? Quest-ce que cela ? Quest-ce que cela veut dire ? Quand on comprend ne pas quil se soit tué, suicidé ? Quest-ce que cest ? Cest linterprétation que nous avons de la valeur quont entre-eux les éléments de la structure. Donc sil marrivait la même chose que Nicky Lauda, je me suicide. Que suis-je en train de dire là ? Que jai la théorie du stade du miroir de Lacan avant 1953. Et un tas de gens lont, un tas de gens la soutiennent effectivement. On a vu ces actrices dHollywood qui à 35 ans, sortent de la circulation, maintenant elles durent plus longtemps parce quelles se font opérer, mais avant les opérations elles ne sortaient plus le bout du nez dès 35 ans et juquà 85 ans où elles mouraient et elles restaient 60 ans cachées dans un châle parce quelles avaient perdu leur image et sans image elles nétaient rien.
Cest une version des choses, ce que moi je dis cest que si nous supposons que la condition dobjet du désir et du plaisir est la condition sine-qua-non, nous croyons que le fantasme est réel, donc nous croyons que nous ferions des choses déterminées si le fantasme tombait. Et en réalité, ce que je dis cest que nous faisons moins que ce que nous supposions que nous ferions quand le fantasme tombe, et quelque fois le fantasme tombe par accident, non par analyse et nous ne faisons pas ce que nous supposions que nous ferions, ou lon voit que la structure simpose sur notre théorie de la structure, ce qui ne signifie pas que personne ne se suicide.
Question : le patient de Freud, celui de Herr Doktor.
AE: il sest suicidé. Pourquoi sest-il tué ? Je ne crois pas que cétait pour un problème dimage. Limmobilité me semble bien plus être la condition de son fantasme Quun homme qui ne sarrête pas ne mérite pas de vivre Dans une analyse quaurait-il fait ? Dans la première époque de Lacan, il aurait travaillé exclusivement le problème de limage et se serait trompé. Peut-être que ce nétait pas le problème de limage, mais bien plus celui dun certain idéal avec lequel ce ne serait pas le symbolique quil aurait soigné. Et même, naurait-il pas suivi la manoeuvre de Freud cela laurait-il mené au suicide ? Ce qui laurait mené au suicide naurait-il pas été la manoeuvre de Freud ? La faute de Freud, peut-être est-ce justement pour lavoir mené jusquà lidéal ; il a cru que cétait quelque chose de narcissique, imaginaire. Bien que dans la seconde conception, il se propose de sintéresser à laspect idéalisant et narcissique du symbolique.
Question : cest le miroir vertical ?
AE : sapprocher du miroir comme dun Autre arrêté et cest représenté dune manière très allégorique.
JG : dun côté la condition est que ce miroir se maintienne à lhorizontale à 90 ° de la position originale et fasse coïncider limage virtuelle avec limage réelle, si tu leur enlèves le miroir, tu restes avec lanimalité dont nous parlions tout à lheure, parce que le sujet passe à droite et voit limage réelle seule.
AE: Cest ce que nous disons. Certains lacaniens, ultra-lacaniens, qui se disent sans Autre, mais ça nexiste pas. Si lAutre nexiste pas, comment se fait-il que je parle ? LAutre existe et nexiste pas. Ce que nous disons cest que pas tout dans lAutre nest cohérent avec la position de lidéal. Cest intéressant de létudier ainsi parce que ça conserve lAutre mais transformé et même ça conserve les configurations des objets du désir et de jouissance qui fonctionnent pour moi comme condition.
Question : mais transformé par rapport à la position [subjective].
AE: là tout est question de position comme disait Julio au début. Les effets, oui ou non, se produisent entièrement comme positions, chose très intéressante parce quon dissipe tout le problème de lêtre, personne nest et à la fois nest pas.
Question : et le changement de position de lanalyste est essentiel non ? Quelle est la relation entre changement de position du sujet passé de ce côté et changement de position du miroir ?
AE: elles sont complémentaires. Il ny a pas de dispositif sinon analytique et il ny a pas de fin en analyse, si elles ne changent ensemble la position de manière articulée.
Question : je pensais à ce qui se passait si le sujet se place de ce côté et que le miroir et là ? Est-ce possible ? (21)
AE: bien sûr, cest une canaille, une canaille soutient lAutre mais sait que tout objet est trompeur. Ces types qui savent que tout est mensonge, cest plus commun entre les hommes quentre les femmes. Ceux qui quand River sait que trois à deux contre Boca disent que tout est réglé. Moi, je ne nie pas que tout soit arrangé, le problème est dêtre dans cette position de trompeur et les canailles sont des trompeurs, il sont justement dans cette position qui traverse limaginaire mais sans attaquer lAutre.
Conclusion
Pour Lacan, il y a un changement dans la direction de la cure de lune à lautre époque, la différence, cest léthique. Le dernier chapitre de lobservation sur le rapport de Daniel Lagache est pour une éthique. Où justement la différence est que de ce côté de lidéal, à la place davoir un sujet virtuel, nous avons lintroduction des idéaux de la société et de la morale et là, ce que Lacan crée est la question éthique de sil veut ce quil désire. Parce que ce quil désire se conserve mais il reste clair quil nest déjà plus nécessaire quil ne désire pas ce quil désire, pourrait ne plus lêtre. Parce que les marques du désir ne se modifient pas par la traversée du fantasme dans lanalyse, on ne désire pas autre chose. Oui ou non, les artistes devraient penser très bien parce quils simaginent être un écrivain de nouvelles comme ce qui est arrivé à Julio Bocca : le type disparaît. Le désir ne change pas dans lanalyse, ce qui sétablit cest sil veut ce quil désire parce que là la chose apparaît comme ouverte en deux et sans lAutre bien que du côté de lidéal (du séminaire I au séminaire II Lacan le maintient) nécessairement, tu dois tidentifier. Il ny a pas de choix parce que cest idéal, tu dois faire comme lAutre le voit.
Cest incroyable parce que Lacan dit tout cela en critiquant Monsieur Balint. Aucun analyste jusque Lacan dans les années 60 navait compris la deuxième topique de Freud. ça pris 30 ou 40 ans pour la comprendre et personne ne comprenait la deuxième topique jusquà Lacan quand il a cette position.
Notes :
(1) discussion présentée à la réunion Apertura société psychanalytique de La Plata, le 30 octobre 1997.
(2) texte établi, édité et corrigé par le Docteur Gerardo Herreros (GH) (sécretaire de rédaction de Acheronta et membre dApertura). Les interventions de Julio Guillen ont été lues par lui, non pas celles dAlfred Eidelsztein. Ce travail est le premier travail multimedia psychanalytique dont nous avons une référence et cest la transcription dune conférence. (GH)
(3) voir larticle de Michel Sauval dans Acheronta n° 6 et dans ce même numéro. (GH)
(4) Alan Sokal (Professeur de physique à lUniversité de New York) et Jean Bricmont (Professeur de physique théorique à lUniversité de Louvain), ont publié "Impostures intellectuelles", aux éditions Odile Jacob, 1997. (GH)
(5) au moment de cette édition, il ny avait pas de traduction en castillan du livre malgré la visite de Sokal à Buenos Aires comme à La Plata, venu en partie pour faire la publicité de son scandale. (GH)
(6) Sokal, justement ne critique pas le schéma optique de Lacan, mais dautres points de son oeuvre. (GH)
(7) posons dabord lappareil un peu complexe dont lanalogie, comme cest la règle dans ces cas va fonder la valeur dutilisation comme modèle. J. Lacan, Ecrits II, p. 652. (GH)
(8) touts les caractères gras ou italiques sont de moi. (GH)
(9) Seminario I - J. Lacan - p 126 - Ed. Paidós.
(10) Seminario I - J. Lacan - p 191 - Ed. Paidós
(11) je situerais là deux graphiques supplémentaires pour pouvoir mieux percevoir lexpérience filmée. La figure 9 est un schéma de ce qui se voit dans le film. La perception du flacon -- image reflétée réelle et inversée avec les fleurs à lintérieur dépend de la position de la caméra (loeil ou le sujet suivant la logique de la conférence). La figure 10 correspond à une esquisse de côté pour comprendre le dispositif en jeu et un résumé de la figure 7 présentée par Lacan. (GH)
(12) à la figure 7, on voit le schéma tel que le dessine Lacan au Séminaire I, comme le présente loptique, qui est à lenvers de la disposition de lexpérience filmée. Cest à dire que dans notre expérience, le vase est celui qui fonctionne comme image réelle embrassant les fleurs réelles comme linstaure plus tard Lacan. (GH)
(13) à la figure 8, du Séminaire I également, on a le vase tel quil se présente dans la conférence. Lacan fait une inversion géniale des objets en situant le vase comme corps imaginaire et les fleurs comme pulsion. (GH)
(14) je cite Lacan : une dernière observation, où situer le sujet en tant quil se distingue du point O ? Cest nécessairement quelque part entre Aristote et O, plus près de O que de quelquautre point. Nous disons nous y reviendrons en C. Séminaire I, p. 413. (GH)
(15) je cite Lacan : nous avons ici deux points O et O. Pourquoi O et O ? Parce quune petite fille -- une femme virtuelle, par conséquent quelquun de beaucoup plus compromis avec le réel que les hommes, a eu un jour cette belle expression : Ah ! Non 8 Ils ne vont pas croire que je vais passer toute la vie entre O et O ! Pauvre ange ! Certainement tu passeras toute la vie entre O et O comme tout le monde. Mais en fin de compte, elle nous dit quelle aspirait à cela. En hommage à cette fille, jappellerai ces deux points O et O. Séminaire I, p 246. (GH)
(16) je cite Lacan : à mesure que le sujet lassume dans le discours, il se produit ce complément de limaginaire qui se réalise dans lautre au fur et à mesure quil se fait entendre à lautre. Ce qui est en O passe en O. Tout le proféré depuis A du côté du sujet, sécoute en B, du côté de lanalyste. Lanalyste lécoute, , mais à son tour, le sujet lentend aussi. Lécho de son discours est symétrique du caractère spéculatif de limage. Cette dialectique giratoire que je vous présente dans le schéma pour une spirale ceint à chaque fois plus près dO et dO. Le progrès du sujet dans son être doit être de finalement de lamener à O, en passant par une série de points qui se répartissent entre A et O. Sur cette ligne, le sujet place une fois et une autre fois ses mains à loeuvre et confesse en première personne son histoire, progresse dans lordre des relations symboliques fondamentales où il doit rencontrer le temps, en résolvant les détentions et les inhibitions qui constituent le sujet je. Temps précis. Seminario I, p. 412. (GH)
(17) Écrits II, p 564. Ed. Siglo XXI. (sur la page intérieure de lObservation sur le rapport de Daniel Lagache, il y a une autre figure similaire à la figure 7 prise du Séminaire I). (GH)
(18) Lacan ne dessine pas le vase comme image réelle, à droite du miroir plan, mais il situe son emplacement comme i (a). (GH)
(19) Écrits II, p 660. Ed. Siglo XXI.
(20) je cite Lacan : Là on pourrait se divertir avec notre modèle sil était réalisable avec ce que du miroir A contient les fleurs imaginaires tandis que, bien que faite dimage plus réelle, donne lillusion du vase retourné lequel contient les fleurs véridiques. Écrits II, p. 660-661. (GH)
(21) en ce qui concerne la question, on propose le sujet barré 2 en conservant A en position verticale par rapport de la figure 16. (GH)