Mardi 26 juin 1973
Grâce à quelquun qui veut bien se consacrer, comme ça, au brossage de ce que je vous raconte, il est là au premier rang, jai eu il y a quatre, cinq jours, la truffe brossée dans mes élocutions ici, je parle de celles de cette année. Ça mintéressait parce quaprès tout, sous ce titre dEncore, je nétais pas sûr dêtre dans le champ que jai déblayé pendant vingt ans, puisque justement ce que ça disait cétait que ça pouvait durer encore longtemps. À le relire, jai trouvé que cétait pas si mal, et spécialement, mon Dieu, dêtre parti de ceci qui me paraissait un peu mince pour le premier de mes séminaires de cette année, cest que la jouissance de lAutre nétait pas le signe de lamour. Cétait un départ. Un départ sur lequel peut-être je pourrai revenir aujourdhui en fermant ce que jouvrais là.
Jai en effet quelque peu parlé de lamour. Mais le point pivot de ce que jai avancé cette année concerne ce quil en est du savoir dont jai accentué que lexercice ne pouvait représenter quune jouissance. Cest là la clef, le point tournant, et cest à quoi je voudrais aujourdhui contribuer par une sorte de réflexion sur ce qui se fait de, de tâtonnant dans le discours scientifique, au regard de ce qui peut se produire de savoir. Je vais droit à ce dont il sagit. Le savoir cest une énigme, c est une énigme qui nous est présentifiée par linconscient, tel quil sest révélé par le discours analytique, et qui sénonce à peu près ainsi, cest que pour lêtre parlant le savoir cest ce qui sarticule. De ça on aurait pu sen apercevoir depuis un bon bout de temps puisquen somme, à tracer les chemins du savoir, on ne faisait rien quarticuler toutes sortes de choses qui pendant longtemps se sont centrées sur lêtre, dont il est évident que rien nest, sinon dans la mesure où ça se dit que ça est.
S2, jappelle ça. Il faut savoir lentendre. Est-ce bien deux que ça parle ? Parce quaprès tout, si nous partons du langage, il est généralement énoncé que le langage ça sert à la communication. Communication à propos de quoi, faut-il se demander, à propos de quels eux ? La communication implique la référence. Seulement il y a une chose qui est claire, je prends là les choses par le bout de, de létude scientifique du langage, le langage cest l effort fait pour rendre compte de quelque chose qui na rien à faire avec la communication, et qui est ce que j appelle lalangue. Lalangue sert à de toutes autres choses quà la communication. Cest ce que lexpérience de linconscient nous a montré en tant quil est fait de lalangue, cette lalangue dont vous savez que je lécris en un seul mot pour désigner ce qui est notre affaire à chacun à légard de ce qui, pour nous, est la langue, la langue dite maternelle, et pas pour rien dite ainsi. La communication, elle, si on voulait un peu la rapprocher de ce qui sexerce effectivement dans la jouissance de lalangue, ça serait quelle implique quelque chose à savoir la réplique autrement dit le dialogue. Mais comme je lai autrefois, pas spécialement cette année, comme je lai autrefois expressément articulé, il ny a rien de moins sûr que lalangue ça serve dabord et avant tout au dialogue.
Jai pu, comme ça recueillir au passage parce quil arrive que me viennent sous la main des choses dont jai entendu parler depuis bien longtemps, jai donc eu sous la main le travail, un livre important dun nommé Bateson 151 dont on mavait rebattu les oreilles, assez pour magacer un peu, parce qu à vrai dire ça venait de quelquun qui avait été touché de la grâce dun, dun certain texte de moi et qui lavait traduit, traduit en ajoutant autour quelques commentaires, et qui avait cru, dans le Bateson en question, trouver quelque chose qui allait sensiblement plus loin que ce que javais, javais cru devoir énoncer concernant linconscient, linconscient ai-je dit structuré comme un langage. Ce nest pas si mal ce nommé Bateson. Ça va bientôt se traduire, Dieu merci, ça permettra comme ça de voir jusquà quel point il sinsère admirablement dans ce que je dis, dans ce que je dis concernant linconscient, linconscient dont lauteur, faute de savoir quil est structuré comme un langage, dont lauteur se démontre comme nayant quune assez médiocre idée. Mais il faut dire que il y a des choses quil a forgées dans de très jolis artifices, et quil appelle lui-même des métalogues. Mmh !. Cest pas mal. Cest pas mal pour autant que, comme il le dit lui-même, ces métalogues comporteraient, sil faut len croire, quelque sorte de progrès, interne, dialectique qui consisterait justement à ne se produire que dinterroger lévolution du sens dun terme. Il en réalise lartifice, bien sûr, comme il sest toujours fait dans tout ce qui sest intitulé dialogue, des dialogues platoniciens entre autres, cest-à-dire à faire dire par linterlocuteur supposé tout ce qui en somme motive la question même du locuteur, cest à savoir à incarner dans lautre la réponse qui est déjà là. Cest bien en quoi le dialogue, le dialogue classique, dont les plus beaux sont présentés par le legs platonicien, cest bien en quoi le dialogue classique se démontre nêtre pas un dialogue.
Si jai dit que le langage, cest ce comme quoi linconscient est structuré, cest bien parce que le langage dabord ça nexiste pas. Le langage cest ce quon essaye de savoir concernant la fonction de lalangue. Cest bien ainsi que le discours scientifique laborde, à ceci près que ce qui lui est difficile cest de, cest de le réaliser pleinement, car linconscient cest le témoignage, le témoignage d un savoir en tant quil échappe pour une grande part à lêtre qui donne loccasion de sapercevoir jusquoù vont les effets de lalangue. Cest en effet, cest vrai, cest en effet que cet être rend compte par toute sortes daffects qui restent énigmatiques, ce qui résulte de cette présence de lalangue en tant que, de savoir, elle articule des choses qui vont beaucoup plus loin que tout ce que lui-même, à titre de savoir énoncé, il supporte. Le langage sans doute est fait de lalangue, cest une élucubration de savoir sur lalangue elle-même, mais linconscient est un savoir, un savoir-faire avec lalangue. Ce quon sait faire avec lalangue dépasse en dautres termes de beaucoup ce dont on peut rendre compte au titre du langage, mais il pose la même question qui est posée par le terme de langage, il est sur la même voie à ceci près quil va déjà beaucoup plus loin, quil anticipe sur la fonction du langage que lalangue nous affecte dabord par tout ce quelle comporte comme effets qui sont affects, et si lon peut dire que linconscient est structuré par, comme un langage cest très précisément en ceci que ses effets de lalangue, déjà là comme savoir, comme savoir qui na rien à faire, va bien au-delà de tout ce que lêtre, lêtre qui parle est susceptible darticuler comme tel, cest bien en ça que linconscient, en tant quici je le supporte de son déchiffrage, que linconscient ne peut que se structurer comme un langage, comme un langage toujours hypothétique au regard de ce qui le soutient, à savoir lalangue, à savoir ceci même qui fait que tout à lheure jai pu de mon S2 faire une question et demander, est-ce bien deux, en effet, quil sagit dans le langage, autrement dit, le langage est-il seulement communication ?
La méconnaissance de ce fait qui a surgi de par le discours analytique a prêté, a prêté à ce dont je vais faire aujourdhui le pivot de ma question sur le savoir, a prêté à ceci que dans les bas-fonds de la science, il ait surgi cette grimace qui consiste à interroger comment lêtre peut savoir quoi que ce soit. Il est comique de voir comment cette interrogation prétend à se satisfaire. J en prendrai comme exemple ceci que puisque la limite, je lai posée dabord, est faite de ceci quil y a des êtres qui parlent, on se demande ce que peut bien être le savoir de ceux qui ne parlent pas. On se le demande. On ne sait pas pourquoi on se le demande, mais on se le demande quand même, et on fait, pour des rats, un petit labyrinthe grâce à quoi on espère être sur le chemin de ce que cest quun savoir. Quest-ce qui arrive alors ? On espérait être sur ce chemin parce quon espère quil va montrer quelle capacité il a pour apprendre, quelle capacité il a pour apprendre, apprendre à quoi, à ce qui lintéresse bien sûr, et lon suppose que ce qui lintéresse, supposition qui nest pas absolument infondée, ce doit être, puisquon le prend, ce rat, non pas comme être, mais bel et bien comme corps, ce qui suppose quon le voit comme unité, comme unité ratière. On ne se demande absolument pas ce qui peut soutenir lêtre du rat, encore que depuis toujours on avait bien eu lidée que lêtre, que lêtre ça devait contenir une sorte de, de plénitude qui lui soit propre, puisque cest de là que dans le premier abord de ce quil en était de lêtre on était parti, à savoir que lêtre cest un corps. On avait élucubré toute une hiérarchie, toute une échelle des corps, et on était parti, mon Dieu, de cette notion que chacun devait bien savoir ce qui le maintenait à lêtre. Autrement dit, on nétait pas allé plus loin que cette idée que il y était maintenu par quelque chose qui devait être son bien, qui devait lui faire plaisir.
Mais comment se fait-il, quest-ce quil y a eu comme changement dans le discours pour que tout dun coup on interroge, on interroge cet être sur le moyen quil aurait de se dépasser, à savoir den apprendre plus, quil nen a besoin dans son être pour survivre comme corps. Grâce au montage du labyrinthe et à quelques accessoires, cest à savoir que le labyrinthe naboutit pas seulement à la nourriture mais à quelque chose comme un bouton ou un clapet dont il faut que le sujet supposé de cet être trouve le truc pour accéder à sa nourriture. Autrement dit, on transforme la question dun savoir en la question dapprendre. Est-ce quun rat, non plus considéré dans son être mais dans son unité, car tout va aboutir au pressage du bouton, cest la même chose sil sagit de la reconnaissance de quelque trait auquel on concevra qu alors lêtre est susceptible de réagir, quil sagisse dun trait lumineux ou dun trait de couleur, et lon constatera quaprès une série dessais et erreurs, trials and errors, comme vous savez ça sappelle, on a laissé la chose en anglais vu ceux qui se sont trouvé frayer cette voie concernant le savoir, on va voir si le taux des trials and errors, combien de temps ce taux va se mettre à diminuer assez pour que s enregistre que lunité ratière est capable dapprendre quelque chose.
Ce qui nest posé que secondairement comme question cest la question que je pose, cest ceci, cest si lunité, lunité ratière en question, va apprendre à apprendre. Cest là que gît le vrai ressort de lexpérience, est-ce quun rat, une fois que il a subi ou que cesse cette épreuve, mis en présence dune épreuve du même ordre, nous verrons tout à lheure ce quest cet ordre, est-ce quil va apprendre plus vite, ce qui se matérialise aisément par une décroissance du nombre dessais qui sont nécessaires pour que le rat sache comment il a à se comporter dans tel montage, appelons montage lensemble du labyrinthe et des clapets et des boutons qui, dans cette occasion, fonctionnent.
Il est clair que la question a été si peu posée, quoi qu elle lait été bien sûr, quon na même pas songé à interroger la différence quil y a selon que celui qui apprend à apprendre au rat en question, selon que celui-ci est ou non le même expérimentateur. En dautres termes, ce qui est laissé de côté cest ceci, cest que ce quon propose au rat comme thème pour démontrer ses facultés dapprendre, si ça surgit de la même source ou de deux sources différentes, car si nous nous reportons à ceci que lexpérimentateur, il est bien évident que cest lui qui là-dedans sait quelque chose, cest même avec ce quil sait quil invente le montage du labyrinthe, des boutons et des clapets. Sil nétait pas quelquun pour qui le rapport au savoir est fondé sur un certain rapport qui est, je l ai dit, pourquoi ne pas le répéter, dhabitation ou de cohabitation avec la lalangue, il est clair quil ny aurait pas ce montage, et que tout ce que lunité ratière apprend en cette occasion cest à donner un signe, un signe de sa présence dunité. Que ce soit le bouton ou autre chose, lappui de la patte sur ce signe, que ce soit bouton ou bien clapet, que le clapet soit reconnu, reconnu il ne lest que par un signe, cest toujours en faisant signe que lunité accède à ce dont on conclut quil y a apprentissage. Mais, mais ce rapport qui est en somme dextériorité, dextériorité telle que rien ne confirme qu il puisse y avoir saisie du mécanisme à quoi aboutit la poussée sur le bouton, comment ne pas saisir que la question est dimportance, et de la plus haute importance, que cest la seule qui compterait, cest à savoir sil ny a, dans ces successifs mécanismes à propos de quoi lexpérimentateur peut constater non seulement qu il a trouvé le truc, mais quil a, seule chose qui compte, appris la façon dont ça se prend, quil a appris ce qui est apprendre. Il est clair que, je dirai la, la cohérence, la symbiose que réalise une telle expérience, si nous tenons compte de ce quil en est du savoir inconscient, ne peut pas manquer dêtre interrogée à partir de ceci que ce quil faut savoir cest comment lunité ratière répond à ce qui na pas été cogité à partir de rien par lexpérimentateur. Quen dautres termes, on ninvente pas nimporte quelle composition labyrinthique, que le fait que ça sorte du même expérimentateur ou de deux expérimentateurs différents ça mérite dêtre interrogé, et rien dans ce que jai pu recueillir jusquà présent de cette littérature nimplique que ce soit dans ce sens que la question ait été posée. Mais lintérêt de cet exemple ne se limite pas à ce fait, à ce fait dinterrogation qui laisse entièrement intacts et différents ce quil en est du savoir et ce quil en est de lapprentissage. Ce quil en est du savoir pose des questions et nommément celle-ci de comment ça senseigne. Il est bien clair que la question de comment ça senseigne, à savoir la notion dune science entièrement centrée sur ceci du savoir qui se transmet, se transmet intégralement, cest elle qui a produit dans ce quil en est du savoir, ce tamisage grâce à quoi un discours qui sappelle le scientifique sest constitué. Il sest constitué non pas du tout sans de nombreuses mésaventures. Si cette année jai rappelé où il a pu surgir, cela nest certainement pas sans quait été feinte, fingere, fingo, dit Newton, non fingo, croit-il pouvoir dire, hypotheses non fingo, je ne suppose rien, et ce nest pas par hasard que cette année jai spécifié que c est bien sur une hypothèse, au contraire que tout tourne que la fameuse révolution qui nest point du tout copernicienne mais newtonienne a joué, elle a joué sur ceci qui est de substituer à un ça tourne un ça tombe. C est lhypothèse newtonienne comme telle, quand il la reconnue dans le ça tourne astral des cycles, quil a bien marqué que cest la même chose que de tomber. Mais pour le constater, ce qui une fois constaté permet déliminer lhypothèse, il a bien fallu que dabord il la fasse cette hypothèse.
La question dintroduire un discours scientifique concernant le savoir cest de linterroger là où il est, ce savoir, et ce savoir là où il est ceci veut dire linconscient en tant que cest dans le gîte de lalangue que ce savoir repose. Je fais remarquer que linconscient, je ny entre pas plus que Newton sans hypothèse. Lhypothèse que lindividu qui en est affecté, de linconscient, cest le même qui fait ce que jappelle le sujet dun signifiant. Ce que jénonce sous cette formule minimale quun signifiant représente un sujet pour un autre signifiant. Je réduis, autrement dit, lhypothèse selon la formule même qui la substantifie, à ceci que lhypothèse est nécessaire au fonctionnement de lalangue. Dire quil y a un sujet ce nest rien dautre que dire quil y a hypothèse. La seule preuve que nous en ayons est ceci, que le sujet se confonde avec cette hypothèse, et que ce soit lindividu, lindividu parlant qui le supporte, cest que le signifiant devienne signe. Le signifiant en lui-même nest rien dautre de définissable quune différence, une différence avec un autre signifiant. Cest lintroduction comme telle de la différence dans le champ qui permet dextraire de lalangue ce quil en est du signifiant. Mais à partir de là, et parce quil y a linconscient, à savoir lalangue en tant que c est de cohabitation avec elle que se définit un être appelé lêtre parlant, que le signifiant peut être appelé à faire signe, et entendez ce signe comme vous lenten , comme il vous plaira, soit le mot signe, soit le t-h-i-n-g, de langlais thing, à savoir la chose. Le signifiant, si dun sujet en tant que signifiant il fait le support formel, il atteint quelque chose dautre en tant quil laffecte. Un autre, un autre que ce quil est tout crûment lui comme signifiant, un autre fait sujet ou du moins passe pour lêtre. Cest en cela quil est, et seulement pour lêtre parlant, quil se trouve être comme étant, cest-à-dire quelque chose dont lêtre est toujours ailleurs comme, comme le montre le prédicat. Le sujet nest jamais que ponctuel et évanouissant, il nest sujet que par un signifiant et pour un autre signifiant.
Cest ici que nous devons revenir à ceci quaprès tout, par un choix dont on ne sait pas ce qui la guidé, Aristote a pris le parti de ne donner pas dautre définition de lindividu que le corps. Le corps en tant quorganisme, en tant que ce qui se maintient comme Un, et non pas en tant que ce qui se reproduit. Il est frappant de voir quentre lidée platonicienne et la définition aristotélicienne de lindividu comme fondant l être, la différence est proprement celle autour de quoi nous sommes encore, cest à savoir la question qui se pose au biologiste, à savoir comment un corps se reproduit. Car cest bien là ce dont il sagit dans toute tentative de chimie dite moléculaire, cest à savoir comment il se fait quen combinant un certain nombre de choses dans un bain unique, quelque chose va se précipiter qui fera quune bactérie par exemple se reproduira comme telle.
Le corps, quest-ce donc ? Est-ce ou nest-ce pas le savoir de lUn ?
Le savoir de lUn se révèle ne pas venir du corps, le savoir de lUn, pour le peu que nous en puissions dire, le savoir de lUn vient du signifiant Un, car le signifiant Un vient-il du fait que le signifiant comme tel ne soit jamais que lun entre autres, référé comme tel à ces autres, et comme en étant la différence davec les autres La question est si peu résolue jusquà présent que jai fait tout mon séminaire de lannée dernière pour interroger, mettre laccent sur ce ya dlUn. Quest-ce que veut dire ya dl Un. Ce que veut dire ya dlUn est ceci que permet de repérer larticulation signifiante que de Un entre autres, et il sagit de savoir si cest quel quil soit, se lève un S1, un essaim de signifiants, un essaim bourdonnant lié à ceci que ce Un de chaque signifiant avec la question de est-ce deux que je parle, ce S1 que je peux écrire dabord de sa relation avec S2, eh bien cest ça qui est lessaim.
S1 (S1 (S1 (S1 ---------------- S2 )))
Vous pouvez en mettre ici autant que vous voudrez, cest lessaim dont je parle. Le signifiant comme maître, à savoir en tant quil assure lunité, lunité de cette copulation du sujet avec le savoir, cest cela le signifiant maître, et cest uniquement dans lalangue, en tant quelle est interrogée comme langage, que se dégage, et pas ailleurs, que se dégage lexistence de ce dont ce nest pas pour rien que le terme stoikeion , stoieon, élément, soit surgi dune linguistique primitive, ce nest pas pour rien, le signifiant Un nest pas un signifiant quelconque, il est lordre signifiant en tant quil sinstaure de lenveloppement par où toute la chaîne subsiste.
Jai lu récemment un travail de quelquun qui sinterroge à propos de la, ce quelle prend pour une relation qui est celle du S1 avec le S2, à savoir relation de représentation, le S1 serait en relation avec le S2 pour autant quil représente un sujet. La question de savoir si cette relation est asymétrique, antisymétrique, transitive ou autre, à savoir si le sujet se transfère du S2 à un S3 et ainsi de suite, cest une question qui est à reprendre, à reprendre à partir du schème que jen donne ici. Le Un incarné dans lalangue est quelque chose qui justement reste indécis entre le phonème, le mot, la phrase, voire toute la pensée, cest bien ce dont il sagit dans ce que jappelle signifiant maître, cest le signifiant Un, et ce nest pas pour rien que lavant-dernière de nos rencontres, jai amené ici pour lillustrer le bout de ficelle, le bout de ficelle en tant quil fait ce rond, ce rond dont jai commencé dinterroger le nud possible avec un autre. Je nirai pas plus loin aujourdhui puisque nous avons, grâce à une question en somme extérieure, question de notre abri ici, puisque nous avons été privés dun de ces séminaires cest quelque chose que je reprendrai dans la suite éventuellement.
Limportant, pour virer, faire tourner ici le volet, limportant de ce qua révélé le discours psychanalytique consiste en ceci, ceci dont on sétonne quon ne voie pas la fibre partout, cest que ce savoir qui structure dune cohabitation spécifique ce quil en est de lêtre qui parle, ce savoir a le plus grand rapport avec lamour. Car ce dont se supporte tout amour est très précisément ceci, dun certain rapport entre deux savoirs inconscients.
Si jai énoncé que le transfert cest le sujet supposé savoir qui le motive, ce nest là que point dapplication tout à fait particulier, spécifié de ce qui est là dexpérience, et je vous prie de vous rapporter au texte de ce que jai énoncé ici sur le choix de l amour. Cest au milieu de cette année que je lai fait. Si jai parlé de quelque chose à ce propos cest en somme de la reconnaissance, la reconnaissance à des signes qui sont ponctués toujours énigmatiquement, de la façon dont lêtre est affecté, en tant que sujet, de ce savoir inconscient.
Sil est vrai quil ny a pas de rapport sexuel parce que simplement la jouissance, la jouissance de lAutre prise comme corps, que cette jouissance est toujours inadéquate, perverse dun côté en tant que lAutre se réduit à lobjet petit a, je dirai folle de lautre, pour autant que ce dont il sagit cest de la façon énigmatique dont se pose cette jouissance de lAutre comme telle. Est-ce que ce n est pas de laffrontement à cette impasse, à cette impossibilité définissant comme tel un réel, quest mis à lépreuve lamour en tant que du partenaire il ne peut réaliser que ce que jai appelé, par une sorte de, de poésie pour me faire entendre, ce que jai appelé le courage au regard de ce destin fatal. Est-ce bien de courage quil sagit ou des chemins d une reconnaissance, dune reconnaissance dont la caractéristique ne peut être rien dautre que ceci, que ce rapport dit sexuel devenu là rapport de sujet à sujet, à savoir du sujet en tant quil nest que leffet du savoir inconscient, de la façon dont ce rapport de sujet à sujet cesse de ne pas sécrire.
Ce cesser de ne pas sécrire, vous le voyez, ce nest pas formule que jai avancée au hasard. Si je me suis complu au nécessaire comme à ce qui ne cesse pas de ne pas, ne pas sécrire, qui ne cesse pas, ne cesse pas de sécrire 152 en loccasion, le nécessaire nest pas le réel, cest ce qui ne cesse pas de sécrire. Le déplacement de cette négation qui pose, qui nous pose au passage la question de ce quil en est de la, la négation, quand elle vient prendre la place dune inexistence, si le rapport sexuel répond à ceci dont je dis quil, non seulement, il ne cesse pas de ne pas sécrire, cest bien de cela et de lui dans loccasion quil sagit, quil ne cesse pas de ne pas sécrire, quil y a là impossibilité, cest aussi bien que quelque chose ne peut non plus le dire, cest à savoir quil ny a pas dexistence dans le dire de ce rapport.
Mais que veut dire, que veut dire de le nier ? Y a-t-il daucune façon légitimité de substituer une négation à lappréhension éprouvée de linexistence ? Cest là aussi une question quil sagira pour nous damorcer. Le mot interdiction veut-il plus dire, est-il plus permis, cest ce qui non plus ne saurait, dans limmédiat, être tranché. Mais lappréhension de la contingence telle que je lai déjà incarnée de ce cesse de ne pas sécrire, à savoir de ce quelque chose qui, par la rencontre, la rencontre il faut bien le dire de symptômes, daffects, de ce qui chez chaque individu marque la trace de son exil, non comme sujet mais comme parlant, de son exil de ce rapport, est-ce que ce nest pas dire que cest seulement par laffect qui résulte de cette béance que quelque chose dans tout cas où se produit lamour, que quelque chose qui peut varier infiniment quant au niveau de ce savoir, que quelque chose se rencontre qui, pour un instant, peut donner lillusion de cesser de ne pas sécrire, à savoir que quelque chose non seulement sarticule mais sinscrive, sinscrive dans la destinée de chacun, par quoi pendant un temps, un temps de suspension, ce quelque chose qui serait le rapport, ce quelque chose trouve chez lêtre qui parle, ce quelque chose trouve sa trace et sa voie de mirage. Quest-ce qui nous permettrait, cette implication, de la conforter ? Assurément ceci que le déplacement de cette négation, à savoir le passage à ce que tout à lheure j ai manqué si bien dun lapsus lui-même bien significatif, à savoir le passage de la négation au ne cesse pas de sécrire, à la nécessité substituée à cette contingence, cest bien là le point de suspension à quoi s attache tout amour. Tout amour de ne subsister que de cesser de ne pas sécrire tend à faire passer cette négation au ne cesse pas, ne cesse pas, ne cessera pas de sécrire. Et tel est en effet le substitut qui, par la voie de lexistence, non pas du rapport sexuel mais de linconscient qui en diffère, qui par cette voie fait la destinée et aussi le drame de lamour.
Vu lheure où nous sommes arrivés, et qui est celle où normalement je désire prendre congé, je ne pousserai pas ici les choses plus loin. Je ne pousserai pas les choses plus loin sauf à indiquer que ce que jai dit de la haine est quelque chose qui ne relève pas du même plan dont sarticule la prise du savoir inconscient, mais qui,
dans ce quil en est du sujet, du sujet dont vous le remarquez il ne se peut pas quil ne désire pas ne pas trop en savoir sur ce quil en est de cette rencontre éminemment contingente,
quil en sache plus, un peu plus,
que de ce sujet il aille à lêtre qui y est pris,
le rapport de lêtre, de lêtre à lêtre,
bien loin quil soit ce rapport dharmonie que depuis toujours, on ne sait trop pourquoi, nous ménage, nous arrange une tradition dont il est très curieux de constater la convergence, la convergence dAristote qui ny voit que la jouissance suprême, avec ce que la tradition chrétienne nous reflète de cette tradition même comme béatitude, montrant par là son empêtrement dans quelque chose qui nest vraiment quune appréhension de mirage. La rencontre de lêtre comme tel, cest bien là que par la voie du sujet lamour vient à aborder. Quand il aborde, j ai posé expressément la question, est-ce que ce nest pas là que surgit ce qui fait de lêtre, précisément quelque chose qui ne se soutient que de se rater. Jai parlé de rat tout à lheure, c était de ça quil sagissait, ce nest pas pour rien quon a choisi le rat, cest parce que le rat ça se rature, on en fait facilement une unité, et puis que dun certain côté, jai déjà vu ça dans un temps, comme ça javais un concierge quand jhabitais rue de la Pompe, le rat, il ne le ratait lui jamais, il avait pour le rat une haine égale à lêtre du rat.
Labord de lêtre, est-ce que ce nest pas là que réside ce qui en somme savère être lextrême, lextrême de lamour, la vraie amour, la vraie amour débouche sur la haine, assurément ce nest pas lexpérience analytique qui en a fait la découverte, la modulation éternelle des thèmes sur lamour en porte suffisamment le reflet.
Voilà je vous quitte. Est-ce que je vous dis à lannée prochaine ? Vous remarquerez que je ne vous ai jamais jamais dit ça, que je remarque aujourdhui, car cest de cela quil sagit, je remarque aujourdhui que je vous ai jamais dit ça. Plus exactement je porte à votre connaissance cette remarque, car moi je me suis toujours privé de la faire, pour une très simple raison cest que jai jamais su, depuis vingt ans que jarticule pour vous des choses, jai jamais su si je continuerai lannée prochaine. Ah, ça, ça fait partie de mon destin dobjet a. Alors, comme ben après tout, ces vingt ans enfin jen ai bouclé le cycle, après dix ans, on mavait en somme retiré la parole, et il se trouve comme ça que pour des raisons pour lesquelles il y avait eu une part de destin et aussi de ma part une part dinclination à faire plaisir à quelquun, jai continué pendant dix ans encore. Est-ce que je continuerai lannée prochaine ? Pourquoi pas arrêter là lencore ? Ce quil y a dadmirable cest que personne na jamais douté que je continuerai encore. Que je fasse cette remarque en pose pourtant la question. Il se pourrait après tout quà cet Encore jadjoigne un cest assez.
Eh bien ma foi, je vous laisse la chose à, à votre pari, parce quaprès tout, il y en a beaucoup qui croient me connaître et qui pensent que je trouve là-dedans une infinie satisfaction narcissique. À côté de la peine que ça me donne, je dois dire que ça me paraît, ça me paraît peu de choses. Faites vos paris, et puis quel sera le résultat, est-ce que ça voudra dire que ceux qui auront deviné juste, ceux-là maiment ? Eh bien cest justement ça le sens que je viens de vous énoncer aujourdhui, cest que de savoir ce que le partenaire va faire cest pas une preuve de lamour.
Notes
151 Bateson G., Perceval le fou, autobiographie dun schizophrène, Mayenne, Payot, 1976.
152 Voilà le lapsus dont Lacan parle quelques lignes plus loin, et quil corrige tout de suite.
Index
NOMS PROPRES
- Aristote [XIII, p. 5, 7]
- Bateson [XIII, p. 2]
- Newton [XIII, p. 4]
OUVRAGES CITÉS
- Bateson, G., Perceval le fou, autobiographie dun schizophrène. Mayenne, Payot, 1976. [XIII, p. 2]