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« Ce qui intéresse réellement, les possibilités de développement interne de la psychanalyse,
sont au-delà des règlementations et des interdictions»
S.Freud, 1925 1
Dans son introduction à la «Psychanalyse profane» 2, Freud commence par mettre en évidence les restrictions dune loi autrichienne de son temps qui interdit au non médecin «dentrepreindre le traitement des malades» 3 sans pour autant perdre de vue les lois équivalentes dautres pays4, bien moins restrictives concernant la question qui lintéresse à ce moment : qui exerce la psychanalyse ?
Freud souligne alors la relativité de cette loi, questionnant aussitôt par son interprétation -la condition universelle de son application, et laissant entrevoir, sans toutefois lexpliciter, les méandres dune éthique qui ouvre la voie aux particularités et fait place à la contradiction : «Cest ça et à la fois ce nest pas ça, mais on ne peut le réduire à ça ».
« Peut-être apparaîtra-t-il que les malades, dans ce cas, ne sont pas des malades ordinaires, les non-médecins pas absolument des « profanes », et les médecins pas tout à fait ce qu'on peut attendre de médecins et sur quoi ils basent leurs prétentions» 5
Et si la psychanalyse était une profession 6...pas comme les autres ? Un psychanalyste vit em formation permanente 7, et même si sa disponibilité est nécessaire, cest lanalysant qui fait lanalyste, en ce sens quil confirme ou pas à cette place celui qui sy offre et est capable de sy tenir comme tel. Cest à dire, dans laprès-coup dune praxis dans laquelle ne vaut que le « seulement après ». Bien différent de laccumulation dinformation et de savoir-faire préalables et garantis, propre au domaine de la science e du capitalisme.
Peut-être serait-il moins problématique, moins traversé de connotations de foi religieuse sans y échapper complètement de parler de la psychanalyse comme dun office (du latin opus = oeuvre, et facere= faire) 8, proche, de par les connotations de ce terme, de la notion dun apprentissage et d un savoir-faire artisanal transmis de un à un.
Sil devient nécessaire, en psychanalyse dinvoquer la dimension éthique au-delà de la dimension thérapeutique qui est celle ( la dimention ethique) qui parfois « se propage (alors) aux professions qui d'habitude recouvre cette pratique : la psychologie et la psychiatrie » 9, cest par leffet de nouveauté que celle-la provoque (encore !) : un ordre discursif qui favorise lémergence de la singularité du sujet.
Lisons Freud essayant dexpliciter ce point, dans le prologue dum livre dAichhorn 10: « Très tôt, javais fait mien le mot desprit sur les trois offices impossibles qui sont : éduquer, guérir, gouverner, bien que je me sois beaucoup consacré à cette seconde tâche » . La mention du terme mot desprit Wit - des trois offices dans le paragraphe anterieur, par Freud, ne peut manquer de évoquer - au moin pour moi - la troisième personne instance qui sanctionne le mot desprit comme tel.
Freud répète em 1937 : « il semblerait même quanalyser soit la troisième de ces professions impossibles où lon sait à lavance que le résultat sera insuffisant. Les deux autres, connues depuis longtemps, sont éduquer et gouverner » 11.
Nous avons ainsi cette impossibilité que Freud annonce comme la marque de loffice de psychanalyste, sans quil entre en détail sur toutes les implications de cette condition logique.
La subversion freudienne a arraché la psychanalyse aux universalisations de la pensée/concept scientifique, sans pour autant être sans lui12 . Quon le veuille ou non, des différences entre la logique de linconscient et les autres logiques font que la pratique psychanalytique résiste aux tentatives dharmonisation avec ce qui règle et ordonne socialement dautres pratiques professionnelles, la poussant ainsi à extraire sa régulation de lintérieur de son propre champ. Cest justement la manière dont la psychanalyse fait face à limpossibilité, que va surgir une autre dimension, éthique, au-delà de la thérapeutique.
Tant du côté de la logique que du côté de léthique, Lacan va apporter sa contribution. Le psychanalyste français va attirer lattention sur la faiblesse de la proposition universelle et surtout sur lambigüité qui, depuis Aristote, pèse sur le quelques de la proposition particulière
Il y a « tout um cheminement chez Lacan qui le conduit à jouer avec la logique classique pour retourner sa prétension duniversalité » 13. Là où Aristote baisse les bras devant le partitif quelques, imprimant pendant deux mille ans une direction à la logique, Lacan va le reprendre . Le développement d Aristote induit à penser la proposition particulière affirmative comme une instance particulière de la proposition universelle affirmative. Différemment pour Lacan, la proposition particulière affirmative fait objection - et à son tour fonde la proposition universelle du même type. Ainsi, une existence questionne toujours le concept, la régularité. Une existence de psychanalyste fonde alors le concept psychanalyse.
Sur cette question, Lacan prend le contrepied de la logique aristotélicienne, « pour des raisons qui en partie vont au-delà de la question de la relation sexuelle » 14. Selon la lecture de G. le Gaufey, dans le même texte, il y a un parcours chez Laca n depuis linvention de lobjet a jusquau pastout du côté femme dans les formules appelées sexuation, où on exprimerait lénigme de la proposition dune existence sans essence et pas de deux essences oposées du type Ying et Yang.
Position difficile par conséquent, que lanalyste est appelé à prendre comme semblant dobjet a, cause du désir, sans parallèle dans les autres discours (non psychanalytiques) ! Cest peut-être lair de rien, chargé de vide du même objet a qui inspire la métaphore du recouvrement de loffice de psychanalyste par dautres facettes professionnelles à visage plus facilement identifiable? 15.
Pris dans ce jeu de semblants, la responsabilité majeure va retomber sur la personne du psychanalyste et non sur la psychanalyse qui, em tant que figure, résiste à la collectivisation, à la professionalisation ou encore à la spécialisation, le pour-tous. Pour la même raison, le collectif institutionnel psychanalytique dans son dédoublement imagináire, se prêterait à quelque autre type de recouvrement, et jusquà des professions de foi.
Et cela, sans compter quau moins un impossible tourne autour de la question éthique du bonheur, pensée à partir de la psychanalyse : comme impossible à atteindre et pourtant comme problématique impossible à éluder.
Il ne sagit pas de tenir la psychanalyse à lécart des règles et des interdictions, mais plutôt de faire que ces dernières soient reliées à son propre développement interne 16. A ce propos, la psychanalyse souligne le côté pacificateur et le côté perturbateur de toute loi.
Nous constatons que linterlocuteur de Freud, dans « Psychanalyse profane » est, en plus dun juge imaginaire impartial, une personne bienveillante.
Si Freud avait su ce que Lacan dirait plus tard sur la bienveillance ! Terre dévastée, champ de mines dun office où le patient, selon Freud, « dit plus quil ne sait », et lanalyste, « par définition, ne sait pas ce quil fait »17.
Evoluant sur le fil de la contradiction, dans une pratique où est en jeu un jugement des protagonistes sur leurs actions 18, le recours à un juge, aussi impartial soit-il, ne peut éviter de (ne peut que) se situer comme un développement du jugement de Freud lui-même dans sa fameux défense de Theodore Reik, tout comme pour chacun de nous qui sommes engagés dans cette pratique. Citons Lacan :
Mais est-il suffisant ce jugement intime ? Freud argumente que « la loi ne sapplique pas sans modifications pour le cas présent ». Ce qui ne veut pas dire quelle ne sapplique pas à la personne em tant que citoyen.
Cest ce côté de la psychanalyse qui contamine, à partir de sa condition particulière de profession « pas comme les autres », doffice « pastout » pour paraphraser le « pastout » de la femme, les autres professions pour, à son tour, sen recouvrir ( ?). La profession danalyste tellement sujette à controverse serait alors atteinte par la modalité de limpossibilité, par la logique du pastout, et par les paradoxes éthiques.
Notes
1 Freud, S.: Le texte de référènce pour cet article est,en espagnol: ¿Pueden los legos ejercer el psicoanálisis?, (1925),pág. 234, vol. XX, Obras Completas, Amorrortu Editores. Dans la traduction en français du même texte freudien par Marie Bonaparte, avec le titre "Psychanalyse et Médicine", ou "Psychanalyse Profane", elle écrit : "...les possibilités internes dévolution de lanalyse, qui seules sont en question, ne sauraient être atteintes ni par des défenses ni par des décrets".Source: internet. www.uqac.ca/ Alternative provisoire de traduction du texte freudien par Marie Hélène Tiercelin dos Santos, 12/2009.
2 "¿Pueden los legos ejercer el psicoanálisis?, en espagnol, traduit en France comme "Psychanalyse et Médicine", ou "Psychanalyse Profane" Cest le même texte freudien.
3 . Traduit par Marie Bonaparte. Font : internet. www.uqac.ca/
4 ibid. dans ce cas, celles de lAllemagne et des Etats-Unis. La version portugais ( Ediciones Imago)mencionne que seulement en quelques endroits des États Unis.
5 Avec nôtre ponctuation, sur le texte traduit par Marie Bonaparte. Ou: « Peut-être lon vienne à vérifier que dans ce cas les malades ne sont pas comme les autres malades, les profanes ne le sont pas vraiment, pas plus que les médecins ne sont exactement ce que lon est en droit despérer de médecins et ce sur quoi ils peuvent fonder leurs prétentions. » en la version de Marie Hélène Tiercelin dos Santos, traduit d lespagnol.
6 Un office, de préférence, comme nous le verrons par la suite?.
7 Le "developement interne" de lexergue..
8 Il y a également de offices religieux et des offices en droit.
9 Voir présentation et convocation dAcheronta 26, en www.acheronta.org
10 Aichhorn: Verwahrlostejugend, 1925. Alternative provisoire de traduction du texte freudien, 12/2009
11 Freud, S.: "Análisis terminable e interminable", 1937, Cap VII. Vol XXIII, Amorrortu. Traduction provisoire.
12 "Lui » se rapporte à pensée/concept
13 Le Gaufey, Guy: El notodo de Lacan, Ediciones Literales, El cuenco de Plata,Bs. Aires, 2007. pág. 9.
14 ibid.2007 pág.116-117.
15 Le mot "recouvrement" a, selon le dictionaire, plusieurs aceptions: en géologie, comme manteaux nouveaux se superposant aux plus ancienne; en mathematiques, e réfère a l appertenece/superposition délements, dans la théorie des ensembles. Les deux aceptions ont au voiu avec ce de quoi sagit dans cet articule, tant en rélation au récouvrement de loffice de pychanalyste par ume profession traditionelle, comme à la mis en circulation / position/appertence dun meme sujet dans les différent discours.
16 Cf. lexergo.
17 "Cela nous met sur la plus vieille question. Un nommé Mencius comme lont appelé les Jésuites, nous dit que la question de la bienveillance de lhomme se juge de la façon suivante : sa bienveillance est naturelle à lorigine, elle est comme une montagne couverte darbres. Seulement il y a des habitants dans les environs qui ont commencé par couper les arbres ; le bienfait de la nuit est de rapporter un nouveau foisonnement de surgeons, mais au matin les troupes viennent qui les dévorent, et finalement la montagne est une surface chauve sur laquelle rien ne pousse ». Source : internet : Les Séminaires de Lacan , Gaogoa ELP. Le « ne sait pas »lá bàs fait alusion dans la phrase de référènce, à une position inhérente a l analyste, que ne va pas sans ce quil recevait comme transmision de sa propre analyse, sa formation, enfin, ce que Lacan abordait comme « la docte ignorance ».
18 Lacan, J. : « La direction de la cure »(1958). Page 561, de la nouveau edition argentine 2008, Escritos , Ediciones Siglo XXI, e t de nouveau dans le Semináire de LÉthique ( 6/7/1960)« Donc léthique en somme il faut toujour, repartir de définitions consiste essentiellement, comme éthique, en un jugement sur notre action, à ceci près quelle na de portée que pour autant que cette action impliquée en elle comporte jugement »