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(219) Jacques Lacan Je dois conclure ce Congrès. Cest tout au moins ce qui a été prévu.
Freud sest vivement préoccupé de la transmission de la psychanalyse. Le comité quil avait chargé dy veiller sest transformé dans linstitution psychanalytique internationale, lI.P.A. Je dois dire que lI.P.A., si nous en croyons notre ami Stuart Schneiderman, qui a parlé hier, pour linstant n est pas vaillante. Il est certain que ce Congrès représente, avec cette salle pleine, quelque chose qui équilibre lI.P.A.
Freud, désignant ce quil appelait sa « bande », sans quon sache très bien si « sa bande », ça doit sécrire « ç-a », Freud a inventé cette histoire, il faut bien le dire assez loufoque, quon appelle linconscient ; et linconscient est peut-être un délire freudien. Linconscient, ça explique tout mais, comme la bien articulé un nommé Karl Popper, ça explique trop. Cest une conjecture qui ne peut pas avoir de réfutation.
On nous a parlé de sexe sans sujet. Est-ce que ça veut dire pour autant quil y aurait un rapport sexuel qui ne comporterait pas de sujet ? Ce serait aller loin ; et le rapport sexuel, dont jai dit quil ny en avait pas, est censé expliquer ce quon appelle les névroses. Cest ce pourquoi je me suis enquis de ce que cétait que les névroses. Jai essayé de lexpliquer dans ce quon appelle un enseignement. Il faut croire que quand même cet enseignement a eu un certain poids puisque jai réussi à avoir toute cette assistance.
Cette assistance, je dois dire, ne massiste pas. Je me sens au milieu de cette assistance particulièrement seul. Je me sens particulièrement seul parce que les gens à qui jai affaire comme analyste, ceux quon appelle mes analysants ont avec moi un tout autre rapport que cette assistance. Ils essaient de me dire ce qui chez eux ne va pas. Et les névroses, ça existe. Je veux dire quil nest pas très sûr que la névrose hystérique existe toujours, mais il y a sûrement une névrose qui existe, cest ce quon appelle la névrose obsessionnelle.
Ces gens qui viennent me voir pour essayer de me dire quelque chose, il faut bien dire que je ne leur réponds pas toujours. Jessaie que ça se passe ; du moins je le souhaite. Je souhaite que ça se passe, et il faut bien dire que beaucoup de psychanalystes en sont réduits là. Cest pour ça que jai essayé davoir quelque témoignage sur la façon dont on devient psychanalyste : qu est-ce qui fait quaprès avoir été analysant, on devienne psychanalyste ?
Je me suis, je dois dire, là-dessus enquis, et cest pour ça que jai fait ma Proposition, celle qui instaure ce quon appelle la passe, en quoi jai fait confiance à quelque chose qui sappellerait transmission sil y avait une transmission de la psychanalyse.
Tel que maintenant jen arrive à le penser, la psychanalyse est intransmissible. Cest bien ennuyeux. Cest bien ennuyeux que chaque psychanalyste soit forcé puisquil faut bien quil y soit forcé de réinventer la psychanalyse.
Si jai dit à Lille que la passe mavait déçu, cest bien pour ça, pour le fait quil faille que chaque psychanalyste réinvente, daprès ce quil a réussi à retirer du fait davoir été un temps psychanalysant, que chaque analyste réinvente la façon dont la psychanalyse peut durer.
Jai quand même essayé de donner à cela un peu plus de corps ; et cest pour ça que jai inventé un certain nombre décritures, telles que le S barrant le A, cest-à-dire ce que jappelle le grand Autre, car cest le S, dont je désigne le signifiant qui, ce grand A, le barre ; je veux dire que ce que jai énoncé à loccasion, à savoir que le signifiant a pour fonction de représenter le sujet, mais et seulement pour un autre signifiant cest tout au moins ce que jai dit, et il est un fait que je lai dit quest-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que dans le grand Autre, il ny a pas dautre signifiant. Comme je lai énoncé à loccasion, il ny a quun monologue.
Alors comment se fait-il que, par lopération du signifiant, il y ait des gens qui guérissent ? Car cest bien de ça quil sagit. Cest un fait quil y a des gens qui guérissent. Freud a bien souligné quil ne fallait pas que lanalyste soit possédé du désir de guérir ; mais cest un fait quil y a des gens qui guérissent, et qui guérissent de leur névrose, voire de leur perversion.
Comment est-ce que ça est possible ? Malgré tout ce que jen ai dit à loccasion, je n en sais rien. Cest une question de truquage. Comment est-ce quon susurre au sujet qui vous vient en analyse quelque chose qui a pour effet de le guérir, cest là une question dexpérience dans laquelle joue un rôle ce que jai appelé le sujet supposé savoir. Un sujet supposé, cest un redoublement. Le sujet supposé savoir, cest quelquun qui sait. Il sait le truc, puisque jai parlé de truquage à loccasion ; il sait le truc, la façon dont on guérit une névrose.
Je dois dire que dans la passe, rien nannonce ça ; je dois dire que dans la passe, rien ne témoigne que le sujet sait guérir une névrose. Jattends toujours que quelque chose méclaire là-dessus. Jaimerais bien savoir par quelquun qui en témoignerait dans la passe quun sujet puisque cest dun sujet quil sagit est capable de faire plus que ce que jappellerai le bavardage ordinaire ; car cest de cela quil sagit. Si lanalyste ne fait que bavarder, on peut être assuré quil rate son coup, le coup qui est deffectivement lever le résultat, cest-à-dire ce quon appelle le symptôme.
Jai essayé den dire un peu plus long sur le symptôme. Je lai même écrit de son ancienne orthographe. Pourquoi est-ce que je lai choisie ? s-i-n-t-h-o-m-e, ce serait évidemment un peu long à vous expliquer. Jai choisi cette façon décrire pour supporter le nom symptôme, qui se prononce actuellement, on ne sait pas trop pourquoi « symptôme », cest-à-dire quelque chose qui évoque la chute de quelque chose, « ptoma » voulant dire chute.
Ce qui choit ensemble est quelque chose qui na rien à faire avec lensemble. Un sinthome nest pas une chute, quoique ça en ait lair. Cest au point que je considère que vous là tous tant que vous êtes, vous avez comme sinthome chacun sa chacune. Il y a un sinthome il et un sinthome elle. Cest tout ce qui reste de ce quon appelle le rapport sexuel. Le rapport sexuel est un rapport intersinthomatique. Cest bien pour ça que le signifiant, qui est aussi de lordre du sinthome, cest bien pour ça que le signifiant opère. Cest bien pour ça que nous avons le soupçon de la façon dont il peut opérer : cest par lintermédiaire du sinthome.
Comment donc communiquer le virus de ce sinthome sous la forme du signifiant ? Cest ce que je me suis essayé à expliquer tout au long de mes séminaires. Je crois que je ne peux pas aujourdhui en dire plus.