Acheronta  - Revista de Psicoanálisis y Cultura

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Michel Sauval : Le sujet de ce numéro d’Acheronta est « la psychanalyse et ses professions ». Une des inspirations fut le livre de Guy Le Gaufey « L’anatomie de la troisième personne ». Nous reprenons le problème des modes sous lesquels une troisième personne intervient dans le dispositif psychanalytique : la politique, la sécurité sociale, etc.

Jean-Michel Vappereau : Vous faites la différence entre la troisième personne dans le mot d’esprit et puis le tiers. C’est différent

MS : « Meine person », comme dirait Freud dans l’article sur le transfert. La représentation de sa personne.

JMV : Mais ça c’est encore autre chose. Tout ça, il faut bien distinguer. La troisième personne dans le « chiste » c’est celui dont on parle, et c’est celui qui a raconté une histoire, aussi. C’est un facteur important de la transmission, puisque la seule transmission dont parle Lacan c’est dans la passe, et il dit que c’est fait sur le model du « chiste », du mot d’esprit. Quelqu’un dit quelque chose a quelqu’un, et celui qui entend le répète automatiquement, donc, ça se transmet. Ce n’est pas de la communication, parce que c’est une « double » communication. Et la ça nécessite qu’il y ait trois personnes : « je vais te raconter une histoire que je viens d’entendre.. », ça c’est, typiquement, la bonne transmission. C’est « j’ai entendu quelque chose et je la raconte ». Ça c’est qu’il y a quelque chose, de la signification, de l’incorporel – comme l’appellent les stoïciens – ce que l’étranger ne peut pas comprendre, justement, et que les locuteurs, eux, ils vivent de ça, c’est ce que véhicule le discours. Il faut être dans ce lien sociale pour apprécier l’incorporel.
Donc, ça c’est la transmission, c’est un fait de langage exclusivement. Chez les animaux il y a des codes, avec des signaux, mail il n’y a pas ce phénomène. Chez les humains ça fonctionne aussi : quand on est professeur on sait que souvent, quand on fait un cours, le discours est rabattu sur la communication, le code, et que les élèves sont incapables de répéter, justement…

MS : … la bonne histoire !

JMV : … oui, la bonne histoire (rires)
Quand une abeille arrive après les autres, et elle n’a pas vu la danse, personne ne lui dit où il faut aller chercher les fleures. Et ça arrive dans les groupes humains. La foule, les phénomènes de foule, de masse, c’est des phénomènes sans transmission, avec de la communication. Et on communique grâce au lieder.
Donc, il faut bien épingler ces structures, dans mon avis, pour ces questions.

La troisième personne, vous, vous en parlez comme le référent. Vous avez une expression excellente, vous dites, dans votre texte, que la légitimation implique une conformité avec les lois d’un référent troisième. Vous avez tout à fait raison. Alors, moi j’ai pensé, en lisant votre texte que la question de la psychanalyse et sa légitimité, si on prend en compte la question de Laznik, il a tout á fait raison de souligner qu’il y a un problème entre le fondement et la légitimation « sociale ».

La légitimation de la psychanalyse, elle n’est pas sociale, mais elle n’est que le tiers dans la psychanalyse, c’est le langage lui-même. Il existe une langue. Et s’il existe une langue, il existe le langage. Et en plus si c’est une langue qui est parlée, elle nécessite un tiers, le grand Autre, le lieu de la vérité, le lieu auquel on se réfère quand on parle sérieusement, quand on parle authentiquement, quand on parle vraiment. Quand on fait un acte de parler, il y a un tiers, et la psychanalyse n’en connait pas d’autre. Freud a complètement raison de dire qu’il ne doit pas y avoir quelqu’un d’indiscret qui serait le troisième personnage dans la cure. Dans la séance d’analyse, il y a un analysant et un analyste, et il y a une référence a un troisième personne qui légitime parfaitement la psychanalyse, qui est le fait qu’elle insiste plus que n’importe quel autre discours sur la dimension de la parole et du grand Autre, et puis, du langage. Il n’y a pas de théorie de la psychanalyse, il n’y a pas de discours psychanalytique sans une réflexion de fond sur le langage.
Alors, pour moi, je pense qu’il faut répondre des le début, très directement a votre première question, la psychanalyse n’est pas une profession. Vous demandiez si psychanalyse est une profession, moi je réponds que la psychanalyse n’est pas une profession. Et je trouve le mérite de votre façon de poser le problème, « la psychanalyse et ses professions », c’est que votre titre fait la différence en disant la psychanalyse « et » qu’est-ce que c’est une profession, des professions ?, et à propos de la psychanalyse, comment ça se présente ?
Qu’est-ce que c’est la psychanalyse ? C’est un lien social. Un lien social ça veut dire, un lieu, du temps, mais aussi des lettres. Ça ce n’est pas dans Kant. Et c’est ça qui vous parait curieux, parce que aujourd’hui la philosophie kantienne est dominante. Elle permet de penser la science classique, elle ordonne les difficultés mathématiques jusqu'à Gödel. Marx déjà c’est plus difficile, et Freud ça ne va pas du tout. Pourquoi ? Qu’est-ce que découvre Freud ? C’est quelque chose incontestable, qui est légitimé par l’existence du langage, et qui est illégitime seulement pour ceux qui considèrent que le langage doit disparaitre et qu’on doit tuer tous ceux qui parlent et qui écrivent.

C’est un enjeu occidental énorme. Au vingtième siècle on a massacré en masse deux peuples. Les juifs – qui est un peuple de la lecture, la bible se lit a l’envers, a l’endroit, il n’y a pas de voyelles dans l’alphabet hébreu, un peuple comme les juifs, les paranoïaques ne supporte pas ça, qu’on lise, la forclusion c’est refuser la lecture, lire c’est une forme d’invention, il faut inventer pour pouvoir lire. Donc au vingtième siècle on a tué en masse les juifs, c’est Auschwitz, et on a tué en masse les japonais, c’est Hiroshima et Nagasaki.

Seul Lacan souligne – dans Lituraterre il écrit ça – que les japonais ont une lecture très spécifique, c’est un peuple qui lit sa langue dans une écriture venu de la part des chinois, les caractères chinois. Ils ont une double lecture permanente, et il dit que c’est ce qu’on peut attendre de mieux d’une psychanalyse. Lacan dit qu’il n’y a même pas besoin de psychanalyse pour les japonais de la tradition. Maintenant, aujourd’hui, le Japon, comme la Chine, si elle rentre dans le monde occidental, industriel, impérialiste, elle va avoir besoin de la psychanalyse, parce que c’est un problème qui répond a la question posée par Descartes a partir du témoignage qu’il donne du sujet de la science. Il y a une nouvelle position du sujet qui va conduire a la nécessité de Freud. C’est Descartes.

Qu’est-ce que découvre Freud en prenant le corps d’un point de vue neurologique, comme une machine, où cherchant l’horloge, où la machine, dans le corps ? Il découvre le rêve et le fait que le rêve écrit, que le corps écrit. Ce que découvre Freud c’est que nous écrivons pour survivre. Nous somme une espèce mammifère prématurée, déficiente, débile, qui surmonte son insuffisance grâce au fait que nous puisons, nous triturons – c’est ça le « trieb » de Freud, ce n’est une pulsion mais une « trituration » - qui nous permet de faire vivre nos organes, du fait que nous écrivons des histoires avec nos organes, avec nos parents – c’est le … -, avec les organes et le corps – c’est le narcissisme. Cette possibilité d’écriture nous montre ce que Freud nous fait voir, c’est que ce discours, ce lien social qu’est l’analyse, on fait lien social entre nous pour étudier la lecture, l’écriture, la parole. Les activités principales que nous avons, ne sont pas du fait de travailler ou aimer, mais c’est la langue, la parole et l’écriture.

Mais nous sommes dans une civilisation qui voudrait faire disparaitre – depuis trente ans c’est devenu dominant, avec Tatcher, Reagan, et l’hiperlibéralisme – on veut faire disparaitre, derrière la biotechnologie et l’électro technologie, tout ce qui langage. On parle de communication.

Le langage ce n’est pas la communication. Le langage c’est la transmission de temps en temps, et puis c’est qui est une activité du corps, d’un mammifère qui fait ça, et qui transforme ainsi tout le monde. Le langage ce n’est pas un dupliqué du monde, ça transforme le monde. A part le fond des océans ou le milieu de l’Amazonie, il n’y a pas un endroit ou on trouve une nature. Des que le travail humain et venu, même la Patagonie est redessinée. C’est passionnant, maintenant on envoi même des navettes jusqu'à Mars.
Ça a commencé autour de notre mort, comme dit Freud, a tourné la vie, autour d’un corps qui essaye de survivre, et puis ça fait des cercles de plus en plus grands, c’est incontrôlable.

Ce que Lacan précise, avec l’objet a, c’est une chose qu’il faut noter des le début dans ce lien social, c’est que dans l’esthétique de Kant vous n’avez pas la lettre. Vous avez des objets. La perception, la sensibilité, fournit a mon intuition, des objets qui sont définis par le temps et l’espace : l’esthétique Kantienne. Et puis on va les classer - bleu et blanc, léger et lourd, petit et grand, etc.- on conceptualise.

Mais quand j’entends quelqu’un qui parle, ou quand je lis, les signifiants et les lettres, est-ce que je les conceptualise ? Quand je lis, est-ce que je fais des ronds autour des lettres pour les classées ? Je peux faire de la grammaire, je peux faire des choses comme ça, mais la première fonctions des objets lettres et signifiants, du coté des oreilles, ou du coté scopique, graphique ou auditif, ça s’appelle phonème, ça a été découvert par Benoit Courtney a la fin du XIXº - et puis il a fallu Saussure pour relancer l’intérêt pour ça, parce que à l’époque ils étaient tellement Darwinien – c’est Jakobson qui l’explique très bien, il a fait un petit livre qui est un bijou, ça s’appelle « Six leçons sur le son et le sens », il a fait ça à New York en 42, à la demande de Lévi-Strauss – moi je le fait lire a tous mes étudiants – et donc le phonème de Benoit Courtney – que malheureusement Saussure a traité en termes de signe linguistique, ce qui fait revenir a la représentation, il ne s’agit pas de représentation, il s’agit d’une activité du corps. Le corps lit, le corps écrit, le corps parle. Lacan dit « ça parle », et sur ce « ça parle » il y a un « ça écrit ». Nous ne savons pas ce que c’est lire et écrire. Moi j’ai une clinique analytique qui n’a rien a voir avec de la psychologie ou de la médecine, je rencontre des gens, des analysants que je soutiens dans leur tentative de faire une analyse, des gens qui ont un problème, qui case dans un coin de lecture, d’écriture ou de parole, et ça leur fout la vie complètement en l’air, ça leur mine l’existence. Ils ne peuvent pas aimer, ils ne peuvent pas vivre avec quelqu’un d’autre, ils sont obligés de se cacher. Regardez, les études que nous faisons à l’école nous invitent a plaquer tout ce que nous ne savons pas faire. Il faut montrer ce qu’on sait lire, qu’on sait écrire. Et on obtient un travail par l’école et l’université. Personne de veut s’intéresser a tous ces manquement, a tous cette grande difficulté que nous avons tous. Tout le monde a des aphasies, tout le monde a des difficultés avec lire, écrire, parler.

La psychanalyse ne dit pas qu’elle sait tout. Elle dit, voilà ce que nous étudions. Ceux qui veulent étudier ça avec nous peuvent le faire, et si vous voulez vous en servir pour faire autre chose, pour d’autres professions, ou parce que vous êtes père de famille. Vous n’avez pas a faire le psy, mais votre analyse peut vous servir à être plus à l’aise avec votre langue, votre parole, votre écriture, votre lecture. C’est une activité très générale le langage. Donc vous pourrez aimer vos enfants différemment. C’est comme l’analyse d’enfant, ça n’existe pas l’analyse d’enfants, puisque pour être en analyse il faut être un adulte, il faut s’engager.

C’est là que l’on va rencontrer le problème d’une profession dans la psychanalyse. Je trouve très bien votre commentaire initial, c’est finalement les psys, les psychologues, les psychiatres, les psychothérapeutes, qui se plaignent que la psychanalyse est une peste. La peste se répand sur les professions. Mais ces gens sont des escrocs : pourquoi prétendent-ils représenter la psychanalyse et pas simplement la psychothérapeutique ? Ils ne pratiquent pas la psychanalyse, ils pratiquent la psychologie. Toutes les questions que vous posez dans votre texte, il faut les poser aux psychologues et aux psychiatres

MS : On l’a fait (rires)

JMV : Il faut le poser ces questions en tant que tels, et pas en tant que psychanalystes, ou au nom de la psychanalyse. Et il faut aussi la poser à la psychanalyse et aux gens qui font de la psychanalyse. Mais alors il faut dire quelle est la profession qu’on professe, dont on fait profession publique. Je professe la psychanalyse ? Non. Ça c’est une affaire privé, pratiquer la psychanalyse. Lacan propose, au séminaire sur l’acte psychanalytique, de nommer cette profession que nous pouvons être amené à faire dans la psychanalyse, a assumer comme profession, comme vous le ramenez à l’étymologie -  effectivement, il ne faudrait que ce soir une profession de foi, avec cette allure religieuse que ça prend – on fait profession de l’acte analytique. Mais qu’est-ce que ça veut dire ? ça veut dire qu’il ya effectivement un éthique, et pas seulement une éthique, il y a un discours, qui s’appelle le discours analytique, qui dit que n’importe qui qui a des patients au titre de la psychanalyse est considéré psychanalyste. Lacan n’en n’a dénoncé aucun. Si vous avez des patients, pourquoi ne seriez vous pas psychanalyste ? Ce sont les patients qui instituent le psychanalyste. Et ça il faut le dire dans la cité. Et c’est pour ça que je suis très content de répondre a vos questions, parce qu’il faut en parler, il faut qu’on entende partout que quand on va voir un psychanalyste on rentre dans un acte. Le fait de prendre le téléphone, téléphoner, prendre rendez-vous, venir au rendez-vous, l’acte est accompli, même naïvement. Le naïf accompli un acte. Moi je ne lui fait pas la leçon quand il me vient voir, le premier venu, je ne luis fait pas de leçon. Mais c’est un discours ou il y a des conditions. J’ai écrit un texte qui s’appelle « la psychanalyse et ses contraintes spécifiques ». Il faut que tout le monde sache qu’il y a des contraintes. La psychanalyse ce n’est pas n’importe quoi.

Ce que Freud a inventé – vous parlez bien du dispositif – le dispositif que Freud a inventé, a proposé – il dit, moi je le propose comme ça parce que ça m’arrange, je en supporte pas le regard des autres en face – bon, mais il y a un dispositif qui est déjà le cabinet de consultation, fermé, dans lequel il ne doit y avoir aucune réglementation, aucune réglementation, même pas la réglementation de l’association, de l’institution analytique. Par contre, le discours analytique, l’analyste le représente. Ce discours existe parce qu’il y a de textes, des textes de Freud, des textes de Lacan, et d’autres textes, il y a un discours avec des textes, des gens qui se réunissent, des gens qui parlent, et il y a d’autres cabinets de psychanalystes. C’est absolument nécessaire. Freud était dans une position exceptionnelle, quand il a commencé il était le seul. Mais ce n’est plus le cas.

Donc, il y a un lien social, et ce lien social dit que celui qui prend la responsabilité de diriger la cure, c'est-à-dire, de faire l’analyse pour celui qui le lui demande, qui est celui qui l’institue. Il n’y a pas besoin de diplôme, ni rien. C’est ça qu’il faut dire. Pour que les gens se sentent responsables, et sachent qu’il n’y a pas d’autre garantie que leur appréciation de la psychanalyse et de l’analyste. Si vous retirez ça vous retirez toute l’expression même de la psychanalyse, puisque la psychanalyse est le seul discours ou le sujet est responsable y compris les conséquences de ce qu’il dit, ce qui est imprévisible. C’est une responsabilité politique énorme : être responsable des conséquences de ce qu’il dit. Tout le monde dit des méchancetés, des horreurs et commets des crimes rien qu’en parlant des autres, et partout on s’en fout – a part la diffamation, de temps en temps – et la psychanalyse c’est le contraire. Et Lacan l’écrit. Il dit qu’il fut toujours considérer comme responsable des conséquences des propos qu’il tenait devant son séminaire parce qu’il était l’analysant de son séminaire, et qu’il s’adressait a des psychanalystes. Et quand on s’adresse a un psychanalyste on est responsable des conséquences. Et c’est le cas de faire les entretiens préliminaires : il faut pratiquer ces entretiens préliminaires aussi longtemps qu’il est nécessaire, jusqu’au point ou le sujet ne vient plus se plaindre, et s’engage. On ne le lui demande pas, il faut attendre. Et s’il ne le fait pas, il vaut mieux de le d’éconduire. S’il s’engage dans son analyse, s’il se rend compte que ce n’est plus une affaire de son moi et du monde qui le fait souffrir, mais de lui comme sujet du langage, donc, qu’il n’est pas un animal et qu’il n’est pas une machine. Le névrosé, en général vient voir l’analyste pour dire, regardez, pourquoi je ne suis pas un animal, j’ai peur de tout – c’est la phobie – ou pourquoi je ne suis pas un animal féroce – ça c’est le pervers – et le psychotique vient voir l’analyste en disant pourquoi je ne suis pas une machine ?

Notre civilisation ne veut plus entendre parler parce qu’elle est extrêmement paranoïaque au sujet du langage et de la lecture, et nous, nous représentons le survivant, non pas écologique, mais du langage.

MS : Je me souviens que quand nous vous avons fait le reportage pour la revue Fort-Da, voilà bien 5 ou 6 ans, vous souteniez l’idée que les analysants avaient les analystes qu’ils méritaient.

JMV : Exactement

MS : Vous le posiez même historiquement, sous la forme que chaque époque offre les analystes que les analysants méritent, que Lacan était l’analyste que méritait les analysants de cette époque, et puis maintenant, on a les analystes que les analysants d’aujourd’hui méritent. C’est une formule très forte. Et je me demande si elle pourrait se poser extensivement à la production théorique des analystes. On trouve, par exemple, des définitions de la place « alpha » dans les institutions, comme la place qui résulte de la présence d’un analyste. L’acte analytique est posé par la simple présence d’un analyste. Ces analystes, sont les analystes que méritent les analysants actuels ?

JMV : Oui. C’est pour ça que je ne les registre pas comme analystes. C’est leur affaire, comme vous le souligner dans votre texte a propos de pourquoi faudrait-il une dimension éthique en plus de la thérapeutique. Pour moi, la psychanalyse n’est pas une thérapeutique. On se porte mieux si on pratique la psychanalyse mais la psychanalyse ne garantit pas. Elle ne garantit pas ni la guérison ni qu’on se porte mieux. Jamais.
La seule garantie c’est l’analysant qui garantit sa propre analyse. Et il faut lui dire, « vous êtes responsable, si vous ne voulez pas être responsable continuez à être fou ».  Le fou c’est la belle âme. « Plaignez-vous du monde et dites que vous n’y êtes pour rien », dans la psychanalyse c’est exclu.
Mais les psychanalystes, ne font pas ça, dans leurs discours publics. Seuls Freud et Lacan disent des choses comme ça.

Quand vous préparez cet interview, ce dossier, dans Acheronta, vous prenez le soin de préciser l’étymologie de « professionnel », et vous voyez bien qu’aujourd’hui l’inconscient est accepté – on ne sait pas ce que c’est, mais c’est accepté – et la psychanalyse c’est pareil, tout le monde croit savoir ce que c’est.  Même le ministre de la justice, en France, quand il y a eu une erreur judiciaire, il a dit que les victimes de l’erreur judiciaire doivent faire leur « deuil ». Alors il y aura un soutien psychologique pour les victimes de l’erreur judiciaire. Alors, vous voyez, c’est très populaire la psychanalyse, mais ce n’est pas de la psychanalyse ça, c’est de la psychologie. Que les psychologues fassent leur travail. Et vous posez une excellente question : pourquoi aurait-on besoin d’un débat étique en plus du débat thérapeutique ? Vous avez raison. Ce que je trouve formidable dans votre texte c’est cette façon de présenter les choses en disant que les psychologues se plaignent de se trouver dans ce bourbier, mais c’est parce qu’il y a de la confusion déjà du coté de la psychanalyse.
Je ne dis pas que c’est simple a résoudre. Mais pour lutter contre la confusion le mieux c’est qu’on en parle, qu’on en discute, et qu’on arrête de faire des tribunaux, des exclusions, des dénonciations. Moi je ne suis même pas de l’idée de dénoncer des gens "ad hominem".

Freud a considéré que pour occuper la place d’analyste, d’abords il faut être analysant, et l’analysant – c’est la question de « analyse finie ou infinie » - même si on passe par une coupure, comme dit Lacan, par une scansion importante, qui peut donner lieu a un témoignage, une transmission, de toute façon l’analyse est infinie.

Quand fous dites, dans le dernier paragraphe de votre texte, quand vous citer deux fois Lacan dans « La direction de la cure », vous voyez bien pourquoi la psychanalyse ne peut pas être une profession, comment peut-on faire une profession ou l’analyste paye avec ce qu’il y a d’essentiel dans son jugement le plus intime ? Ça, c’est tellement intime que ça ne peut pas devenir public. Et vous avez tout à fait raison de signaler cette implication de l’analyste pour pouvoir se mêler d’une action qui va au cœur de l’être, comment voulez-vous faire une profession de ça ? Il faut qu’on se calme un peu. Il faut dire aux psychanalystes que c’est l’analysant qui va aller au cœur de son être. Moi, je peu le diriger, pourquoi ? Je fais profession de l’acte analytique, parce que je prends cette responsabilité de mon coté, qui ne retire rien de la responsabilité de l’analysant pour sa cure. Moi je soutiens son désir de faire une cure quand j’estime qu’il y a une petite chance qu’il arrive à faire quelque chose. Je suis de l’avis que les entretiens préliminaires doivent être mené suffisamment longtemps – et ça pourrait même avoir lieu dans des différents services, dans les services sociaux, dans les dispensaires, dans les hôpitaux, si les gens sont informés que ce qu’ils font ce n’est pas de la psychanalyse, et que le patient pourra la faire, uniquement s’il abandonne l’aide, la garantie, et tous les soutiens.
C’est vrai, les gens qui sont très pauvres, qui sont durement atteint, la psychanalyse n’est pas directement indiquée pour eux.

MS : Pourquoi pas pour les riches aussi ? Parce qu’en réalité, il ya toujours un malentendu. Personne ne va voir un psychanalyste

JMV : A ce titre là, personne.

MS : Tout au plus il se rendra compte, après coup, qu’il voulait faire une analyse.

JMV : Vous voyez que c’est un acte, parce que n’importe qui, qui va voir le plus stupide psi, qui fait du yoga en même temps que de la cuisine écolo, n’importe qui, qui va demandez rendez-vous a quelqu’un, il se souvient toute sa vie du premier rendez-vous et de la première encontre, même s’il n’y a pas de suite. Ça a toujours des conséquences. Nous ne sommes pas immunisés contre le fait d’aller voir quelqu’un d’une manière confuse, on ne sait pas bien pourquoi, mais on sait que ça nous touche.

Le problème c’est que les analystes, au lieu de dénoncer les autres, et de faire les gendarmes, il faut mettre chacun au pied du mur de sa responsabilité. C’est ce que fait Lacan. Tous les analystes reprochent à Lacan de ne pas être un maitre, un directeur, un chef. Il a dit des choses, il faut les lires, les réfléchir, les discuter – ce n’est pas a prendre comme de l’argent comptant, c’est difficile le discours analytique, et Lacan ne facilite pas les choses, il ne donne pas. Il dit : « il faut que vous le preniez, il faut que ce soit votre analyse », vous comprenez ? Pour que ce soit vraiment efficace il faut que ce soit vous qui le preniez. Et du coup, les lacaniens même se plaignent que Lacan, finalement, peut qu’il se trompe, qu’il exagère. Il y a des gens que disent qu’il s’occupait de la topologie mais que c’était un laboratoire de recherche avec des gens comme vous, mais pas avec les autres. Mais qu’est ce que ça veut dire ça ? On ne comprend rien au discours analytique – on en a la preuve depuis 30 ans que Lacan est mort – si on ne va pas jusqu’au bout, y compris cette fameuse topologie. Alors, on fait des remplacements, on met la psychologie et la psychiatrie a la place.

Nous sommes responsables. Moi je suis responsable, ma responsabilité est tres nette : j’ai refusé de me battre avec les psychanalystes, qu’ils soient freudiens ou lacaniens. Je ne veux pas jouer un mauvais « remake » de « Totem et tabou » pour l’héritage de Freud et Lacan. Je ne me battrais pas. S’ils veulent me tuer ils me tueront, mais moi je ne me battrais pas. Vous voyez, je viens jusqu’ici pour pouvoir travailler. Je travaille en France et je travaille ici, mais je suis mieux reçu ici qu’en France, à cause de l’opinion, de la doxa, de la rumeur, et du tribunal. Et ces gens là veulent corriger Lacan et disent que Lacan était sénile – parce que Benveniste était sénile, il a rejeté Freud, mais pas Lacan – mais Lacan n’était pas sénile a la fin de sa vie. Je l’ai vu quelque mois avant sa mort, il était malade, il avait un cancer, mais il n’avait pas perdu la tête. Bon, l’opinion déforme les choses. Mais le point est que les élèves de Lacan voudraient reformer, amender, ce que Lacan donne dans le discours analytique pour organiser l’association, l’institution qui est l’intermédiaire entre la pratique de l’analyse et le public, ou il est question de préciser ce que Lacan propose, le AE et les AME, ou les AME c’est une garantie d’une formation qu’on donne, ou on dit « je garantit la formation – mais pas l’analyse – du monsieur un tel ». Lacan fait la distinction. Dans les écrits il reprend une vieille formule américaine en anglais, c’est le « double training », une psychanalyse c’est un « double training », il y a la cure personnelle et la formation des études freudienne ou lacanienne qui, a mon avis, peuvent même être faites a l’Université. Pourquoi des gens qui font de la psychologie à l’université aurait-ils besoin d’une formation clinique spéciale qu’ils vont prendre dans un institut privé, de psychanalyse ? S’ils veulent faire une analyse, qu’ils la fassent, mais qu’ils ne disent pas que c’est leur formation.
L’Université peut donner une formation aux psychiatres et aux psychologues, il peut même avoir des départements de psychanalyse ou on enseigne les études freudiennes ou lacaniennes, ce que vous signalez comme ce qu’il y a de l’universel. Mes livres peuvent être enseignés à l’Université. Il y a des mathématiques et du discours analytique là dedans, il y a de la linguistique, de l’anthropologie. Tout ça peut être enseigné. Mais la cure, elle-même, doit être protégée par le discours analytique et l’institution. Alors, cette institution, il n’est pas question qu’elle soit sans rendre compte. Ce n’est pas de garanties qu’elle donne. Elle ne garantie que la formation qu’elle donne, si elle en donne une. Mais pour la cure elle dit, le discours analytique existe, et nous nous réunissons dans nos colloques, dans nos cartels, dans nos revues, etc.

A propos des revues -  je collabore beaucoup avec la revue d’Erik Porge, qui s’appelle « Essaim » - il y a un problème avec les revues, la plupart ce sont des revues internes de groupes qui publient un discours que personne ne lit. Ou sont les grands textes de la psychanalyse ?
On peut poser la même question a propos de la linguistique. Ou sont les grands textes linguistiques ? Depuis Chomsky, il a tout cassé Chomsky. Il a interrompu le programme structural, en 57, et il n’y a plus de linguistique.
C‘est une ruine. Pas seulement la pollution contre laquelle parle l’écologie. C’est pire que ça. C’est un moyen de destruction du sujet du langage. Je ne parle pas d’humanité, je parle du sujet qui parle, et qui sait lire. Parler et écrire, ce qu’on appelle l’écoute et la lecture.
Parler ça a un coté sexuel, un aspect imaginaire, mais aussi il y a la fonction de la vérité, du tiers, du grand trou. Et donc cette fonction imaginaire du symbolique, c’est très difficile à analyser, et c’est de ça que nous nous occupons. Ça substitue la parole, le fait de parler et le fait d’écrire.

Et qu’est que c’est le transfert ? Ma pratique de l’analyse me montre une chose qui est amusante, c’est que depuis 30 ans je reçois des gens qui essayent de me convaincre que ce sont de bons analysants parce qu’il

 

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Revista de Psicoanálisis y Cultura
Número 26 - Diciembre 2010
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