Acheronta  - Revista de Psicoanálisis y Cultura
"La vérité romantique"
Louise Boland de Restrepo

Vendredi 30 octobre 1998

Avide de nouveautés, je musarde sur les ondes cybernétiques, je cherche des textes, des textes a traduire, des textes de la dernière heure, pour un cours de traduction français-espagnol... et je trouve une nouvelle revue (ORNICAR? Digital - No 2, du lundi 28 septembre 1998), dont voici l’éditorial :

"EDITORIAL

Ou pire, bien entendu. C’est la vérité romantique : tout va a vau-l’eau depuis la mathématisation du monde (depuis la Révolution Française qui en procède) ; le cosmos est par terre, les hiérarchies sont aplaties, l’argent est roi, la nature violée, l’homme numéroté, le désir piétine. Le monde ira de mal en pis jusqu'à la fin des temps. L’entropie augmente pendant que nous dansons sur Internet."

Remarque préliminaire :

Avant de proposer un texte aux élèves, j en fais d’abord une lecture que je dirais "légère", pour jauger l’affaire et avoir une première impression : cette étape appartient au domaine du subjectif, de la réaction affective. Mais cette réaction n est pas a négliger, elle n est pas née de rien, elle vient du subliminal, il faut l’analyser. D' ou les lectures successives qui devront suivre, lentes, lourdes, interrogatives, a la loupe, celles du chasseur a l' affût, ne laissant échapper aucun indice, afin de confirmer ou infirmer, asseoir ou démolir la première impression, pour comprendre quelle est la nature du texte.

 

COMMENTAIRE DU TEXTE "EDITORIAL":

1. "Ou pire, bien entendu".

Première lecture, première impression : excellente introduction, inattendue : une conclusion qui sert d’introduction ! C’est habile! "Le beau est ce qui étonne l’oeil", a écrit Baudelaire. Il faut voir si la suite est a la hauteur. .

2. "C’est la vérite romantique".

Première réaction : voila une phrase bien balancée, simple, presque solennelle: transcendantale...? Quelque chose me dit de me méfier.

Analyse un peu plus detaillee :

"La vérité romantique" : syntagme nominal compose d' un déterminant, d' un nom et d’un adjectif.

"La" : ce déterminant appartient a la sous-catégorie des articles. Il porte le signe (+ défini) et la grammaire traditionnelle le nomme "article défini".

Or, l’article défini offre deux possibilités d'interprétation quant au champ sémantique que recouvre le nom (signifiant) qu’il introduit :

[.1.] ou bien il indique que le signifie (ici : notion de VERITE) est pris dans sa valeur générique, générale. (ce n’est pas le cas ici car le nom vérité est suivi d’un adjectif qui en restreint le sens)

[.2.] ou bien il indique que le signifié (VERITE) est considéré dans son unicité : il est précis, unique. (c’est le cas ici, puisque l’adjectif précise, resserre, "définit" la notion dont on parle).

Donc il existe une vérité unique, précise et bien définie : c' est la vérité romantique.

"Romantique" : ce mot est ici employé comme adjectif qualificatif. Il est joint au signifiant vérité pour exprimer certaine qualité du signifie VERITE.

Quelle "qualité" de la notion de vérité indique l’adjectif romantique ?

Romantique est soit :

[.1.] tout ce qui touche a la sensibilité, a l’imagination, l'émotion, la rêverie, l’exaltation.

[.2.] ce qui appartient a l'école des "Romantiques".

Le "romantique" dont il est question ici pourrait appartenir aussi bien a la première catégorie qu’a la seconde: rien dans l’analyse grammaticale ne permet de lever l'ambiguïté ; il faudra donc recourir au contexte.

"Vérité" : Le concept de VERITE a fait a lui seul l’objet de toutes les polémiques depuis au moins ... Aristote ! Pour les spécialistes des sciences humaines, historiens, philosophes, etc., il faudra considérer la vérité de X, celle de Y, de Z ou de tel ou tel courant de pensée.

Et donc, une vérité romantique serait concevable, la vérité romantique ne l’est pas.

Première conclusion :

"C’est la vérité romantique", la phrase est belle, c est sur! Mais a la regarder de plus près, donc, nous avons fait surgir des soupçons : ne serait-elle que beauté apparente ? Et si elle n' était que beauté apparente, elle serait vide de sens? Et si elle était vide de sens, elle servirait a donner "une apparence de solidité a ce qui n’est que du vent." (George Orwell) ? Or, donner "une apparence de solidité a ce qui n’est que du vent", n’est-ce pas le propre du langage politique ? (toujours Orwell).

Traducteur, attention, nous sommes sur du verglas : oser, ne pas oser penser qu íl s agit de rhétorique pure ? Il est sage d' hésiter. Arrêtons-nous un instant.

( Rhétorique : art de bien parler, technique de mise en oeuvre des moyens d’expression au service de la persuasion.) De la persuasion ?

"Ou pire, bien entendu".

Pour traduire, il faudra infirmer ou confirmer ce début de soupçon, afin de lever dans le bon sens les ambiguïtés possibles. Poursuivons donc notre lecture "légère", celle des premières réactions.

3. "Tout va a vau-l’eau depuis la mathématisation du monde (depuis la Révolution française qui en procède)."

Est-ce un anathème ? Tout va a vau-l’eau a cause de la mathématisation du monde? Et doit-on penser "a bas la Révolution française." ? C’est bien possible, car, depuis ces terribles événements...:

4. "le cosmos est par terre" : Oh ! Ptolemée, Copernic, Kepler, Gallilee, Newton, etc., ...vous accuserait-on d’avoir démystifié le cosmos ?

5. "les hiérarchies sont aplaties" : C’est la tradition, a la mort du roi, on crie "Vive le Roi!" et l’ancienne hiérarchie fait place a une nouvelle. Mais ici, l’auteur semble vouloir dire qu’une fois Louis XVI exécute, il n y a plus de roi, et s il n y a plus de roi, alors...:

6. "l’argent est roi" ? Allons, bon! Il faudrait savoir si les hiérarchies sont "aplaties", ou si elles sont "remplacées". "Aplaties": anéanties, il n y en a plus, elles ont disparu, il n y a plus de roi. Mais si l’argent est roi? Alors, on tourne en rond.

Il y a du flou dans l’expression, c’est le moins qu’on puisse dire.

7. "la nature est violée, l’homme numéroté" : Lavoisier, Berthollet, Carnot, Buffon, Monge, Lagrange, Fontenelle, Reaumur, D’Alembert, Newton, Fahrenheit, ... Descartes, etc. : de votre manie du numéro aurait procédé la Révolution française...! Retournez-vous dans vos tombes : vous auriez viole la nature, vous auriez numéroté l’homme, ce serait donc par votre faute que...:

8. "le désir piétine" (ou bien qu il "est piétiné", -le message Internet ne me permet pas la lecture du mot piétine, mon programme ne transmet pas les accents du français- ce qui ne change pas grand-chose a l’affaire car que le désir piétine, ou qu’il soit piétiné, de toutes façons il est réduit a néant) ?

9. Et voici la prophétie du nouveau messie : "Le monde ira de mal en pis jusqu'à la fin des temps." Condamnes. Peuples de la terre, nous sommes condamnes. L’Apocalypse jette sur nous sa menace,

10. "l’entropie augmente", le Titanic s’enfonce, le chaos s’empare "[du] monde" (plus modestement : de notre planète Terre, évidemment).

11. "pendant que nous dansons sur Internet".

Qui est cet aruspice aux funestes pressages ? Il s’appelle Jacques-Alain Miller, il publie a lui tout seul une "Revue électronique multilingue de psychanalyse" (c’est justement le "multilingue" qui m’avait attirée!), a Paris, "parution quotidienne (verbomanie ?), du lundi au vendredi". Il nomme sa revue "L’orientation lacanienne du Champ freudien ". Et il danse sur Internet.

J’aime Internet : sur les pistes glissantes de la cybernétique, plus de Pere Ubu, plus de piédestaux, on se refile des adresses, tout le monde communique avec tout le monde, tout le monde lit tout le monde, tout le monde critique tout le monde. La démocratie totale, l aimable désordre de la démocratie. Et je vais pouvoir lancer sur les ondes mon petit grain de sel. Mais auparavant, je veux vérifier le bien-fondé de mes premières impressions et la curiosité me pousse a poursuivre ma lecture:

PSYCHOSE ORDINAIRE ET CLINIQUE FLOUE

par Jacques-Alain Miller (Paris)

I. Au premier temps, a Arcachon, nous avons commence - c'était aléatoire, c'était presque en désespoir de cause comme je l’ai rappelé - par des surprises, par nos surprises. C'était dire implicitement que nous nous confrontions a une certaine routine ou a un certain classicisme, et nous voulions distinguer des moments ou des cas qui s’enlevaient sur le fond d’un ordre, causant notre surprise. Donc, d'emblée, nous nous sommes situes, même sans le savoir, dans un rapport avec une routine ou une norme, un ordre préalable, pour isoler les surprises.

II. Nous avons persévéré au second temps, nous avons choisi pour thème "Cas rares". Au fond, peut-être avons-nous voulu alors donner un concept des surprises. Toujours est-il que nous avons ete conduits a expliciter notre référence a la norme classique des psychoses, et du coup a la mettre en question bien plus radicalement qu’auparavant.

III. Nous nous retrouvons aujourd’hui a la Convention, troisième temps. En lisant les travaux, j’ai eu le sentiment que ce que nous avions aborde sous l'espèce des cas rares, nous l’abordions maintenant sous celle des cas fréquents. Nous nous sommes aperçus que ce que nous avions désigné comme des cas rares par rapport a notre norme de référence, disons la "Question préliminaire", nous savions très bien par ailleurs que, dans la pratique quotidienne, c'étaient des cas fréquents. Dans ce volume de la Convention, nous assumons leur statut de cas fréquents.

IV. Voila donc comment je me représentais notre chemin tâtonnant. Nous n’avons pas du tout la clef de ce que nous faisons, je ne sais pas si vous vous en êtes aperçus, mais c’est absolument comme ca tout le temps, hein ? On n’a pas la clef. C’est après coup que l’on s'aperçoit de ce qui a chemine. Je pense que de "surprises" a "cas rares", et a aujourd’hui ou nous n’avons pas mis un titre - nous en avons mis trois, donc nous n’en avons pas mis un, c’est indiscutable - , c’est cela qui a chemine : nous sommes passes de la surprise a la rareté, et de la rareté a la fréquence. De telle sorte que je me disais : comment appellera-t-on le volume ? On ne va pas mettre "Neo-déclenchemenmt, neo-conversion, neo-transfert". Va-t-on mettre "Les neo-psychoses" ? Avons-nous vraiment envie de lier notre élaboration a la neo-psychose ? Cela ne me plaît pas du tout, la neo-psychose. Et je me disais : finalement, c’est la psychose ordinaire.

V. Dans l’histoire de la psychanalyse, on s’est intéressé tout naturellement a la psychose extraordinaire, aux gens qui cassaient vraiment la baraque. Schreber tient toujours l’affiche chez nous depuis combien de temps ? On croit toujours que voila les dix dernières. Pas du tout ! A la saison suivante, Schreber est toujours la. Plus ou moins insistant, mais enfin, c’est comme Charles Trenet si vous voulez [rires], il est la, il ne cesse pas. Ca, c’est la psychose extraordinaire.

VI. Alors que la, nous avons des psychotiques plus modestes, qui réservent des surprises, mais qui peuvent, on le voit, se fondre dans une sorte de moyenne : la psychose compensée, la psychose supplémentée, la psychose non-déclenchée, la psychose qui évolue, la psychose synthomée - si l’on peut dire.

VII. Nous sommes aux prises avec deux points de vue contrastes, qui ne sont pas totalement exclusifs l’un de l’autre.

VIII. Dans un premier abord, il y a une discontinuité entre la psychose et le normal, celui-ci incluant aussi bien la névrose normale, si l’on veut. Donc deux classes tranchées qui font partie de la norme, du b, a, ba de ce qu’on enseigne a partir de Lacan.

IX. Selon un second point de vue, on soustrait la continuité du psychotique et du normal, on rétablit une continuité. C’est ce qui justifie ce que Genevieve Morel est allée chercher dans la sagesse asiatique revue par Francois Julien : le "variationnel". Le psychotique franc, comme le normal, sont des variations - qu’est-ce qu’on va dire ? - de la situation humaine, de notre position de parlant dans l'être, de l’existence du parlêtre.

X. L’avantage de ce point de vue, on le connaît, et Lacan l’a exploite. Il a surtout beaucoup d’avantages pour traiter la névrose. C’est établir un certain "nous égaux", tous égaux devant la condition humaine. Le psychotique n’est pas une exception, et le normal n’en est pas une non plus. Cette égalisation, Lacan a souvent essaye de l’obtenir, justement quand il était existentialiste, dans ses "Propos sur la causalité psychique" : rappeler au psychiatre qu’il n’est pas d’essence différente du fou qu’il traite.

XI. C’est précisément cette égalité qui nous conduit a parler des modes, modes de jouissance et autres ? On parle de modes précisément une fois que l’on a fait disparaître la discontinuité des classes. Tous égaux devant la jouissance, tous égaux devant la mort, etc. alors on distingue, non pas des classes, mais des modes, qui sont des variations. Des lors, on fait sa place a l’approximation.

XII. Si l’Autre existe, on peut avoir des critères. Dans les situations ou l’Autre existe, il y a des critères, des "repartitoires" selon les mot de Damourette et Pichon, que Lacan doit employer une fois ou deux et que j’aime bien.

XIII. Mais quand l’Autre n’existe pas, on n’est pas simplement dans le "oui ou non", mais dans le "plus-ou-moins", en espagnol le "mas-o-menos".

XIV. Et voila. C’est d’ailleurs la vérité. Je me disais : quelle est la vérité des choses humaines ? Enfin, je me le disais comme ca,, bon [rires]. Quelle est la vérité des choses humaines ? Finalement, c’est la courbe de Gauss. Ou qu’on aille, ou qu’on soit, tout se présente, l'être parlant se présente comme une courbe de Gauss. Aux extrémités, c’est oppose, et puis il y a une cloche de plus-ou-moins. C’est toujours comme ca, ou qu’on aille, et quoi que l’on considère. Donc, je me disais : c’est la solution de tous nos maux. Le réel des choses, le symbolique réel des choses, si je puis dire, se présente sous la forme de l’image de la courbe de Gauss.

XV. Ici, par exemple, c’est sur, la courbe de Gauss est la [rires]. Si l’on teste nos opinions sur quelque chose, on obtiendra une courbe de Gauss, on le sait d’avance.

XVI. C’est au bout de cette ligne magique qu’il y le "sur et certain" comme on dit. Ou plutôt, décomposons un peu le sur-et-certain : il y a le certain. Le certain est très rare. C’est vraiment un cas rare, surtout dans notre domaine. Lacan réservait la certitude a son matheme de l'hystérie. Et puis, il y a la sur mais pas certain, comme dit Lacan. C’est un autre degré : on sait ca comme ca, mais on ne peut pas le démontrer, le mettre en formule. Et puis, il y a le "pas sur". Nous, nous travaillons dans le pas sur. Nous nageons dans le pas sur. C’est notre pature si je puis dire, notre paturage.

XVII. On peut lire notre volume - peut-être pas tout le volume, mais a peu près tout le volume, plus-ou-moins, et se dire "oh ! Eh bien ! Ce n’est pas sur. Finalement ce n’est pas sur.

XVIII. Avec Lacan, on se dit tout le temps ; "C’est dur, c’est sur". Mais comme il ne dit pas la meme chose après, on est un peu embêté avec ce "C’est sur".

XIX. Donc finalement, ce n’est pas sur. "Ce n’est pas sur", je trouve que c’est la réplique universelle. Dans notre domaine, on peut toujours lever la main, et dire :"Ce n’est pas sur, ca". Tout repose sur le ton avec lequel on va le dire, la conviction, enfin, l’objet petit "a" qu’on logera dans ce signifiant. "Ce n’est pas sur. Non. Vraiment pas."

XX. C’est sans doute pour cette raison aussi que l’on a commence par les surprises, parce que l’on peut dire : "Ca, c’est sur, ca m’a surpris".

XXI. Alors, rapprochons-nous de ce que nous sommes, et de ce que nous disons. Par exemple, hier soir, sur la Croisette, je parlais avec des collègues au dîner. L’un d’eux, tout a fait éminent, verse dans la théorie et tout, disait - je le lui ai fait remarquer - : "Oh ! J’ai une patiente un peu psychotique. "[rires] Nous parlons comme cela en effet. C’est de l’a peu près.

XXII. Un mathématicien s’est beaucoup intéressé a l’a peu près, qui était justement de l'équipe de soutien de Lacan, de son SOS-mathématiques, Guilbaud. Il a fait un livre de ses leçons sur l’a peu près. J’en ai d’ailleurs suivi certaines jadis, a la Maions des Sciences de l’Homme.

XXIII. Une version assez facile a manier, très opératoire, qui a fait beaucoup causer, est la théorie des ensembles flous de M. Zadeh, dont j’ai parle a l'époque. Elle permet de distinguer des degrés d’appartenance a un ensemble. Dans la langue justement, elle rend compte des modalisations que l’on peut toujours faire.

XXIV. La Croisette, comme la Promenade des Anglais a Nice, ou les Planches de Deauville, est non seulement le lieu ou l’on se fait voir, mais ou l’on discute le bout du gras. C’est en raison de la pensée approximative.

XXV. Evidemment il ne faut pas en faire ses délices. C’est justement parce que nous sommes condamnes dans la pratique a la pensée approximative qu’il faut maintenir notre postulation vers le matheme. C’est justement parce que nous sommes dans la pensée approximative que Lacan nous a dit : "Regardez par la, regardez vers le matheme". Même si nous ne pouvons faire que des quasi-mathemes, regardons tout de même dans cette direction-la.

XXVI. La pensée approximative elle-même a aussi ses mathemes. Et d’autre part, la conversation est nécessaire même aux mathématiciens. Il n’y a pas les mathématiques si les mathématiciens ne parlent pas entre eux. Il leur faut la conversation pour savoir quoi chercher, quels mathemes sont intéressants, prometteurs, démodés. Bref, il leur faut "une croisette des mathemes".

XXVII. Ne croyez pas que j'exagère. Il faut savoir qu’en France - j’ai appris cela pendant les vacances - il y a tout un réseau de villégiatures absolument délicieuses, mais qui n’accueillent vraiment que les sciences dures. J’ai dit : "On ne pourrait un jour se glisser la ?" [rires] - "Ah ! oui, la psychanalyse, hum..." Les physiciens et les mathématiciens sont accueillis et traites comme des coqs en pâte, mais nous, non. Donc durcissons, durcissons notre connaissance.

NOTE PRELIMINAIRE SUR LA METHODOLOGIE A SUIVRE DANS L’ACTE DE TRADUCTION:

Pour traduire, il faut:

1. classer le texte, (Oh ! Numérotation...) : poétique, littéraire, publicitaire, politique, scientifique, technique, etc.  Car une expression "impropre", ou une forme "incorrecte", peut être belle, métaphorique, etc. dans un texte littéraire. Elle risque d'être géniale, dans un texte publicitaire. Elle est plus difficile a admettre dans un texte scientifique. Elle est de première importance dans la production d’un psychotique. Cette classification permet de juger de la pertinence des éléments d’ordre linguistique et d’orienter l’action du traducteur.

2. régler au moyen de consultations les problèmes de lexicologie.

3. relever les ambiguïtés.

a. Sont-elles dues a des imprécisions ou impropriétés d’ordre lexicologique?

1.Sont-elles rares ou nombreuses ?

1’: rares: a attribuer a la fatigue de l’auteur ou du rapporteur? En général, le traducteur corrige, a moins qu’il s’agisse d’un lapsus dont l’analyse dévoilerait des richesses intéressantes.

1": nombreuses: le traducteur doit leur trouver un équivalent dans la langue cible L 2, et signaler qui en est l’auteur.

2. volontaires ou involontaires ?

2’ : volontaires. L’expression sera alors a classer dans la catégorie des effets "littéraires", "poétiques", etc. Dans ce cas, le traducteur doit montrer la volonté de l’auteur et trouver un équivalent dans la langue d’arrivee L 2.

2": involontaires. Si rares: en général, le traducteur corrige. Si nombreuses, elles sont une preuve de difficultés d’expression verbale, le traducteur doit les retransmettre dans L 2, en signalant leur origine, afin de délimiter les responsabilités.

b. Sont-elles dues a des "fautes" de syntaxe?

Même raisonnement que pour a. On aura alors:

1. rares: corriger
nombreuses: transmettre

2. volontaires: transmettre
involontaires: si rares, corriger. Si nombreuses, transmettre.

Ce travail préparatoire, souvent long, permet de "lire" le texte a ses différents niveaux car il faut détecter les messages a transmettre : l'époque, les caractéristiques de l’auteur, son niveau de langue, ses capacités de logique, ses idées et leur enchaînement (ou leur non-enchainement!); car pour bien dire dans la langue L 2, il faut bien lire la langue L 1 ( capter le dit et le non-dit ).

PREMIERE LECTURE DU TEXTE "PSYCHOSE ORDINAIRE ET CLINIQUE FLOUE"

1. IMPRECISIONS D’ORDRE LEXICAL :

1.a. "Au premier temps" : C’est Jacques Brel qui chante "Une valse a trois temps". Expression technique appartenant au jargon musical. Je sais bien que nous dansons sur Internet, mais il n’en reste pas moins que dans un contexte qui se veut scientifique, l’expression détonne. Elle dépasse les limites de la modalisation possible et tombe donc dans "l'impropriété".

Un peu plus bas, on retrouve la même "impropriété":: "au second temps". La répétition est insistante : elle indique la volonté de l’auteur. Donc: genre littéraire (ou poétique).

Le "troisième temps" apparaît seul, sans préposition : La répétition n’est donc pas due a la recherche d’un effet de style, travail du rythme, de la musicalité, etc. Donc nous ne sommes pas devant un texte litteraire.

Encore une fois, on tourne en rond. Décidément, la danse continue.

1.b. "des cas qui s'enlèveraient sur le fond d’un ordre" : je ne comprends pas. S’agit-il d’une simple faute de frappe et on devrait lire : "des cas qui s'élèveraient sur le fond d’un ordre" ? A moins qu’il faille réellement "enlever" un cas etc. Mais on n'enlève pas quelque chose sur, on l'enlève de...Veut-on dire: des cas qui se détachent sur un fond de...?

Cette phrase est ce qu’on appelle en jargon de traduction un "os", il va falloir passer du temps sur un détail qui semble au départ de peu d’importance, mais... sait-on jamais?

1.c. "dans un premier abord" : les dictionnaires indiquent : "au premier abord" et non "dans".

1. Est-ce "au premier abord", c'est-à-dire, au départ, au début, quand on aborde le thème pour la première fois ?

2. Ou bien s’agit-il d’un point de vue, d’un angle sous lequel on observe la chose ?

L'ambiguïté sera levée un peu plus bas, car l’auteur écrit : "selon un second point de vue". Donc nous sommes dans le cas 1.c.2. : au premier abord. Donc il y faute de français.

1.d. "il a surtout beaucoup d’avantages pour traiter la névrose".

On dit d’une dame qu’elle a des avantages. On dit d’une méthode qu’elle présente des avantages.

Ici : qui est-ce qui a des avantages ? "le second point de vue". Il y a lapsus. Soyons indulgents et admettons que le second point de vue présente beaucoup d’avantages : mais la phrase reste boiteuse car on voit mal un point de vue traiter une névrose.

Que faire, a la traduction? Nous en sommes déjà a la quatrième "faute". Sommes-nous déjà dans la catégorie des fautes nombreuses, involontaires, donc a transmettre dans L 2 ?

1.e. "C’est précisément cette égalité qui nous conduit a parler des modes, modes de jouissance et autres ?" : Le point d’interrogation qui termine cette phrase est curieux. Faute de frappe ?

A élucider.

1.f. "repartitoires" (Damourette et Pichon) :

Chercher si ce néologisme a déjà été traduit en espagnol. Si non, l’inventer... !

1.g. "le symbolique réel": quel est le substantif, quel est l’adjectif?

1. : si "symbolique" est substantif : le symbolique est réel.(En espagnol, on aura: lo simbólico real )

2. : si "réel" est substantif : le réel est symbolique.( En espagnol, on aura : lo real simbólico.)

1.h. "Le ton avec lequel" : les dictionnaires indiquent : parler sur un certain ton.

Transmettre l’erreur et signaler qui en est l’auteur par un (sic).

1.i. "le bout du gras" : les dictionnaires disent : "discuter le bout de gras".

Transmettre l’erreur et en signaler l’auteur.

Conclusion:

Apres une première lecture rapide, je trouve 9 impropriétés. C’est beaucoup. Il ne peut plus être question de corriger, il faut laisser a l’auteur la responsabilité de ses maladresses, signaler celles-ci dans le texte d’arrivee de L 2, afin de dégager la responsabilité du traducteur.

 

2. DU FLOU DANS L’EXPRESSION, LANGAGE NON "SCIENTIFIQUE"

( paragraphe I): presque en désespoir de cause - une certaine routine, un certain classicisme - (paragraphe 2) : au fond, peut-être - plus radicalement que...- (III) j’ai eu le sentiment que - nous savions très bien... nous assumons leur statut - (IV) je ne sais pas si... - c’est indiscutable, surprise, rareté, fréquence - je me disais...- avons-nous vraiment envie de...- cela ne me plaît pas du tout - finalement ( dans le sens d’une conclusion pas tout a fait sure) - (V) plus ou moins insistant - (VI) une sorte de - [...] (X). Beaucoup - un certain...(XII) on peut avoir des critères - que j’aime bien - XVI. C’est vraiment un cas rare - on sait ca comme ca - on ne peut pas le démontrer - XVI. Nous nageons dans le pas sur XVII. Peut-être pas tout - a peu près tout - plus ou moins - XVIII. On est un peu embêté. XIX. Tout repose sur le ton sur lequel on va le dire... .XX. C’est sans doute pour cette raison.. XXI. Tout a fait éminent,...la théorie et tout. XXV. Nous sommes condamnes.

Cette liste n’est pas exhaustive, il faudra d’autres lectures, pour confirmer, ajouter, retrancher. Mais déjà le démon me travaille et je suis prête a penser que s’il veut "durcir" quelque chose, l’auteur serait bien inspire de commencer par "durcir" son traitement du langage...

3. "ON"

Je trouve en tout 38 "on" dans ce texte: une quantité inusitée. "On" a la propriété d' être impersonnel, il remplace différentes personnes: je, nous, ils, tout le monde, n’importe qui, vous et moi. Le traducteur doit élucider la signification de chaque "on" car, dans le passage a l’espagnol, a chaque type de "on" correspond une traduction différente.

Quelques possibilités rencontrées dans ce texte:

ON = nous les psy. en general, nous les psy. de la Convention, les lacaniens, eux les historiens de la psychanalyse, eux les psy. de l’autre génération, vous et moi, le patient, les autres, tout le monde, nous les êtres humains, moi, les gens d un certain milieu (dans: l’on se fait voir sur la Croisette), et quelques "on" vraiment impersonnels (dans: comme on dit), etc.

Pauvre traducteur...on va s’amuser!

4. DANS QUELQUES PHRASES COHABITENT "je" et "nous" , "je"et "vous", "je" et "on". QUELLES SONT LEURS RELATIONS?

III. En lisant les travaux, j’ai eu le sentiment que ce que nous avions abordé...

IV. voila donc comment je me représentais notre chemin

nous n’avons pas du tout la clef de ce que nous faisons, je ne sais pas si vous vous en êtes aperçus

je pense que [...] nous n’avons pas mis un titre

je me disais: comment appellera-t-on le volume

avons-nous envie de lier notre élaboration....cela ne me plaît pas du tout.

XIX. je trouve que c’est la réplique universelle. Dans notre domaine, on peut toujours lever la main.

"Je" est normalement (grammaticalement) compris dans le groupe ["nous", "vous" et "on"], mais il occupe ici une position particulière: "j’ai eu le sentiment que..., je me représentais..., je pense que..., etc.": en face, le groupe apparaît comme en retard, ou en retrait. "Je" se désolidarise, il se veut a part dans le groupe. "Je" va même jusqu'à s’arroger le privilège d exprimer au groupe la distance qui les sépare ("je ne sais pas si vous vous en êtes aperçus").

Traducteur: cette place particulière de "Je" par rapport au groupe doit absolument passer dans le texte de la langue L 2.

 

5. "JE"

I. je l’ai rappelé

III. j’ai eu le sentiment que

IV. je me représentais, je ne sais pas si vous vous en êtes aperçus, je pense que, cela ne me plaît pas du tout, je me disais

XII. et que j’aime bien

XIV. si je puis dire

XIX. je trouve que

XXI. je parlais avec des collègues..., je le lui ai fait remarquer,

XXI. j’en ai suivi d’ailleurs quelques unes

XXIII. dont j’ai parle a l'époque

XXVIII. j’ai dit...

On assiste a une sorte de mise en avant du "je". C’est intéressant: il faudra transmettre dans le texte d’arrivee de L 2.

6. MISE EN AVANT...("ou pire, bien entendu".)

a. (V)."Schreber, ...c’est comme Charles Trenet, (rires)[...], il est la, il ne cesse pas."

Traduire par quelque chose qui suggère: "pas moyen de s’en débarrasser".

b. (IX) "ce que Genevieve Morel est allée chercher dans la sagesse asiatique revue par Francois Julien". Dans ce: "est allée chercher" il me semble sentir pointer une légère impertinence. Qu’allait-elle donc chercher si loin? Et (ou pire, bien entendu) : la sagesse asiatique "revue par". Pauvre petite : même pas de vraies archives a se mettre sous la dent. Inutile de dire que les conclusions qu’elle peut en tirer ne doivent pas valoir grand-chose...

c. (XXII): "Un mathématicien s’est beaucoup intéressé a l'à-peu-près, qui était justement de l' équipe de soutien de Lacan, de son SOS-mathématiques, (et la phrase s’allonge, et n'arrête pas de traîner..., que les trous de mémoire sont gênants! Enfin, heureusement, le déclic a lieu : Guibaud! ouf !)".

Ce Monsieur Guibaud n’a pas "écrit un livre sur ce sujet", il a "fait un livre de ses leçons". Il faudra traduire cette pointe de mépris, cette nuance a peine esquissée.

Et d’ailleurs, la nuance est-elle si légère ? Dans la phrase suivante, l’orateur réaffirme la position de supériorité qu’il pense occuper, quand il signale qu’il a "suivi certaines" [de ces leçons] ( attention: pas toutes, seulement "certaines", choisies; les autres manquaient d’interet?)

"jadis" (le mot ne s’emploie plus guère, il est joli, il fait un peu manière; il a pour antonyme "maintenant": maintenant, l’orateur ne suivrait plus ces quelques leçons?)

"a la Maison des Sciences de l’Homme" l’orateur a été un jeune homme sérieux, il situe sa jeunesse dans les hauts lieux de la science: cela sert toujours. On ne sait jamais, en cas de critique, on a des références.

Tous ces détails appartiennent au domaine du subliminal: il faudra être très délicat, a la traduction; tout en restant dans le sous-entendu, on doit faire passer le message perçu, on voit de plus en plus clairement qu’il est de première importance.

d. "Hier soir, sur la Croisette, je parlais avec des collègues, au dîner."

Dans "au dîner", on retrouve le ton manière de "jadis". Mais il y a plus important: 1) par sa position dans la phrase, "au dîner" reçoit l’accent tonique obligatoire en français a la fin du groupe phonique. 2) de plus, il est isolé, séparé du reste de la phrase par une virgule. Donc, "au dîner" bénéficie d’une double mise en relief.

Dîner sur la Croisette n’est pas permis a tout le monde. Sur arrière-fond de voitures gros calibre et hôtels de super-luxe, "je" parlait.

Les collègues, placés juste avant le fameux dîner, disparaissent, ils sont comme rapetissés par la proximité de tant fabuleux voisinage.

e. "L’un d’eux, tout a fait éminent" :

Remarque: on est éminent ou on ne l’est pas. "Tout a fait" en rajoute : ou bien l’auteur veut flatter le collègue, pour faire excuser ce qui va être dit (et qui est déjà pensé), ou bien "tout a fait" échappe a l’orateur et trahit encore une fois le style manière.

f. "verse dans la théorie et tout": dans la langue d’aujourd’hui, "verse dans" signifie: expérimenté et savant. Est-ce un hommage a la qualité du collègue? Non: car celui-ci est "verse dans la théorie et tout" . Que recouvre ce "et tout"? Cela veut-il dire: "La théorie et tout le bataclan"? Ca fait très chic de traiter la théorie avec cette désinvolture. En tout cas, ca permet, sans en avoir l’air, de donner un coup de pied dans les tibias de l’autre (celui qui verse dans la théorie!), ca place l’orateur au dessus de l'éminent collègue, et du coup, au dessus de l’auditoire. Mais l’auditoire a de la chance: quelques secondes après cette chiquenaude, l’orateur se le remet dans la poche, grâce a un "nous parlons comme cela en effet", qui le réintègre apparemment dans le "nous" - ce qui est faux, étant donne ce que j ai fait observer dans les paragraphes 4, 5 et 6.

7. ENCHAINEMENT DES IDEES

  1. A Arcachon, les cas observes nous sont apparus comme des "surprises" , face a la routine a laquelle nous étions habitues.
  2. Avec le temps, les "surprises" sont devenues des "cas rares" par rapport a la norme que nous commençons a mettre en question.
  3. Pour la Convention, les "cas rares" ne sont plus que des "cas fréquents".
  4. Je me disais que surprises, cas rares, cas fréquents, tout ca, finalement, c’est la psychose ordinaire.
  5. Les psychanalystes de la vieille école ont parle de "psychose extraordinaire".
  6. Alors que nous, nous pensons avoir affaire une psychose plus ou moins évoluée.
  7. Les deux points de vue s’excluent l’un l’autre.
  8. Pour les anciens, il y a discontinuité entre la psychose et le normal.
  9. Pour nous, il existe une continuité, les psychoses sont une suite de variations.
  10. Notre position présente des avantages: elle nous replace (nous, psychiatres) a pied d'égalité avec nos patients.
  11. S’il y a continuité, s’il n’existe que des variations, alors, il n’y pas de frontières définies, il y a "approximation".
  12. Si l’Autre existe, il y a possibilité d’utiliser des "repartitoires".
  13. Si l’Autre n’existe pas, c’est le règne du "plus-ou-moins",
  14. et tout se présente sous la forme d’une courbe de Gauss.
  15. Ici, dans cette salle, nous formons une courbe de Gauss (nous sommes tous plus ou moins psychotiques?).
  16. Le "certain", le "sur mais pas certain", le "pas sur". Les psy. nagent dans le "pas sur".
  17. A peu pres tout le volume de la Convention semble dire "ce n’est pas sur".
  18. Lacan dit: "c’est sur". Mais après, il dit le contraire. C’est embêtant.
  19. Finalement, l’important, c’est le ton sur lequel on dit: "ce n’est pas sur".
  20. Autres variations sur le "pas sur".
  21. Voila comment nous sommes: nous parlons dans l'à-peu-près
  22. Un mathématicien s’est beaucoup intéressé a l'à-peu-près (Guibaud) et même, il faisait partie de l'équipe SOS-Mathématiques de Lacan.
  23. De même, j’ai parle ailleurs de la théorie des ensembles flous, de M. Zadeh.
  24. Sur la Croisette, on discute aussi le quotidien, en raison de la pensée approximative.
  25. Nous sommes condamnés a la pensée approximative. C’est justement pourquoi Lacan nous a dit qu’il faut tendre vers le matheme. .
  26. Double affirmation: 1) la pensée approximative a ses mathemes , 2) de leur cote, les "durs" de la science (mathématiciens et physiciens) ont leur "Croisette". (un endroit ou ils bavardent sur: "savoir quoi chercher, quels mathemes sont intéressants, prometteurs, démodés".)
  27. Malgré notre réputation "d'approximatifs", essayons de nous infiltrer dans la Croisette des "durs", et pour y parvenir, "durcissons, durcissons".

8. PLAN DE L’ARTICLE:

De I. a XV.: Enchaînement qui montre que depuis Arcachon, un nouveau courant de pensée se fait jour, qui diffère de la norme ancienne: pour les nouveaux, en matière de psychologie, tout peut se résumer a une courbe de Gauss.

De XVI. a XXIV. Morceau de "littérature", désarticulé, flou, sur l'à-peu-près, l’approximation, le ton sur lequel on dit les choses, la Croisette. A remarquer au passage: un coup de griffe a Lacan, qui ne sait pas ce qu’il dit! (paragraphe XVIII).

De XXV a XXVII. La conclusion. En trois temps:

1. (XXV) Nous sommes "condamnes" a l’approximation. Lacan disait: "regardez vers le matheme". Or, nous, les approximatifs, nous ne pouvons faire que des quasi-mathemes

2. (XXVI) Mais la pensée approximative a aussi ses mathemes. Comme les mathématiques ont leur Croisette. Na!

3. (XXVII). Si les "durs" passent une partie de l'été dans un "réseau de villégiatures absolument délicieuses", ou ils ne s’interdisent pas de "discuter le bout de gras", pourquoi les "approximatifs" ne pourraient-ils pas un jour se glisser la?

Seulement voila, il y a un problème : pour fréquenter les sciences "dures", il faut montrer patte blanche. Alors, que faire ? Durcissons, durcissons, gesticule l’auteur.

9. MEDITATION

Apres cette première approche du texte, le traducteur avise se donnera le temps de laisser décanter ce qu’il pense avoir compris. Puis il se demandera si le jeu en vaut la chandelle, c'est-à-dire si le rapport entre difficultés rencontrées et résultats attendus est raisonnable. C’est ce que j’appelle le temps de la méditation, qui conduira a prendre une décision: accepter ou refuser le travail de traduction propose?

Je pense a la si jolie chanson de Charles Trenet:

"Une noix, qu’y a-t-il a l'intérieur d’une noix, quand elle est fermée?..."

Le vieux Charles Trenet, l'éternel, le sempiternel, a soulevé pour nous le voile qui nous cachait la poésie d’une noix! Avec son gentil sourire, il chante: elle est pleine de secrets, la noix! Quelle émotion, quand on l’ouvrira! Que va-t-on trouver? Du vide? Du pourri? Un ver? Un belle chair brillante qui attise la gourmandise? Vaudra-t-elle la peine d’avoir été ouverte?

Avec Lacan, pas de doute: on sait d’avance que ce sera un vrai casse-tête. Mais quand on a fini de décortiquer, apparaît ce qu’on attendait, une idée lumineuse: la récompense! Derrière son style hermétique et ses pirouettes quelquefois un peu snobs, on découvre une profondeur de réflexion et une sincérité peu discutables.

Avec J.A. Miller, que découvre-t-on? L’annonce d’une ère nouvelle, celle des "approximatifs". Que veulent-ils? "Savoir quoi chercher, quels mathemes sont intéressants, prometteurs, démodés".

Dans tout ceci, ou est la science? La dure, la vicieuse science, celle qui pousse le savant a chercher, questionner, s’abandonner sans résistance a la curiosité? Une curiosité qui mènera ou? Peu importe, l’important, c’est de gratouiller la réalité pour essayer de comprendre comment ca marche, sans jamais prendre en considération ni les chances de succès (les "mathemes intéressants, prometteurs"), ni -et surtout pas- la mode (ou le "démodé", ce qui revient au même).

Rendons a César ce qui est a César: je commence a penser que la revue, pour être fidèle a son contenu, devrait s’intituler :

"L’ORIENTATION MILLERIENNE DU CHAMP FREUDIEN"

P.S. : je précise que je ne suis ni psychologue, ni psychiatre, ni psychanalyste : je n’ai fait ici qu' un début d' analyse de texte, exercice préalable a tout essai de traduction qui se respecte. Car mon truc a moi, c est la traduction. Ce qui ne m' enlève pas le droit d’avoir mes petites opinions sur la valeur du texte a traduire et la respectabilité de son auteur. Je ne peux pas rester insensible au contenu et surtout, je veux que "traduire" soit un plaisir pour moi! Je ne veux pas traduire n' importe quoi.

Et ici, justement, je dois au lecteur d'être sincère: Jacques-Alain Miller n' est pas un inconnu pour moi. En janvier 1997, je lui ai fait parvenir par l'intermédiaire d’une personne sure qui voyageait a Paris, (et donc je suis "sure et certaine" que le texte a été remis en mains propres), (et j’ai eu ensuite des preuves que mon texte avait été lu...) une proposition de traduction en espagnol du texte de Jacques Lacan : "Lituraterre", un morceau de choix ! Mais aujourd’hui, 30 octobre1998, j’attends encore Sa réponse. Ce monsieur très important doit avoir d autres chiens a fouetter.

Je considère:

1) que je suis auteur, donc propriétaire intellectuelle, de ma traduction. J’ai quelques difficultés a comprendre pourquoi je devrais demander l' autorisation a une personne quelconque de publier ma traduction. (Voir le nouveau statut légal du traducteur face aux éditeurs).

2) que ma traduction n’est pas parfaite (y en a-t-il ?), mais je sais qu’elle n’est pas mauvaise non plus, certains proches de ce Monsieur Miller me l’ont fait savoir, avant de se rendre compte que j' étais en train de déclarer la guerre aux charlatans.

3) et puis, j’ai été très claire: ceci n’est qu’une proposition de traduction, que j’offre aux lacaniens de Paris pour connaître leur opinion, pour discuter. Alors, pourquoi leur silence ?...Pourquoi empêcher mes élèves, mes amis, mes collègues, de connaître, de discuter, de participer ? Je sais que j’habite une ville maudite (Medellin) dans un pays mis a l’index (la Colombie). Raison de plus pour lutter ( et, pourquoi pas? aider a lutter) contre la barbarie. Quant a moi, je suis prête a affronter les critiques, j’en ai pris le risque, j’ai jette un défi, car je crois que rien ne peut bouger sans polémiques ! Mais peut-il y avoir débat d'idées, si l’on nous met un sparadrap sur la bouche ? A moins que Lacan ne vaille pas la peine d'être connu du public hispanophone? A moins que...?

("Ou pire, bien entendu.", comme l' écrit si bien Monsieur Miller)

Je propose donc aux traducteurs la discussion sur l’essai de traduction suivant:

Lituratierra (*)

(Lituraterre)

de Jacques Lacan

Esta palabra se legitima del Ernout et Meillet (1): lino, litura, liturarius (2). Sin embargo, ella me vino a la mente por analogía con este juego de palabras que a veces sirve para hacer humor: el "contrepet"(3), que pronunciado por los labios se invierte a la escucha.

Aquel diccionario (hay que consultarlo) me augura auspicios de haber tenido fundamento cuando tomé como punto de partida (partir aquí en el sentido de repartir), el equívoco en el que Joyce se desliza cuando pasa de "a letter" a "a litter", de una carta (traduzco) hacia una basura.

Recordemos una cierta "misa-odio" (4) que le quería ayudar y le ofreció un psicoanálisis, como quien ofreciera una ducha. Y recordemos también a Jung...

En el juego que estamos evocando, él no habría ganado nada si hubiera ido directamente hacia lo mejor que se puede esperar del fin del psicoanálisis.

Cuando él transforma la carta en basura: ¿será que se acuerda de Santo Tomás, como lo testimonia su obra de principio a fin?

¿O será que el psicoanálisis prueba con eso su convergencia con lo que nuestra época deja ver del desenfreno que nos libera del antiguo lazo que represaba la polución en la cultura ?

Yo había fantaseado sobre esto, por casualidad, poco antes del Mayo del 68, para tener en cuenta a los despistados de entre esas masas que yo desplazo adonde voy, esa vez en Burdeos. La civilización, recordaba yo allá como premisa, es la alcantarilla.

Debo decir que quizás estaba harto de la basura a la que clavé mi destino. Aquí entre nos, se sabe que no soy el único en confesarlo.

Confesarlo o tenerlo (5), al que Beckett opone el débito desechado por nuestro ser, salva el honor de la literatura, y me libera del privilegio que yo podría creer tener por mi posición.

El problema consiste en saber si lo que los manuales (escolares) parecen exponer, a saber, que la literatura sería acomodación de los desechos, es asunto de poner en lo escrito lo que al principio sería canto, mito hablado, procesión dramática.

En cuanto al psicoanálisis, el hecho de que dependa del edipo no es lo que justifica su presencia en el texto de Sófocles. Y el hecho de que Freud haga alusión a un texto de Dostoïevski no es suficiente como para pretender que la crítica de texto, hasta entonces coto de caza del discurso universitario, haya recibido aire fresco por parte del psicoanálisis.

Aquí mi enseñanza se sitúa dentro de un cambio de configuración que ostenta un eslogan de promoción de lo escrito. Pero otros testimonios muestran un desplazamiento del interés: por ejemplo, es hoy cuando por fin se lee a Rabelais. Y me siento más de acuerdo con esta nueva tendencia.

Como autor estoy menos implicado en la literatura de lo que se piensa, y mis Escritos tienen un título más irónico de lo que se cree : porque se trata en ellos, o de informes, reportes de congresos, o, digamos, de "Cartas abiertas", donde me ocupo de un aspecto de mi enseñanza.

En todo caso, estoy lejos de comprometerme con ese manoseo literario que caracteriza al psicoanalista en pose de escritor; denuncio el intento de éste y creo indispensable demostrar que la práctica del psicoanálisis no otorga a aquél ninguna capacidad para motivar apreciación literaria alguna.

Sin embargo es muy significativo el hecho de que yo empiece los "Escritos" con un artículo (6) que aíslo de su cronología. Significativo también el hecho de que además, se trate de un cuento, y que este tenga la rara particularidad de no poder entrar en la lista ordenada de situaciones dramáticas: es el cuento de lo que sucede con el recorrido de una misiva, con el conocimiento que tienen de ella los que se la apropian. Y qué es lo que me permite decir que la misiva llegó a su destino después de que, con los rodeos que dio el cuento y su cuenta, se hayan apoyado el uno en el otro sin recurrir jamás a su contenido. Y es más diciente todavía el hecho de que el efecto que produce la misiva sobre cada uno de los que se la apropian y argumentan con el poder que pretenden recibir de ella, es entonces más diciente el hecho de que este efecto pueda ser interpretado - lo que hago - como una feminización.

He aquí la clara exposición de lo que distingue la carta del propio significante que conlleva. Por eso, la epístola no es ninguna metáfora. Puesto que el cuento consiste en que, por arte de birlibirloque, la carta se vuelve peripecia sin el mensaje.

Mi crítica, si quiere ser considerada como literaria, debe apuntar - en eso me esfuerzo - solamente hacia lo que convierte a Poe en un escritor: el hecho de haber concebido tal mensaje sobre la carta. Evidentemente, él no lo dice tal cual, lo que muestra suficiente y rigurosamente que es una confesión.

Sin embargo, esta elisión no puede ser elucidada por medio de algún rasgo de psicobiografía: eso nos llevaría a un callejón sin salida.

(Por eso, la psicoanalista que ha restregado los otros textos de Poe se da por vencida aquí en su oficio de aseadora).

Tampoco mi texto se podría elucidar con base en mi psicobiografía: por ejemplo, con base en el voto que yo elevaría de ser leído, por fin, correctamente. Porque para eso, se necesitaría explicar qué es lo que conlleva la carta (letra) (7), y que me hace pensar que llega siempre a su destino.

Es cierto, el psicoanálisis recibe algo de la literatura: nada extraordinario; pero a condición de tener sobre la represión como fuente una idea menos psicobiográfica.

Por mi parte, si propongo que el psicoanálisis considere la carta como "en espera", es precisamente porque en ese punto es donde muestra su fracaso. Por medio de esta imagen puedo sacar algo a la luz: cuando invoco la luz, es para mostrar dónde ésta se hace ausente (elle fait trou). Eso se sabe desde hace tiempo: nada más importante en la óptica. Y la más reciente física del fotón se basa en este fenómeno.

Es con este método como el psicoanálisis justifica mejor su intrusión: puesto que si la crítica literaria pudiese realmente renovarse, sería porque el psicoanálisis podría servir para apreciar los textos: significaría que el enigma se alojaría en él.

Lo que voy a decir no es malignidad: pretendo mostrar cómo algunos creen ejercer (el psicoanálisis), pero cómo en realidad son más bien ellos mismos obra de él y luego sorprendidos con las manos en la masa: por esa razón entienden mal mis propuestas.

Dirigiéndome a ellos, opongo verdad y saber: se apresuran en apuntar hacia la verdad creyendo que en eso consiste su oficio, cuando en realidad es su verdad la que pongo en el banquillo. Insisto (estoy afinando mi tiro): del mismo modo que se dice que una figura es proyectada (8), un saber fallido no es el fracaso del saber. Aprendo, allí donde algunos se creen eximidos de dar prueba de algún saber.

¿Sería pues letra muerta el hecho de que yo haya titulado uno de los textos que llamé Escritos ...: de la letra a la instancia, como razón del inconsciente ?

Insisto : e insistí cuando pillé en la letra lo que no está en ella con pleno derecho, a pesar de la fuerza de las apariencias. Decir de ella que está en el medio o en un extremo equivale a mostrar la bifidez a la que conduce toda medida. Pero, ¿ no hay nada en lo real que pueda prescindir de esta mediación? La frontera, ciertamente, separa dos territorios, y por eso es el símbolo de que son una sola cosa para quien la cruza : estos dos territorios tienen una medida común. Ese es el principio de la Umwelt que refleja la Innenwelt. Desgraciada, esa biología que de antemano se otorga todo desde el principio: entre otras cosas, el fenómeno de la adaptación. Sin hablar de la selección, franca ideología que se consagra a sí misma como siendo natural.

¿No será la letra más propiamente... litoral, es decir representando el hecho de que un territorio entero es frontera para otro territorio, porque los dos son ajenos hasta tal punto que no son recíprocos ?

El borde del agujero en el saber sería, por lo pronto, lo que la letra dibuja. ¿Cómo podría el psicoanálisis negar que este agujero es el goce - no se puede desconocer lo que dice la letra "a la letra", por su boca - cuando es justamente colmando el agujero como el psicoanálisis recurre en este caso a invocar el goce?

Queda por saber cómo el inconsciente, del cual digo que es efecto del lenguaje ya que éste constituye su estructura de manera necesaria y suficiente, dirige esta función de la letra.

Que la letra sea el instrumento propio de la escritura del discurso no la vuelve impropia para designar una palabra confundida con otra, o quizás hasta manejada por otra en la oración, para simbolizar entonces ciertos efectos de significante. Pero este hecho tampoco impone que la letra sea primaria en esos efectos.

No se necesita examinar esta primariedad (9) puesto que ni siquiera la consideramos como un supuesto; pero sí se necesita examinar lo que en el lenguaje atrae lo litoral hacia lo literal.

He inscrito, mediante letras, formaciones del inconsciente para sacarlas de lo que Freud llama, por ser lo que son, efectos de significante. Pero eso no autoriza para hacer de la letra un significante, ni aún más, para afectarla con una primariedad frente al significado.

Tal discurso confuso puede nacer solamente a partir del discurso que me importa. Pero aquél también me importa porque aparece, a veces, en otro discurso, que condeno, a saber: el universitario, un saber puesto a funcionar a partir del semblante.

Cualquier discurso diferente al de uno genera sentimientos. ¡Dios me libre de esa trampa! Además, mi experiencia debería protegerme. Pero no puede impedir que ese discurso ( el que no tiene importancia para mí, en el sentido que acabo de definir) en realidad, me importune.

Hubiera considerado válidos los modelos que Freud articula en un Esquema en el cual él abre caminos impresivos (10), no habría considerado por tanto la escritura como metáfora. Ella no es la impresión, le guste o no al block maravilloso (11).

Si saco conclusiones de la carta a Fliess ( la número 52), es porque en ella leo lo que Freud podía enunciar bajo el término que él mismo inventa: WZ, Wahrnehmungszeichen (12), lo más cercano al significante, en una época en la que Saussure aún no la había reproducido (a partir del signans de los Estoicos).

El hecho de que Freud lo escriba con dos letras no prueba, ni yo tampoco quiero probarlo, que la letra sea primaria.

Intentaré entonces indicar cuál es el punto central de lo que me parece producir la letra como consecuencia, punto central del lenguaje, y precisamente por lo que digo : que lo habita quien habla.

Tomaré prestadas las características de lo que en resumen permite representar lo que - según creo - promueve la idea de que la literatura quizás se torna "lituratierra" (13).

No es de extrañar que yo proceda con una demostración de tipo literario puesto que se trata de caminar al paso que impone el tema. Así se puede mostrar en qué consiste una demostración de esa clase.

Acabo de llegar de un viaje que había proyectado hacer al Japón y que se distingue de un primer viaje por algo de... litoral que yo sentí. Entiéndanme a medias palabras en cuanto a lo que acabo de decir sobre la Umwelt y que he repudiado porque torna el viaje imposible: por un lado pues, según mi fórmula, asegura su real, pero previa y simplemente por error, hace la partida imposible, reduciéndola, a lo sumo, al canto de "Vámonos".

Señalaré únicamente el momento en que tomé conciencia de que seguíamos un nuevo itinerario, diferente al del primer viaje, cuando aquel otro no era prohibido. Reconozco sin embargo que no fue el hecho de volar a lo largo del círculo ártico lo que hizo que lo que veía de la estepa siberiana se me hiciera lectura. .

El presente ensayo se podría titular "de una siberiética" (14): no habría salido a luz si los soviéticos no se hubieran mostrado desconfiados y me hubieran dejado ver las ciudades, incluso las industrias, las instalaciones militares que le dan su valor a Siberia; pero ésta fue solamente una condición accidental, por no nombrarla occidental, el accidente de una acumulación de lo occiso.

La condición litoral es la única decisiva y entró en juego solamente al retorno, por lo que Japón, con su letra, había sin duda provocado en mí una cosita de nada, un sobrante, pero que precisamente fue suficiente para que yo lo percibiera, puesto que después de todo ya he dicho que en esto reside lo que afecta eminentemente su idioma.

Sin duda, este sobrante es parte de lo que transmite el arte: reside en que allá, la pintura demuestra su unión con la letra, muy exactamente bajo la forma de caligrafía.

¿Cómo decir lo que me fascina en esas cosas que cuelgan, kakemono que le dicen, que cuelgan de los muros de todo museo, en esos lugares, portando inscritos caracteres, chinos de origen, que conozco un poco pero que, por muy poco que sepa, me permiten medir lo que se elide en la cursiva, en la que lo singular de la mano aplasta lo universal (ya no lo percibo, pero es porque soy novicio) y que sea eso propiamente lo que les enseño : que tiene sólo valor de significante. Por lo demás, en esto no reside lo importante puesto que incluso si este singular sostiene una forma más firme, y le añade la dimensión, la demansión (15), como lo he dicho ya anteriormente, la demansión del nomasquiuno (16), aquella de la cual se evoca lo que instauro del sujeto en el Huno-De-Más (17), porque llena la angustia del Acosa (18), o sea lo que connoto aquí del a parece ser la puesta .... ¿ de cuál apuesta que se gana con tinta y pincel ?

Esta circunstancia me pareció irresistible,  y tiene su peso: de-entre-las-nubes, el destello, única huella perceptible, porque allá, más aún que indicar el relieve, actúa, en esas latitudes, en la estepa siberiana, desolada, sin vegetación, sólo reflejos que arrojan a la sombra lo que no refleja nada.

Destello, brillo del trazo primordial y de lo que lo borra. Ya lo he dicho una vez: es de su conjunción desde donde nace el sujeto, pero por el hecho de que se marcan dos tiempos. Es necesario entonces que aparezca la barra.

Trazo de ningún rastro antecedente: allí está lo que hace que el litoral sea tierra. Litura pura, eso es lo literal. Producirlo es reproducir esa mitad sin par que da vida al sujeto. En esto reside la hazaña de la caligrafía. Intente dibujar esa barra horizontal que va de izquierda a derecha para figurar con un trazo el uno unario como carácter: le costaría tiempo encontrar en qué punto empieza y cuándo se detiene. A decir verdad, no hay esperanza para un occidentado.

Habría que atrapar un tren que se toma solamente despegándose de todo lo que lo raya a uno.

Entre centro y ausencia, entre saber y goce, hay un litoral que se volvería literal sólo si se pudiera tomar esa misma curva a cada instante. Sólo por eso puede uno considerarse como un agente-soporte.

Lo que revela mi concepto del destello, por el hecho de que domina el trazo, es que, al producirse de entre las nubes, se conjuga con su fuente, y que es en las nubes donde Aristófanes me invita a encontrar la naturaleza del significante: o sea el semblante por excelencia, si es a partir de su ruptura que llueve, que se precipita lo que estaba en suspensión.

Esa ruptura que disuelve lo que tenía forma, fenómeno, meteoro, y de la cual he dicho que la ciencia se dedica a penetrar el aspecto, ¿no será también que se deshace de lo que en esa ruptura haría goce porque el mundo, tanto como lo inmundo, recibe pulsión para representar la vida?

Lo que se evoca del goce cuando se rompe un semblante, he ahí lo que en lo real se presenta como un surco.

Por el mismo efecto, la escritura, en lo real, es el surco del significado; tiene más del semblante porque hace forma el significante. No calca el significado sino sus efectos de lengua, lo que de él construye el hablante. Remonta a él solamente para tomar nombre, como ocurre con esos efectos entre las cosas que denomina la batería significante por el simple hecho de haberlas enumerado. 

Más tarde desde el avión, a través de las líneas isobaras, o quizás porque algún montículo nos hizo torcer a un lado, se vieron otros trazos normales, acordes con el relieve, marcando los ríos.

Es que en Osaka, vi cómo las autopistas se posan unas sobre otras, como planeadores venidos del cielo. Además, la arquitectura más moderna se reencuentra con la antigua, asemejándose a un ala de pájaro en vuelo.

¿Cómo se habría dejado ver el camino más corto que va de un punto a otro si no es por medio de la nube que levanta el viento cuando éste no cambia de rumbo? Ni la ameba, ni el hombre, ni la rama, ni la mosca, ni la hormiga hubieran podido servir de ejemplo antes de que la luz se revele solidaria de una curvatura universal, aquella en la que la recta existe sólo porque inscribe la distancia en los factores efectivos de una dinámica en cascada.

La recta existe sólo por medio de la escritura, y de la misma manera es únicamente desde el cielo desde donde se puede hacer la agrimensura.

Pero, escritura igual que agrimensura son artefactos porque existen sólo en el lenguaje.

¿Cómo podríamos olvidarlo cuando nuestra ciencia opera solamente a partir de una riada de pequeñas letras y de gráficos combinados?

Bajo el puente Mirabeau (19) por cierto, igual que bajo el puente que sirvió de rótulo a una revista que fue mía, tomando prestado este puente-oreja de Horus Apolo, bajo el puente Mirabeau, sí, se desliza el Sena primitivo, y esta escena es tal que se puede batir el V romano de la hora cinco (cf. El Hombre de los lobos) Pero además el goce no se produce hasta que llueva la palabra interpretativa.

El hecho de que el síntoma instituya el orden que revela nuestra política, implica por otra parte que todo lo que se articula dentro de ese orden permita interpretación.

Por eso y con toda la razón, situamos el psicoanálisis en el plano más alto de la política. Lo que podría resultar bastante turbulento, dado el papel que ésta ha tenido hasta ahora, por si el psicoanálisis se quisiera dar por enterado.

Quizás bastaría, así piensa uno, con que de la escritura sacáramos otro partido que el de tribuna o de tribunal, para que entren en juego otras palabras con el fin de aportarnos su tributo.

No existe metalenguaje, pero el escrito que se forma a partir del lenguaje es material, quizás a la fuerza, porque en él se cambia nuestro discurso.

¿ Será posible desde el litoral constituir un discurso que se caracterice por el hecho de que no se emite desde el semblante? Ahí está el problema que se plantea sólo desde la literatura de vanguardia, la cual es en sí un hecho de litoral: luego no se apoya en el semblante; pero sin embargo da prueba únicamente de la fractura, que sólo un discurso puede producir, con efecto de producción.

A lo que parece pretender una literatura en su ambición de lituraterrizar, es a ordenarse de una manera que ella denomina científica.

Es cierto: la escritura ha hecho maravilla y todo tiende a indicar que esta maravilla está lejos de agotarse.

Sin embargo la ciencia física se encuentra, se va a encontrar reducida a considerar, de los hechos, el síntoma, por la contaminación de lo que, sin más crítica de la Umwelt, llamamos medio ambiente de lo terrenal: es la idea de Uxküll behaviorizada, es decir cretinizada.

Lituraterrizando yo mismo, haré observar que, del arrugamiento que el síntoma refleja, no he hecho ninguna metáfora. La escritura es esta arruga misma, y cuando hablo de goce, invoco legítimamente la audiencia que acumulo: e incluyo también aquella a la cual renuncio, como para divertirme.

Quisiera dar testimonio de lo que ocurre a partir de un hecho ya marcado: a saber, a partir de una lengua, el japonés, por el hecho de que la escritura la labra.

En la lengua japonesa está incluido un efecto de escritura, pero lo importante consiste en que este efecto permanece atado a la escritura y en que el elemento portador del efecto de escritura sea una escritura especializada de tal modo que el japonés se pueda leer con dos pronunciaciones diferentes: en on-yomi una pronunciación en caracteres, el carácter se pronuncia como tal, individualmente; en kun-yomi el modo de decir en japonés lo que quiere decir.

Sería divertido ver designar, en esta lengua, so pretexto de que el carácter es letra, los desechos del significante corriendo hacia los ríos del significado. La letra como tal es la que sostiene el significante según su ley de metáfora. Y lo hace desde otra parte: es desde el discurso desde donde él la captura en la red del semblante.

No obstante, desde allí está promovida a ser referente, un referente igual de esencial que cualquier otro, lo que cambia el estatuto del sujeto. Para su identificación fundamental, el sujeto se apoya no solamente en el trazo unario, sino en un cielo estrellado; eso explica que se puede apoyar únicamente en el Tú, es decir en todas las formas gramaticales cuyo enunciado mínimo varía según las relaciones de cortesía que implica su significado.

La verdad ve reforzada la estructura de ficción que observo en ella, por lo que esta ficción está sometida a las leyes de cortesía.

Esto parece llevar, en particular, al resultado de que no hay nada que defender de reprimido, ya que lo reprimido mismo encuentra donde alojarse en la referencia a la letra.

En otros términos, el sujeto está partido, como lo es todo, por el lenguaje, pero uno de sus registros puede satisfacerse con la referencia a la escritura, y el otro con referencia a la palabra.

Sin duda será eso lo que dio a Rolland Barthes ese sentimiento embriagado de que en todas sus maneras el sujeto japonés no envuelve nada. El imperio de los signos: así titula su ensayo, queriendo decir: imperio de los semblantes.

Al japonés, me dijeron, esta opinión no le hace ninguna gracia. Puesto que nada es más distinto del vacío cavado por la escritura, que el semblante. El primero es crisol, siempre dispuesto a aceptar el goce, o por lo menos a invocar su artificio.

Según nuestras costumbres, un tal sujeto a fin de cuentas es el que menos comunica sobre sí, puesto que no esconde nada. Lo único que puede hacer es manipularlo a uno: uno es un elemento entre otros del ceremonial en él que el sujeto se caracteriza justamente por el poder de descomponerse. El bunraku, teatro de marionetas, muestra esta estructura tan conocida de aquellos a quienes ofrece sus propios hábitos.

Además, como en el bunraku, todo lo que se dice podría ser leído por un recitador. Eso es lo que ha debido de aliviar a Barthes. Japón es el lugar donde es totalmente natural ayudarse de un intérprete, precisamente porque no se necesita de la interpretación.

Es la traducción continua hecha lenguaje.

Me ha gustado una cosa: la única comunicación que he tenido (fuera de los Europeos con quienes sé manejar nuestro malentendido cultural) fue la que pudo ser comunicación porque no era diálogo, a saber la comunicación científica - cosa que pasa allá como en cualquier otro lugar del mundo.

Aquello llevó a un eminente biólogo a demostrarme sus trabajos, en una pizarra, naturalmente. El hecho de que, por falta de información, yo no entendiera nada, no impide que lo que estaba escrito ahí fuera válido. Válido en cuanto a las moléculas de las cuales se harán sujetos mis descendientes sin que yo jamás tenga que saber cómo les transmitiría lo que verosímilmente haría que los clasificara conmigo, por pura lógica, entre los seres vivos.

Una ascesis de la escritura me parece poder concebirse únicamente uniendo ésta a un "está escrito" que instauraría el acto sexual.

Notas del traductor

(1) (Nota del Traductor): Antoine Meillet (1866-1936) gramático comparatista, sociolingüista, discípulo de F. de Saussure y maestro entre otros de E. Benveniste y M. Cohen. Autor de un Diccionario etimológico de la lengua latina (1932), en colaboración con A. Ernout, diccionario de uso común en la educación clásica francesa.

(2) (N. del T.) : el "Dictionnaire éthymologique de la LANGUE LATINE, Histoire des mots", (A. Ernout et A. Meillet, Paris, Éditions Klincksieck, 4e édition, 1994, p. 360) indica las siguientes etimologías : lino  : "ungir, untar". A partir de lino, se forma litura , "untura", y, por extrapolación : "tachadura, corrección" y "mancha". Luego se forma la palabra liturarius : "que tiene enmiendas".

(3) (N. del T.): "Contrepet"  (igualmente : contrepèterie) : juego humorístico muy apreciado y muy popular entre ciertos círculos intelectuales franceses : invirtiendo mentalmente sílabas o letras, uno pronuncia una frase pero "dice" otra, de sentido divertido, a menudo picaresco, hasta grosero. Ejemplo : Femme folle à la messe, (mujer loca en la misa) pour : femme molle à la fesse (mujer de nalgas blandas) (Rabelais). Aquí, J. Lacan transforma intencionalmente "littérature"(literatura) en "lituraterre", (lituratierra), al intercambiar las vocales, tal como se hace en el "contrepet".

(4) (N. del T.): en francés : "messe-haine", se pronuncia: / m s n /. Juego homofónico que permite a J. Lacan confundir "mécène" (mecenas) con "messe-haine" (misa-odio).

(5) (N. del T.): en francés contemporáneo , "l’avouer" (confesarlo), se pronuncia /lavwe/ ; en francés antiguo, "l’avoir" (tenerlo) se pronunciaba /lavwer/ . Este juego de palabras se apoya en la fonética y consiste en acercar /lavwe/ y /lawuer/ , es decir : confesarlo y tenerlo.

(6) (N. del T.): el original de los "Ecrits", en francés, comienza con "Le séminaire sur La lettre volée" , p. 11, Editions du Seuil, Paris 1966. En cambio, en la edición en castellano, de Siglo XXI, México, 1975, "El Seminario sobre La carta robada" aparece en el segundo tomo.

(7) (N. del T.): J. Lacan sigue jugando con las palabras: el francés, "la lettre", significa: (letra), o: (misiva, carta), lo que permite a J. Lacan deslizarse de un sentido a otro.

(8) (N. del T.): en francés "Une figure en abyme": J. Lacan desarrolla este concepto, para el cual crea este neologismo.

(9) (N. del T.): en francés : "primarité", neologismo de J. Lacan, designando la característica de lo que es primario.

(10) (N. del T.): en francés , "impressives" : neologismo de J. Lacan.

(11) (N. del T.): en francés, " le bloc magique". J. Lacan hace alusión al texto de Freud: "Notiz über den Wunderblock", expresión traducida por José L. Etcheverri como "Pizarra mágica" (Cf. Obras completas de Freud, editor Amorrortu, tomo 19, p.239); esta expresión es traducida por Luis López Ballestero (1930), como "Block maravilloso".

(12) (N. del T.):  J. Lacan cita las palabras en alemán. Wahrnehmung : percepción, observación ; Zeichen : signo.

(13) (N. del T. ): Cf. nota 2.

(14) (N. del T.): en francés : "siberiéthique" : neologismo de J. Lacan.

(15) (N. del T.): en francés : "la démansion", concepto desarrollado por J. Lacan, al que hace corresponder este neologismo.

(16) (N. del T. ): otro juego de palabras. En francés : "papeludun", debe leerse: / paplydoe /, o sea, ortógraficamente : pas plus d’un (no más que uno).

(17) (N. del T.): juego de palabras. En el francés, "le Hun-en-Peluce", J. Lacan remplaza "un" (uno) por "Hun" (Huno) : son homófonos. Y "peluce" es la reproducción ortográfica de cómo se pronuncia la palabra "plus" (más) en el sur de Francia.

(18) (N. del T.): juego de palabras de J. Lacan, basado en la fonética: en francés, "de la chose" (de la cosa) suena como "de l’Achose" (del Acosa).

(19) (N. del T.): "Sous le pont Mirabeau", famoso poema de Guillaume Apollinaire, (Roma 1880 - Paris 1918) . Este poema hace parte del libro "Alcools", publicado en 1913 : "Sous le pont Mirabeau coule la Seine / Et nos amours / Faut-il qu’il m’en souvienne / Vienne la nuit sonne l’heure / Les jours s’en vont je demeure /[...] (Bajo el puente Mirabeau corre el Sena / Y nuestros amores / ¿ Debo recordarlo ? / Venga la noche suene la hora / Los dias se van yo me quedo /[...])
Por un error de la imprenta, el texto fue publicado sin puntuación, lo que provocó emoción en el público, hizo crecer la fama del poeta...e ¡instauró una nueva moda !
Guillaume Apollinaire fue el cantor de todas las vanguardias artísticas, precursor del surrealismo, autor entre otros de "Calligrammes", poemas escritos a mano, que se presentan en forma de objetos, de corazones, de flores, de abanico, etc.

Traductora : Louise Bôland de Restrepo. Medellín, Colombia. Dirección Internet : arrest@epm.net.co

Notas

(*) Se encontrará la versión escrita original en francés y otra propuesta de traducción al español, aquí

Volver al sumario del Número 9
Revista de Psicoanálisis y Cultura
Número 9 - Julio 1999
www.acheronta.org