Mardi 13 mars 1973
Après ce que je viens de vous mettre au tableau, vous pourriez croire que vous savez tout. Il faut vous en garder justement. Parce que nous allons aujourdhui essayer de, de parler du savoir. De ce savoir que, dans linscription des discours, ceux dont jai cru pouvoir vous exemplifier que se supporte le lien social, dans cette inscription des discours, jai mis, jai écrit S2 pour symboliser ce savoir.
Peut-être arriverai-je à vous faire sentir pourquoi, pourquoi ça va plus loin quune secondarité par rapport au signifiant pur, à celui qui sinscrit du S1, que cest plus quune secondarité, que cest une désarticulation fondamentale.
Quoi quil en soit puisque jai pris le parti de vous donner ce support de cette inscription au tableau, je vais la commenter, jespère brièvement. Dailleurs je ne lai, il faut que je vous lavoue, nulle part écrite, nulle part préparée, elle ne me paraît pas exemplaire sinon comme dhabitude, à produire des malentendus.
Néanmoins, puisquen somme la situation qui résulte dun discours comme lanalytique, qui vise au sens, il est tout à fait clair que je ne puis vous livrer à chacun que ce que de sens vous êtes en route dabsorber, et ça a une limite. Ça a une limite qui est donnée par, par le sens où vous vivez, et qui, on peut bien le dire, ce nest pas trop dire que de dire que, quil ne va pas loin. Ce que le discours analytique fait surgir, cest justement lidée que ce sens est de semblant. Sil indique, le discours analytique, sil indique que ce sens est sexuel, ce ne peut être, justement, quà, je dirai, rendre raison de sa limite. Il ny a nulle part de dernier mot, si ce nest au sens : mot cest motus, jy ai déjà insisté, « pas de réponse, mot » dit quelque part La Fontaine si je men souviens encore. Le sens indique très précisément la direction vers laquelle il échoue.
Ceci étant posé, qui doit vous garder, jusquau point où je pourrai en pousser mon élucidation cette année, de comprendre trop vite ce qui se supporte de cette inscription,
à partir de là, cest-à-dire prises toutes ces précautions qui sont de prudence, de frnsi /phronesis, comme on sexprime dans la langue grecque où bien des choses ont été dites mais qui sont restées loin, en somme, de ce que le discours analytique nous permet darticuler,
prises donc ces précautions de prudence,
voici à peu près ce qui est inscrit au tableau, le rappel des termes propositionnels, au sens mathématique, par où qui que ce soit de lêtre parlant, sinscrit à gauche ou bien à droite. Cette inscription étant dominée par le fait quà gauche, à gauche ce qui répond au tout homme, cest en fonction dite Fx quil prend comme tout son inscription <;!>, à ceci près que cette fonction trouve sa limite dans lexistence dun x par quoi la fonction Fx est niée <:§>. Cest ce quon appelle la fonction du père doù procède, en somme, par cette négation de la proposition Fx, ce qui fonde lexercice de ce qui supplée au rapport sexuel en tant que celui-ci nest daucune façon inscriptible, ce qui y supplée par la castration.
Le tout repose donc ici sur lexception posée comme terme sur ce qui, ce Fx, intégralement le nie.
Par contre, en face vous avez linscription de ceci que, pour une part des êtres parlants, et aussi bien à tout être parlant comme il se formule expressément dans la théorie freudienne, à tout être parlant il est permis, quel quil soit, pourvu ou non des attributs de la masculinité, attributs qui restent à déterminer, pourvu ou non de ces attributs, il peut sinscrire dans lautre part, et, ce comme quoi il sinscrit, cest justement de ne permettre aucune universalité, dêtre ce « pas tout » en tant quil a en somme le choix de se poser dans le Fx ou bien de nen pas être.
Telles sont les seules définitions possibles de la part dite homme ou bien femme dans ce qui se trouve être dans cette position dhabiter le langage.
Au-dessous, sous la barre, la barre transversale où se croise la division verticale de ce qu on appelle improprement lhumanité en tant quelle se répartirait en identifications sexuelles, vous avez lindication, lindication scandée de ce dont il sagit, cest à savoir, à savoir quà la place du partenaire sexuel du côté de lhomme,
de cet homme que jai, non certes pour le privilégier daucune façon, inscrit ici du S barré <S> et de ce F qui le supporte comme signifiant,
ce F, qui aussi bien sincarne dans le S1 dêtre entre tous les signifiants celui qui paradoxalement a joué le rôle que de la fonction, dans le Fx, est justement ce signifiant dont il ny a pas de signifié, qui quant au sens en symbolise léchec, le mésens, qui est lin-décence par excellence, ou si vous voulez encore le réti -sens,
ce S, ce S ainsi doublé de ce signifiant dont en somme il ne dépend même pas,
ce S na jamais affaire, en tant que partenaire, quà cet objet petit a inscrit comme tel de lautre côté de la barre. Il ne lui est donné datteindre ce partenaire, ce partenaire qui est lAutre, lAutre avec un grand A, que par lintermédiaire de ceci quil est la cause de son désir, mais quà ce titre, comme lindique ailleurs dans mes graphes la conjonction pointée de ce S barré <S> et de ce petit a, quil nest rien dautre que fantasme. Ce fantasme fait aussi bien pour ce sujet, en tant quil y est pris comme tel, le support de ce quon appelle expressément, dans la théorie freudienne, le principe de réalité.
Ce que jaborde cette année est très précisément ceci que la théorie, l articulation théorique de Freud, et très précisément ceci que dans Freud est laissé de côté, est laissé de côté dune façon avouée le was will das Weib ? le que veut la femme ? que la théorie de Freud expressément comme telle, expressément avoue ignorer. Freud avance quil ny a de libido que masculine. Quest-ce à dire sinon quun champ qui nest tout de même pas rien
celui de tous les êtres qui, comme on dit, dassumer si lon peut dire et si tant est que cet être assume, assume quoi que ce soit de son sort, ce qui sappelle improprement
puisquici je vous le rappelle, ce que jai souligné la dernière fois, cest que ce La de La femme, à partir du moment où il ne sénonce que dun « pas tout », ne peut sécrire, quil ny a ici de La que barré, <L>. Ce L, expressément, est ce qui a rapport, et ce que je vous illustrerai aujourdhui, du moins je lespère, avec ce signifiant de grand A en tant que barré, <S (A) >, en tant que ce lieu de lAutre lui-même, là où vient sinscrire tout ce qui peut sarticuler du signifiant, est dans son fondement, de par sa nature, si radicalement lAutre, que cest cet Autre quil importe dinterroger. Sil nest pas simplement ce lieu où la vérité balbutie mais sil mérite de quelque façon de représenter ce à quoi
comme la dernière fois et de façon en quelque sorte métaphorique, je vous ai adressé ceci que
du départ, du départ dont sarticule linconscient
L femme, L femme comme nous nen avons assurément que des témoignages sporadiques
cest pour cela que je les ai pris la dernière fois dans leur fonction de métaphore
L femme a foncièrement ce rapport à lAutre
que dêtre dans le rapport sexuel par rapport à ce qui sénonce à ce qui peut se dire de linconscient
radicalement lAutre
elle est ce qui a rapport à cet Autre, et cest là ce quaujourdhui je voudrais tenter darticuler de plus près. Cest au signifiant de cet Autre, en tant que comme Autre, je dirai, il ne peut rester que toujours Autre, assurément, ici, nous ne pouvons que procéder que dun frayage aussi difficile quil est possible d en appréhender aucun. Et cest pourquoi, en my aventurant comme je fais à chaque fois devant vous, je ne puis ici que supposer que vous évoquerez, pour cela, il faut que je vous le rappelle, quil ny a pas dAutre de lAutre, et que cest pour cela que ce signifiant, avec cette parenthèse ouverte, marque cet Autre comme barré.
Comment pouvons-nous donc approcher, concevoir que ce rapport à lAutre puisse être, quelque part, ce qui détermine quune moitié, puisquaussi bien cest grossièrement la proportion biologique, quune moitié de lêtre parlant se réfère ? Cest pourtant ce qui est là écrit au tableau par cette flèche partant du L, de ce L qui ne peut se dire. Rien ne peut se dire de L femme. L femme a un rapport, rapport à ce S de A barré < S (A) > dune part, et cest en cela déjà quelle se dédouble, quelle nest pas toute puisque dautre part elle peut avoir ce rapport avec ce grand F que dans la théorie analytique nous désignons de ce phallus tel que je le précise dêtre le signifiant, le signifiant qui na pas de signifié. Celui-là même qui se supporte, qui se supporte chez lhomme de cette jouissance, de cette jouissance dont, pour la pointer, je vous dirai que, javancerai aujourdhui que ce qui le mieux le symbolise, quest-ce après tout, sinon ceci que limportance de la masturbation suffisamment dans notre pratique souligne, quest-ce quelle est, sinon ceci qui nest rien dautre dans les cas, si je puis dire favorables, que la jouissance de lidiot ?
Léger mouvement. rires dans la salle
Après ça, pour vous remettre, il ne me reste plus quà vous parler d amour. Quel sens cela peut-il avoir, quel sens y a-t-il à ce que jen vienne à vous parler d amour ?
Je dois dire que cest peu compatible avec la position doù ici je vous énonce Quest-ce quil y a ? Ça ne va pas ? Et comme ça, comme ça, ça va mieux ? Est-ce que ceux du fond entendent ?
Non !
ceci est peu disais-je compatible avec ce quil faut bien dire que, depuis le temps, je ne cesse de poursuivre, cest-à-dire cette direction doù le discours analytique peut faire semblant de quelque chose qui serait science. Car enfin ce « serait science », vous en êtes très peu conscients, bien sûr vous avez quelques repères. Vous savez, jy ai mis parce que je croyais que cétait une bonne étape à vous le faire repérer dans lhistoire, vous savez que il y a eu un moment où on a non sans fondement pu se décerner cette assurance que le discours scientifique ça s était fondé. Le point tournant galiléen, jy ai il me semble suffisamment insisté pour supposer quà tout le moins certains de vous ont été aux sources, là où ça se repère. Luvre de Koyré Alexandre <est> depuis le temps, je pense, au moins de la pratique dune partie de cette assemblée.
Mais ce quil faut voir cest à quel point cest un pas, un pas vraiment subversif au regard de ce qui jusque là sest intitulé connaissance. Il est très difficile de soutenir, de maintenir également présents ces deux termes, à savoir que le discours scientifique a engendré toutes sortes dinstruments quil nous faut bien du point de vue dont il sagit ici qualifier de ce quils sont
tous ces gadgets dont vous êtes désormais les sujets infiniment plus loin que vous ne le pensez, tous ces instruments qui, mon Dieu, du microscope jusquà la radio-télé nest-ce pas, deviennent des éléments, des éléments de votre existence
ceci dont vous ne pouvez actuellement même pas mesurer la portée
mais qui nen fait pas moins partie de ce que jappelle le discours scientifique pour autant quun discours cest ce qui détermine comme telle une forme, une forme complètement renouvelée de lien social.
Le joint qui ne se fait pas cest ceci, cest que ce que jai appelé tout à lheure subversion de la connaissance sindique de ceci que, jusqualors rien de la connaissance, il faut le dire, ne sest conçu sans que rien de ce qui sest écrit sur cette connaissance ne participe
et lon ne peut pas même dire que les sujets de la théorie antique de la connaissance ne laient pas su
sans que rien de cette théorie dis-je,
ne participe du fantasme dune inscription du lien sexuel.
Les termes dactif et de passif, par exemple, qui on peut le dire dominent tout ce qui a été cogité des rapports de la forme et de la matière, ce rapport si fondamental auquel se réfère chaque pas platonicien puis aristotélicien concernant, disons, ce quil en est de la nature des choses,
il est visible, il est touchable à chaque pas de ces énoncés que ce qui les supporte cest un fantasme par où il est tenté de suppléer à ce qui daucune façon ne peut se dire, cest là ce que je vous propose comme dire, à savoir le rapport sexuel.
Létrange est que tout de même, à lintérieur de cette grossière polarité, celle qui de la matière fait le passif, de la forme lagent qui lanime, quelque chose mais quelque chose dambigu a passé
cest à savoir que cette animation ce nest rien dautre que ce petit a dont lagent anime
quoi
il nanime rien, il prend lautre pour son âme.
Mais que dun autre côté, si nous suivons ce qui progresse au cours des âges de lidée dun être par excellence, dun Dieu qui est bien loin dêtre conçu comme le Dieu de la foi chrétienne,
puisquaussi bien vous le savez cest le moteur immobile, la sphère suprême,
que dans lidée que le Bien, cest ce quelque chose qui fait que tous les autres êtres moins êtres que celui-là, ils ne peuvent avoir dautre visée que dêtre le plus être quils peuvent être
et cest là tout le fondement de lidée du Bien dans cette Éthique dAristote dont ce nest pas pour rien que je vous ai rappelé que non seulement je lavais traitée, mais que je vous incitais à vous reporter pour en saisir les impasses.
Il se trouve tout de même que ce quelque chose,
si nous suivons le support des inscriptions à ce tableau,
il se révèle que cest tout de même dans cette opacité de ce où j ai la dernière fois expressément désigné quétait la jouissance de cet Autre, de cet Autre en tant que pourrait lêtre si elle existait La femme
que cest à la place de la jouissance de cet Autre quest désigné cet être mythique, mythique manifestement chez Aristote, de lÊtre Suprême, de la sphère immobile doù procèdent tous les mouvements quels quils soient : changements, générations, mouvements, translations, augmentations, etc.
Comment faire pour approcher dans cette ambiguïté
approcher en somme quoi en linterprétant
en linterprétant selon ce qui est notre fonction dans le discours analytique, cest-à-dire enregistrer, scander ce qui peut se dire comme allant, allant à léchec vers la formulation du rapport sexuel
que si nous arrivons à dissocier ceci que cest en tant que sa jouissance est radicalement Autre que en somme L femme a plus rapport à Dieu que tout ce qui peut se dire en suivant la voie de quoi, de ce qui manifestement dans toute la spéculation antique ne sarticule que comme le Bien de lHomme. Si en dautres termes, nous pouvons, ce qui est notre fin, la fin de notre enseignement pour autant quil poursuit ce qui se peut se dire et sénoncer du discours analytique, cest de dissocier ce petit a et ce grand A en réduisant le premier à ce qui est de limaginaire, et lautre à ce qui est du symbolique. Que le symbolique soit le support soit de ce qui a été fait Dieu cest hors de doute, que ce quil en est de limaginaire cest ce qui se supporte de ce reflet du semblable au semblable cest ce qui est certain.
Comment, en somme, ce petit a, de sinscrire juste au-dessous de ce grand S de A barré < S (A) >, dans notre inscription au tableau, ait pu jusquà un certain terme, prêter en somme à confusion, et ceci très exactement par lintermédiaire de la fonction de lêtre, cest assurément ce en quoi quelque chose, si je puis dire, reste à décoller, reste à scinder, et précisément en ce point où la psychanalyse est autre chose quune psychologie.
La psychologie, cest cette scission non encore faite. Et là pour me reposer je vais me permettre, mon Dieu de vous faire part, je ne dis pas à proprement parler de vous lire, parce que je ne suis jamais sûr de lire jamais quoi que ce soit, de vous lire tout de même ce que je vous ai, il y a quelque temps écrit, écrit justement, écrit sur quoi, écrit là seulement doù il se peut quon parle damour, car parler damour, on ne fait que ça dans le discours analytique
et après la découverte du discours scientifique, comment ne pas sentir, toucher du doigt que cest une perte de temps, très exactement perte de temps au regard de tout ce qui peut sarticuler de scientifique
mais que ce que le discours analytique apporte, et cest peut-être ça après tout la raison de son émergence en un certain point du discours scientifique, cest que parler damour est en soi une jouissance. Ce qui se confirme assurément de cet effet, effet tangible, que dire nimporte quoi, consigne même du discours de lanalysant, est ce qui mène au Lustprinzip et ce qui y mène de la façon la plus directe, et sans avoir aucun besoin de cette accession aux sphères supérieures qui est le fondement de léthique aristotélicienne pour autant que je vous lévoquais tout à lheure brièvement, en tant quen somme elle ne se fonde que de la coalescence, que de la confusion de ce petit a avec le S de grand A barré, < S (A) >.
Il nest barré, bien sûr, que par nous.
Ça ne veut pas dire quil suffise de barrer pour que rien n en ex-siste. Il est certain que si, ce S de grand A barré je nen désigne rien dautre que la jouissance de L femme, cest bien assurément parce que cest là que je pointe que Dieu na pas encore fait son exit.
Alors voici à peu près ce que jécrivais à votre usage, je vous écrivais quoi, en somme, la seule chose quon puisse faire dun peu sérieux, la lettre damour.
Les supposés psychologiques grâce à quoi tout ceci a duré si longtemps, eh bien, je suis de ceux qui ne leur font pas une bonne réputation. On ne voit pas pourtant pourquoi le fait davoir une âme serait un scandale pour la pensée si cétait vrai. Si cétait vrai, lâme ne pourrait se dire, cest ça que je vous ai écrit, que de ce qui permet à un être, à lêtre parlant pour lappeler par son nom, de supporter lintolérable de son monde, ce qui la suppose dy être étrangère, cest-à-dire fantasmatique. Ce qui cette âme ne ly considère, ly dans ce monde, que de sa patience et de son courage à y faire tête, tout ceci saffirme de ce que jusquà nos jours elle na, lâme, jamais eu dautre sens.
Eh bien, cest là que le français doit mapporter une aide, non pas comme il arrive dans la langue quelquefois, dhomonymie, de ce deux,
d apostrophe avec le deux d-e-u-x, de ce que avec le peut p-e-u-t, p-e-u il peut peu, qui est tout de même là bien pour nous servir à quelque chose et cest là que la langue sert. Lâme en français, au point où jen suis, je ne peux men servir quà dire que cest ce quon âme : jâme, tu âmes, il âme, vous voyez là que nous ne pouvons nous servir que de lécriture, même à y inclure jamais jâmais.
Son existence donc à lâme peut être certes mise en cause, cest le terme propre à se demander si ce nest pas un effet de lamour. Tant en effet que lâme âme lâme, il ny a pas de sexe dans laffaire, le sexe ny compte pas. Lélaboration dont elle résulte est hommo avec deux m, hommosexuelle, comme cela est parfaitement lisible dans lhistoire. Et ce que jai dit tout à lheure de ce courage, de cette patience à supporter le monde, cest le vrai répondant de ce qui fait un Aristote déboucher dans sa recherche du Bien comme ne pouvant se faire que de ladmission de ceci que dans tous les êtres qui sont au monde, il y a déjà assez dêtre interne si je puis mexprimer ainsi, que ils ne peuvent, ahh ! cet être lorienter vers le plus grand être, que confondre son bien, son bien propre avec celui même dont rayonnerait lÊtre Suprême.
Quà lintérieur de cela, il nous évoque la fila/philia comme représentant la possibilité dun lien damour entre deux de ces êtres, cest bien là ce qui, à manifester la tension vers lÊtre Suprême, peut aussi bien se renverser du mode dont je lai exprimé, à savoir que cest le courage à supporter cette relation intolérable à lÊtre Suprême que les amis, les floi /philoi/ se reconnaissent et se choisissent. Lhors-sexe de cette éthique est manifeste au point que je voudrais lui donner laccent que Maupassant lui donne, à quelque part énoncer cet étrange terme du Horla. LHorsexe, voilà lhomme sur quoi lâme spécula. Voilà !
Mais il se trouve, il se trouve que les femmes aussi sont âmoureuses, cest-à-dire quelles âment lâme. Quest-ce que ça peut bien être que cette âme quelles âment dans le partenaire, pourtant hommo jusquà la garde, et dont elles se sortiront pas ? Ça ne peut en effet les conduire quà ce terme ultime,
et cest pas pour rien que je lappelle comme ça steron /usteron que ça se dit en grec, de lhystérie, soit de faire lhomme comme je lai dit, dêtre de ce fait hommosexuelles, si je puis mexprimer ainsi, ou horsexe elles aussi. Leur étant difficile de ne pas sentir dès lors limpasse qui consiste à ce quelles se mêment dans lautre,
car enfin il ny a pas besoin de se savoir autre pour en être,
puisque là doù lâme trouve à être, on len diff, on len différencie, elle la femme, et ça dorigine nest-ce pas, on la diffâme. Ce quil y a de plus fameux dans lhistoire à rester des femmes, cest à proprement parler tout ce quon peut en dire dinfamant. Il est vrai quil lui reste lhonneur de Cornélie, mère des Gracques. Mais cest justement ce qui pour nous autres analystes, jai pas besoin de parler de Cornélie à laquelle les analystes ne songent guère, mais parlez à un analyste dune Cornélie quelconque, il vous dira que ça réussira pas très bien à ses enfants, les Gracques ! Ils feront des gracques jusquà la fin de leur existence.
Cétait ça le début de ma lettre, cétait un âmusement ! oui
Alors bien sûr, là jaurais pu, je lai fait dailleurs, mais j ai pas le temps, ouais, jai refait une allusion à cet amour courtois, à cet amour courtois où quand même, au point où cen était parvenu, cet âmusement hommosexuel, au point où ça en était parvenu était tombé dans la suprême décadence, dans cette espèce de mauvais rêve impossible dit de la féodalité. À ce niveau de dégénérescence politique, il est évident quil devait paraître quelque chose, et ce quelque chose cest justement la perception que la femme de ce côté-là, il y avait quelque chose qui ne pouvait plus du tout marcher.
Alors linvention de lamour courtois, cest pas du tout le fruit de ce quon a lhabitude, comme ça dans lhistoire de symboliser de la thèse, de lantithèse et de la synthèse, il ny a pas la moindre synthèse, bien entendu il ny en a jamais. Tout ce quon a vu après lamour courtois, cest cest cest quelque chose qui a brillé comme ça dans lhistoire, comme un météore resté complètement énigmatique, et puis après ça, on a vu revenir tout le bric-à-brac, tout le bric-à-brac dune renaissance prétendue des vieilleries antiques.
Oui il y a là une petite parenthèse, cest que quand un fait deux, il n y a jamais de retour, ça ne revient pas à faire de nouveau un, même un nouveau. LAufhebung, cest encore un de ces jolis rêves de la philosophie. Cest très évidemment, si on a eu ce météore de lamour courtois, cest évidemment dun troisième, chu dune tout autre partition quest venu ce quelque chose, qui a rejeté tout à sa futilité première, ouais.
Cest pour ça quil a fallu tout à fait autre chose, il a fallu rien de moins que le discours scientifique, soit quelque chose qui ne doit rien aux supposés de lâme antique, pour quen surgisse ce quest la psychanalyse nest-ce pas, à savoir lobjectivation de ce que lêtre, dêtre parlant, passe encore de temps à parler en pure perte je vous lai dit, passe encore de temps à parler pour cet office des plus courts, des plus courts dis-je, de ce fait quil ne va pas plus loin que dêtre en cours encore, cest-à-dire le temps quil faut pour que ça se résolve enfin, car après tout cest là ce qui nous pend au nez, pour que ça se résolve enfin démographiquement, ouais. Il est bien clair que cest pas ça du tout qui arrangera les rapports de lhomme aux femmes. Cest ça le génie de Freud, cest que puisquil a été porté par ce tournant, ce tournant enfin il a mis le temps bien sûr, je veux dire mis le temps à venir, il y a eu un Freud, cest un nom qui mérite bien nest-ce pas, Freud, enfin cest un nom rigolard Kraft durch freudige, cest, cest le son le plus rigolard de la sainte farce de lhistoire. On pourrait peut-être, pendant que ça dure, en voir un petit éclair, un petit éclair de quelque chose qui concernerait lAutre, lAutre en tant que cest à ça que que La barré de la femme, L femme a à faire, ouais.
Il y a quelque chose dessentiel dans ce que japporte comme complément à ce qui a été très bien vu, vu par des voies que ça éclairerait de voir que cest ça qui sest vu, ce qui sest vu cest rien que du côté de lhomme, à savoir que ce à quoi lhomme avait à faire,
cétait à lobjet petit a. Que toute sa réalisation de ce rapport sexuel, aboutissait au fantasme, et on la vu bien sûr à propos des névrosés. Comment les névrosés font-ils lamour, cest de là quon est parti. Là-dessus, bien sûr, on na pas pu manquer de sapercevoir que il y avait un corrélat avec les perversions, ce qui, ce qui vient à lappui de mon petit a, puisque le petit a, cest celui qui, quelles quelles soient lesdites perversions, en est là comme cause, on a dabord vu ça, cétait déjà pas mal.
Lamusant nest-ce pas cest que, cest que Freud les a primitivement attribuées à la femme. Cest, cest, cest très, très amusant de voir ça dans les Trois essais . Cest vraiment une confirmation enfin que, quon voit dans le partenaire quand on est homme, exactement ce dont on se supporte soi-même si je puis mexprimer ainsi, dont on se supporte narcissiquement.
Heureusement, il y a eu dans la suite des fois loccasion de sapercevoir que les perversions cest, les perversions telles quon les appréhende dans la névrose telles quon croit les repérer, cest pas du tout ça la névrose. Cest le rêve plutôt que la perversion, la névrose, jentends. Que les névrosés nont aucun des caractères du pervers cest certain, simplement ils en rêvent, ce qui, ce qui, ce qui est bien naturel, car sans ça comment atteindre au partenaire.
Des pervers, on a commencé quand même à en rencontrer nest-ce pas, ceux-là que ne voulaient absolument à aucun prix voir Aristote 127. On a vu là quil y a une subversion de la conduite appuyée si je puis dire sur un savoir-faire, qui est lié tout à fait à un savoir et au savoir mon Dieu de la nature des choses, un embrayage direct si je puis dire, de la conduite sexuelle sur, il faut bien le dire, ce qui est sa vérité à la conduite sexuelle, à savoir son amoralité. Mettez de lâme au départ là-dedans si vous voulez : âmoralité.
Il y a une moralité, voilà la conséquence, une moralité de la conduite sexuelle qui est le sous-entendu de tout ce qui sest dit du Bien. Seulement à force de dire, de dire du bien, eh bien ça aboutit à Kant, où la moralité en deux mots cette fois, la moralité avoue ce quelle est, et cest ce que jai cru devoir avancer dans un petit article, « Kant avec Sade », elle avoue quelle est Sade la moralité. Vous écrirez Sade comme vous voudrez, soit avec un grand S, pour faire un hommage à ce pauvre idiot qui, qui nous a donné là-dessus dinterminables écrits, soit avec un petit s pour dire que cest en fin de compte sa façon à elle dêtre agréable nest-ce pas, puisque cest un vieux mot français128 qui veut dire ça, soit mieux c-cédille-a-d-e <çade>, à savoir que la moralité, il faut tout de même bien dire que ça se termine au niveau du ça, et que ceci est assez court. Autrement dit que ce dont il sagit, cest que lamour soit impossible, ouais, et que le rapport sexuel sabîme dans le non-sens, ce qui ne diminue en rien lintérêt que nous pouvons avoir pour lautre.
Cest parce que, il faut le dire, la question est ceci, la question est ceci dans ce qui constitue la jouissance féminine, pour autant quelle nest pas toute occupée de lhomme, et même dirai-je, que comme telle elle ne lest pas du tout, la question est de savoir justement ce quil en est de son savoir.
Si linconscient nous a appris tant de choses, cest dabord ceci, quelque part dans lAutre ça sait, ça sait parce que ça se supporte justement de ces signifiants dont se constitue le sujet. Cest là que ça prête à confusion, parce que il est difficile à qui âme de ne pas penser que tout par le monde sait ce quil a à faire. La sphère immobile dont se supportait le dieu aristotélicien qui est demandée par Aristote pour suivre son Bien à son image si je puis dire, cest parce quelle est censée savoir son bien. Seulement là cest justement quelque chose dont après tout la faille du discours scientifique, je ne dirai pas nous permet, nous oblige à nous passer. Il ny a aucun besoin de savoir pourquoi,
ce dont Aristote part à lorigine,
nous navons plus aucun besoin de savoir que,
imputer à la pierre quelle sait le lieu quelle doit rejoindre pour nous expliquer les effets de la gravitation. Limputation à lanimal, cest très sensible à lire dans Aristote le traité De lâme 129, cest cette pointe qui fait du savoir lacte par excellence, de quoi, de quelque chose que, il ne faut pas croire quAristote était si à côté de la plaque, de quelque chose quil voit comme nétant rien que le corps, à ceci près que le corps est fait pour une activité, une nrgeia/energeia, et quelque part lentéléchie 130 de ce corps peut se supporter de cette substance quil appelle lâme.
Lanalyse, à cet égard, prête à cette confusion de nous restituer la cause finale, de nous faire dire que tout, tout ce qui concerne au moins lêtre parlant, la réalité est comme ça, cest-à-dire fantasmatique.
Pour quelle soit comme ça, il sagirait tout de même de savoir si c est là quelque chose qui, dune façon quelconque, puisse satisfaire au discours scientifique.
Ce nest pas parce quil y a des animaux qui se trouvent parlants, pour qui dhabiter le signifiant, il résulte quils en sont sujets et que tout pour eux se joue au niveau du fantasme même, dun fantasme parfaitement désarticulable
dune façon qui rende compte de ceci quil en sait beaucoup plus quil ne croit quand il agit lui, il ne suffit pas quil en soit ainsi pour que nous ayons là lamorce dune cosmologie, cest léternelle ambiguïté du terme inconscient nest-ce pas. Linconscient est supposé sous prétexte que lêtre parlant, il y a quelque part quelque chose qui en sait plus que lui et bien sûr ce qu il sait a des limites, bien sûr, lêtre de linconscient. Mais enfin ça nest pas là un modèle recevable du monde. En dautres termes, cest pas parce quil suffit quil rêve pour quil voie ressortir cet immense bric-à-brac, ce garde-meubles avec lequel il a, lui, particulièrement à se débrouiller, ce qui en fait assurément une âme, et une âme à loccasion aimable quand quelque chose veut bien laimer.
La femme ne peut aimer en lhomme ai-je dit que la façon dont il fait face au savoir dont il âme, mais pour le savoir dont il est, la question se pose. La question se pose à partir de ceci quil y a quelque chose, si ce que javance est fondé, quil y a quelque chose dont il nest pas possible de dire si ce quelque chose qui est jouissance, elle peut quelque chose en dire, en dautres termes ce quelle en sait.
Et cest là où je vous propose au terme de cette conférence daujourdhui, cest-à-dire comme toujours jarrive au bord de ce qui polarisait tout mon sujet, cest à savoir si la question peut se poser de ce quelle en sait. Ce nest pas une toute autre question, à savoir si ce terme dont elle jouit au-delà de tout ce jouer qui fait son rapport à lhomme, si ce terme que jappelle lAutre en le signifiant du A barré, si ce terme, lui, sait quelque chose, car cest en cela quelle est elle-même sujette à lAutre, tout autant que lhomme. Est-ce que lAutre sait ?
Il y avait un nommé Empédocle dont, comme par hasard Freud se sert de temps en temps comme dun tire-bouchon, il y avait un nommé Empédocle dont nous ne savons là-dessus que trois vers mais dont Aristote tire très bien les conséquences quand il énonce quen somme pour Empédocle, le Dieu, le Dieu était le plus ignorant de tous les êtres et ceci très précisément de ne point connaître la haine. Cest ce que les chrétiens plus tard ont transformé dans des déluges damour, malheureusement ça ne colle pas, parce que ne point connaître la haine cest ne point connaître lamour non plus. Si Dieu ne connaît pas la haine, il est clair pour Empédocle quil en sait moins que les mortels. De sorte quon pourrait dire que plus lhomme peut prêter à la femme à confusion avec Dieu, cest-à-dire ce dont elle jouit, moins il hait,
les deux orthographes h-a-i-t et e-s-t,
et dans cette affaire aussi, puisquaprès tout il ny a pas damour sans haine, moins il aime.
Notes
127 Dautres versions ont établi : « ceux-là que ne voulait absolument à aucun prix voir Aristote» ce qui intervertit le sujet et le complément dobjet de la phrase.
128 sade adjectif représente laboutissement du latin impérial sapidus « qui a du goût de la saveur » et au figuré « sage et vertueux » dérivé du latin classique sapere et qui a par ailleurs abouti, par une forme populaire, à sage. Ladjectif sorti dusage au XVII siècle, sest employé en ancien et moyen français avec le sens propre du latin pour qualifier ce qui est savoureux agréable en parlant des choses et charmant, gracieux en parlant des personnes. Dictionnaire Robert historique de la langue française.
129 Aristote, De lâme, Paris, Garnier Flammarion, 1993.
130 Entéléchie est un emprunt au bas latin entelechia « état de parfait accomplissement de lêtre », emprunt au grec dAristote entelekheia « énergie agissante et efficace » par opposition à la matière inerte. Cest un dérivé de entelekhês « qui a sa fin en soi ». Dictionnaire Robert historique de la langue française.
Bibliographie
- Aristote, De lâme, Flammarion, Paris, 1993.
- Aristote, Éthique de Nicomaque, Vrin, Paris, 1990.
- Guy de Maupassant, Le Horla, coll Bouquins tome 2, Robert Laffont, Paris, 1988, p.877 à 984.
- Sigmund Freud, Trois essais sur la théorie du sexuel , La Transa, Paris, 1982.
- Jacques Lacan, « Kant avec Sade » in Écrits, Paris, Seuil, 1966,p. 765 à 790.
Index des noms cités
- Aristote p.6, 10, 11
- Empédocle p.12
- Freud p.3, 10, 12
- Kant p.11
- Koyré p.5
- La Fontaine p.2
- Les Gracques p.9
- Maupassant p.8
- Sade p.11