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Lenseignement ne laisse quune part très réduite sinon nulle aux questions épistémologiques tant la médecine est sûre delle-même dans sa saisie du réel. Il ma paru néanmoins toujours étonnant que lenseignement de la psychiatrie tende à faire passer son contenu sur le même plan que celui de la médecine somatique avec le même style de présentation, sur le mode de, à la même mode que celle-ci.
Une fiction de la psychiatrie ? Javais dabord pensé "la fiction de la psychiatrie", mais il nen reste pas moins que la psychiatrie recouvre un champ assez vaste constitué dune mosaïque de pratiques différentes qui excluent la généralisation. Le titre le plus approprié serait donc " une fiction dune psychiatrie " mais il rendrait mal compte du fait que la psychiatrie dont je vais parler occupe maintenant une place dominante voire écrasante dans la pratique, la recherche et lenseignement. Il sagit de la psychiatrie telle quelle est théorisée, jose le dire : théorisée, à partir du DSM III, avec le soutien corrélatif des recherches menées dans le domaine de la psychiatrie biologique et la pharmacologie.
On peut se poser la question de lintérêt dun tel travail qui concerne la place de la psychanalyse dans le champ social, et donc éloigné de la pratique des cures. Il va tenter de rendre compte dune difficulté récente de la psychanalyse dans son débat avec la psychiatrie. Il va également souligner le rôle fondamental du discours universitaire dans le champ social, bien au-delà de ce que son nom peut suggérer : discours qui se tient à luniversité. Le repérage des effets de ce discours chez chaque sujet a une incidence dans la cure tant il renforce singulièrement les axiomes égologiques en les appareillant de sa technicité.
Clinique du signe et médiation de lAutre
Cest à partir dune phrase d'un patient psychotique que je voudrais introduire mon sujet:
"il y avait des voix qui venaient me parler"
qui du point de vue de la clinique psychiatrique moderne pourrait sécrire :
clinique psychiatrique (patient) = a
ou en a peut se repérer l'hallucination qui en tant que phénomène de jouissance est expressément isolée du discours du patient. Cet isolement de la lettre a indique que l'implication subjective dans le rapport à cet hallucination n'est pas retenue. Cest la traduction de : " - Hallucinations acoustico-verbales " que lon trouve dans les manuels de psychiatrie qui comme le DSM III utilise la méthode des critères.
On pourrait proposer de rendre compte de cette même phrase avec le point de vue de la clinique psychanalytique de cette manière:
clinique psychanalytique (patient)= (S1-->S2)? a
$
où l'implication subjective dans le rapport au phénomène de jouissance quest l'hallucination est expressément formulée, témoignant que l'hallucination a comme signe passe par la médiation de l'Autre, c'est-à-dire d'une articulation signifiante S1-S2 qui représente le sujet $, soit cliniquement ce que dit le patient.
On peut noter que Freud n'a jamais renoncé à labord de la clinique par la médiation de lAutre et n'a jamais cédé à la tentation de l'observation naturaliste, même quand loccasion sen présentait, en particulier pour ce qui est de sa clinique de l'infantile. Son observation du jeu de la bobine naboutit pas ainsi à je ne sais quelle stadification sensori-motrice. Dans lobservation du jeu du Fort-Da (1), Freud repère la mise en rapport des jaculations signifiantes " o-o-o-o " et " Da " (que lon peut connoter S1 et S2) avec le mouvement de la bobine (que lon peut noter par a) . Ce qui correspond bien au mathème de la clinique analytique que lon vient de présenter. On peut également faire la remarque que cest un malentendu concernant au fond cette façon de cliniquer par la médiation de lAutre qui inaugure le débat sur la sexualité féminine : lexploration digitale de son orifice vaginal par une fillette, même dûment certifié, filmé, observé, reproduit ne dit strictement rien de la représentation signifiante qui sen fait. Cest bien un malentendu sur des bases telles que lon voit très bien quil sagit dès lorigine dun dialogue de sourds.
Clinique psychiatrique et discours du Maitre
Chez Lacan on trouve également dans ses choix psychiatriques une fidélité à une clinique qui respecte la prise du texte subjectif, l'enveloppe formelle du symptôme, vraie trace clinique dont nous prenions le goût. Il s'agit de la clinique de Clérambault, qu'il reconnaît pour son seul maître en psychiatrie, en qui il voit une récurrence de ce qu'on nous a décrit récemment dans la figure datée de la Naissance de la clinique (2). Cest pour lui une clinique plus proche de ce qui peut se construire d'une analyse structurale, qu'aucun effort clinique dans la psychiatrie française.
On peut remarquer deux points dans ce passage de 1966. Dune part il ny a plus pour lui après-guerre délaboration clinique dans le champ psychiatrique pas la moindre découverte . Dans son " petit discours aux psychiatres " (3), il va même faire de sa thèse sur paranoïa dautopunition la dernière pointe de ce qui a pu se dire en psychiatrie, le premier des psychanalystes se pense également le dernier des psychiatres ! Dautre part, quand il sagit de la clinique psychiatrique, Lacan fait référence explicitement à la fonction du Maître comme tel. La clinique psychiatrique nest pas dissociable de la position du maître et Lacan ne découvre pas de maîtres en psychiatrie au delà des années 30. Nous y reviendrons.
J'ai donc fait remarquer en introduction la tendance fondamentale et de plus en plus accentuée dans la clinique psychiatrique à faire disparaître le sujet du signifiant au profit de cet isolement du signe, isolement qui permet de faire de grouper les malades authentifiés par ces signes. Ces groupements de signes assez arides forment l'ossature des nouvelles nosographies modernes dont le D.S.M. III (4) est la plus achevée. Comment sest donc constitué ce poids grandissant du signe dans la clinique psychiatrique?
Le discours de la science oublie les faits historiques et on a pu un temps croire que les maladies mentales existent de toujours, repérées comme telles avec des signes de cet ordre. C'est depuis la thèse de Foucault sur l'histoire de la Folie qu'elles sont redevenues un objet de discussion entre historiens. On pourrait croire également que le statut du signe dans la pathologie médicale a toujours été le même, ce qui n'est pas du tout le cas.
Structure prémoderne de la nosographie
La thèse de Foucault à qui Lacan nous renvoie dans Naissance de la clinique est celle dune mutation radicale de la fonction du signe à la charnière du XVIIIème et du XIXème siècle. Son analyse (5) montre que au XVIIIème siècle, siècle des Lumières auquel renvoie Lacan dans sa postface des Écrits (6) le signe dit précisément cette même chose qu'est le symptôme. Dans sa réalité matérielle le signe s'identifie au symptôme lui-même. Le symptôme est d'abord un élément signifiant qui ne devient signe que sous un regard sensible à la différence, à la simultanéité, à la succession. Il s'agit de l'analyse de Condillac mise en pratique dans la perception médicale. Le signe, c'est le symptôme lui-même , mais dans sa vérité d'origine. Il y a un isomorphisme de la maladie et de la forme verbale qui la cerne. dans la clinique comme dans l'Analyse, l'armature du réel est dessinée d'après le modèle du langage. Pour médecins et philosophes le monde est l'analogon du langage.
On peut, je crois, rendre compte de cette structure prémoderne du savoir médical par le mathème du discours du maître:
S1->S2
$ a
DISCOURS DU MAITRE APPLIQUE A LA NOSOGRAPHIE DES LUMIERES
$ est le symptôme en position de vérité, les symptômes sont la vérité de la maladie. La maladie navait de vérité que dans les symptômes, mais elle était les symptômes donnés en vérité.
S1, signifiant maître renvoie à l'être suprême, à l'idéal de "la langue bien faite" de Condillac, la Nature.
S2, le savoir-esclave de cette langue.
En a le corps qui occupe la position de ce qui est produit, déchet dans le discours du maître, le corps là ne joue pas un rôle déterminant puisque dans la clinique, il peut constituer un écran à la transparence de la maladie, définie par le libre jeu des signifiants qui la constitue. De même, la mort, du point de vue de cette nosographie est considérée comme un obstacle au libre épanouissement de la maladie.
Tout sarticule dans ce discours sauf le rapport entre $ et a soit entre la maladie et le corps, à lendroit où Lacan place la barrière de la jouissance. Comme le souligne Foucault le rapport entre la maladie et la mort nétait pas vraiment pensé navait été scientifiquement pensé ni structuré dans une percepttion médicale.
La nosographie du XVIIIème siècle est une tentative d'exhaustion signifiante de la maladie dont on voit les prémisses comiques dans le malade imaginaire de Molière où finalement le malade lui-même joue le rôle de gêneur dans les beaux discours tenus par les médecins, sil se sauve de la mêlée ça ne change rien au débat. Il y a manifestement une dimension symbolique de la maladie : la maladie est un beau discours de la nature altérée. La nosographie philosophique de Pinel, qui deviendra ultérieurement le fondateur de la psychiatrie au moment de la Révolution en est une forme achevée. Et ce nest donc pas de hasard que Pinel, dabord médecin et auteur dune monumentale " Nosographie philosophique ou La méthode de lAnalyse appliquée à la médecine " (7) soit en France le premier maître en psychiatrie et quinversement sa contribution au savoir médical ne séquivale à rien.
Citons simplement dans sa nosographie le genre III du premier sous ordre de lordre premier de la classe quatrième de sa nosographie qui est le Tintouin. On conçoit que si la nosographie était philosophique, il fallait également que le malade soit lui aussi bien philosophe. Encore les malades des Lumières ont-ils eu de la chance que Derrida ne soit pas né au XVIIIème et que Pinel nait pas essayé dappliquer la méthode de la déconstruction à la médecine
Structure de la nosographie médicale moderne et discours universitaire
Au début du XIXème siècle s'achève le changement épistémologique dans le champ de la médecine : le signe n'est plus le symptôme parlant, mais ce qui se substitue à l'absence fondamentale de parole dans le symptôme. Au XVIIIème siècle le signe était un symptôme lu et renvoyait à la maladie. Au XIXème siècle, le signe déjoue le symptôme devenu muet et renvoie à la lésion. Le nouveau savoir médical est ce qui perce, élimine l'écran symbolique des symptômes. Ce nouveau savoir n'exclue pas le corps. Au contraire, il le prend pour instrument, et a pour vérité une la mort. Qu'est-ce d'autre que l'anatomopathologie, sinon un savoir qui trouve sa référence véridique dans le corps mort?
Ici, c'est la structure lacanienne du discours dit universitaire qui va rendre compte de larticulation de cette nouvelle modalité du signe.
STRUCTURE MODERNE DU SAVOIR MEDICAL
S1: la mort en position de vérité, le point d'Archimède de la lecture anatomo-clinique de la maladie, mort anticipée par les signes, révélée par la dissection. Le rapport entre la maladie et la mort bien sur connu au XVIIIème mais impensé (la mort ne participait pas à la vérité de la maladie dans le discours médical , devient la scientifiquement pensé : La mort qui dit rétroactivement la vérité de la maladie (p. 162) La mort comme point de vue absolu sur la vie et ouverture sur sa vérité La source de la maladie dans son être même (p. 158) La vie avec sa dureté réelle, la maladie comme possibilité de déviation trouvent leur origine dans le point profondément enfoui de la mort.
S2: le savoir des nouveaux signes qui investit, traverse de sa nouvelle visibilité a , le corps du malade devenu esclave, instrument du savoir passé à la commande. Cest lanatomopathologie.
$ :en position de production, à la place de ce qui était en reste, en excès de jouissance du discours du maître (plus-de-jouir). Là, cest un fait de structure très général, le sujet $ est écarté, et en rebut (ou plus-de-jouir) du discours scientifique. Il retourne au réel. On peut dire qu'il est en position de forclusion dans ce discours médical, ce qui est à rapprocher de l'effet de forclusion du sujet dans le discours de la science.
L'exclusion du sujet du signifiant propre à ce discours est une situation vérifiable et absolument courante dans la pratique médicale quotidienne. Lart du médecin consite à faire bien passer la pilule. Il doit, d'une part, faire fonctionner la nouvelle structure du savoir médical, c'est-à-dire repérer ces nouveaux signes bizzares sur et dans le corps que la médecine d'avant ignorait le plus radicalement, et qui ne sont le signe d'aucun sujet. Et ce médecin, d'autre part, a également à laisser son patient essayer de continuer à soutenir sa position de sujet, alors que la considération du sujet est structuralement impossible dans ce qui fait los, si jose dire, de son art. Ce n'est pas si simple, ça génère un malaise, d'où les séminaires de formation à la relation médecin-malade qui soulignent de façon caricaturale et parfois culpabilisante cette division qui s'opère chez le sujet médecin dans son acte. Chaque sujet médecin y est confronté. Un analysant qui fait de la médecine générale me disait :
"Tant que c'est dans le domaine technique, je suis à mon aise. Mais quand c'est le domaine de la douleur morale, de la mal-vie je ne suis pas à mon aise. Comment marquer le respect que l'on a pour le corps de l'autre? Le corps de l'autre me fait plus penser à un objet qu'à quelque chose de semblable à moi., dans la façon de palper, j'en sais rien, dans la façon d'être.. Il me semble que les patients ont beaucoup de patience pour me supporter".
Si jai beaucoup insisté sur la médecine, cest parce que Foucault voit dans la structure de ce nouveau savoir une notion très généralisable, il voit précisément la disposition anthropologique qui soutient toutes les sciences humaines.
Structure de la nosographie psychiatrique moderne
Comment situer le statut de la clinique psychiatrique vis à vis de ces deux structures conceptuelles successives du savoir médical? La thèse de Bayle (1822) qui décrit notamment les lésions anatomocliniques de la paralysie générale (manifestation de la syphilis nerveuse qui remplissait alors les hôpitaux), ouvre la voie à l'espoir de voir l'ensemble des maladies mentales rejoindre la médecine. La nosographie et partant les signes de la clinique psychiatrique subissent dès lors et jusqu'à nos jours l'influence essentielle de cette nouvelle structure de discours régissant le savoir médical. Néanmoins malgré cela, cest le discours du maître qui a prévalu dans le registre de la psychiatrie jusque, disons pour ne pas ergoter, à la thèse de Lacan. Cest dans le discours du maître décrit pour la médecine pré-moderne, caractérisé par lisomorphisme de la maladie et de la forme verbale qui la cerne que Lacan trouve ce quil appelle la fidélité à lenveloppe formelle du symptôme, symptôme dont la matérialité est fondamentalement langagière. Il y a bien sur une opacification de la vérité par le présupposé chez tous ces maîtres que leur description nest dans le fond quune anatomie pathologique projective qui attend que sa vérité anatomoclinique se dévoile un jour.
Mais ce qui sera réellement retenu chez ces maîtres (comme Kraepelin ou Clérambault), leur trésor clinique, résidera non pas dans leurs hypothèses physiopathologiques, leurs statistiques fumeuses, leurs courbes de poids, leurs photos, mais dans la solide charpente langagière de leurs descriptions cliniques. La pression du nouveau discours médical pourtant vieux déjà de 150 ans na pas réussi jusquà la guerre à effacer la production des discours du maître dans le champ de la psychiatrie. La fidélité persistante de la clinique à la structure langagière rend bien compte du fait que les psychanalystes aient trouvé et trouvent encore une articulation, un lieu de débat, de lecture possible de cette psychiatrie. En effet, le savoir de Maître rend compte, au moins partiellement de la structure du sujet (hormis sa division par le fantasme qui est opaque).
Ce dialogue entre la psychanalyse et la psychiatrie peut donc actuellement continuer, à lunique condition de se référer au style de cette clinique qui date déjà de longtemps, dun discours révolu.
Mais tout ça, cest sans compter la naissance contemporaine de celle de lEgo-psychology et de la pharmacothérapie dune clinique qui parviendra à évacuer lécueil langagier de la précédente.
Cest du moins comme ça que jinterprète la critique par Lacan de la sémiologie moderne dont il dit quelle est toujours plus engagée dans les présupposés raisonnants (8). Dans le même sens, il parle dans " Dune question préliminaire à tout traitement possible de la psychose " du postulat psychologique dune unité subjective, dun fond théorique qui se donne comme psychologie (9). Cest cette supposition indéracinable de lEgo qui est le soutien véridique du discours universitaire, la fiction de la psychiatrie moderne.
Les travaux récents en matière dimagerie médicale (scanner cérébral des schizophrènes, etc) ne dépassent pas le niveau dun " remake " au vingtième siècle dune phrénologie cérébrale. Ces travaux contribuent néanmoins par leur caractère véritablement envahissant à obscurcir complètement la position du sujet pourtant déterminante dans la clinique mais ils ne peuvent véritablement sassumer comme le postulat véridique de cette nouvelle clinique à moins de faire postulat d hypothèses les plus variées.
A défaut de produire une anatomie pathologique de la folie qui tienne le coup, cest donc lEgo qui va remplir le rôle que la mort avait joué dans le discours moderne de la clinique. Cest ce que nous allons tenter de décrire avec la structure du discours universitaire appliqué au DSM III.
NOSOGRAPHIE PSYCHIATRIQUE ET DISCOURS UNIVERSITAIRE
S1 : le signifiant-Maître en position de vérité absolue, non dialectisable. Non plus la mort, " point de vue absolu sur la vie et ouverture sur sa vérité " mais lAPA, fidélité interjuge et consensus, garantie de lathéoricité. Non plus la mort comme condition du regard sur la vie, mais la transparence du " on se comprend ". LEgo normatif des psychiatres américains règle ce quil en est de lappréciation de la pathologie mentale, en est létalon de mesure, le sens abolu (10). Cest bien le postulat de lEgo, la Je-cratie dont Lacan parle dans lEnvers de la psychanalyse. Cest une structure qui met évidemment à mal tout les discours préexistants en psychiatrie.
S2: Le repérage clinique sur ce fond hautement véridique se fait par la méthode des critères, technique de réduction du discours du patient à des signes pertinents. Dans "Fonction et Champ de la parole et du langage en psychanalyse" (11) se trouve une critique en règle du ravalement du langage au langage-signe qui est en pratique dans l'ego psychology des héritiers anglo-saxons de Freud. C'est le langage-signe qui permet d'accorder plus de crédit à un borborigme viscéral pendant la séance qu'au reste de ce qui est dit. Le langage-signe, comparable en sa structure au langage des abeilles, est fondamentalement méconnaissance et même technique de méconnaissance de la médiation de l'Autre symbolique, ravalement de la demande symbolique au besoin imaginaire. C'est au titre permanent de sa fonction de signe que le discours du sujet est dévalué (12)
a : le plus-de-jouir. Lêtre du malade dans lequel vient sinvestir ce nouveau savoir qui lappareille et lévalue méthodiquement en ravalant la dialectique du signifiant au niveau dun langage-signe.
$: cest là le point essentiel sur lequel je tenais à en arriver, on nest plus là à lEnvers mais à lexclusion de la psychanalyse éliminée fondamentalement. Cest la preuve que la psychiatrie moderne sest séparée radicalement et récemment (dans ces cinquante dernières années) de ce quelle autrement soutenait. Lhégémonie du DSM III nest que le témoin achevé de la séparation de la psychiatrie davec le sujet.
Pour conclure jillustrerai ce que je viens de dire une brève anecdote clinique de nos temps modernes.
Conclusion : un dialogue entre collègues de nos jours
Je me souviens dune patiente chez laquelle je navais pas entendu dans ce quelle disait de moyens qui lui permettent de saffranchir du désir de lAutre. Le lien social lui apparaissait comme un écrasement douloureux et permanent. Fondamentalement elle ramenait tout cela à une faute incestueuse avec son frère commise dans lenfance, faute somme toute assez banale mais qui, chez elle faisait retour sans que cela puisse seffacer daucune façon. Javais fini par déduire après un débat conséquent confrontant pratiques analytique et psychiatrique que sa structure était psychotique et proche de la mélancolie : elle était la jouissance revenue au lieu de lAutre et effectivement elle pensait quil fallait donc séliminer. Je lai hospitalisée face à sa menace suicidaire. De lhôpital elle ma téléphoné angoissée pour me dire quelle était incluse dans un essai thérapeutique, que cela lui faisait peur mais quelle nosait pas le dire. Je lui dit quelle ny était absolument pas contrainte et quil suffisait de dire quelle ny tenait pas. Une heure après, elle me rappelle pour me dire que linterne lui avait répondu quon allait tout de même démarrer le protocole, le chef de service la rassurerait bien un peu plus tard, et que des évaluations cliniques ont donc commencé sur le champ. Jai alors appellé linterne pour formaliser le refus de ma patiente, ce qui sest passé tout à fait courtoisement. Puis je lui ai lancé une perche, lié à mon questionnement sur son cas. " Quest-ce que vous en pensez cliniquement ? ". " Ah, je peux vous le dire maintenant, je viens de remplir son protocole, cest un Trouble dépressif majeur dintensité modérée sur Trouble de la personnalité dintensité modérée ".
Merci, loncle Sam!
Notes
(1) S. Freud, Au delà du principe de plaisir, Essais de Psychanalyse (1920 ),p 49-56, Petite Bibliothèque Payot, 1981.
(2) J.Lacan, Écrits, de nos antécédants, p. 65
(3) J. Lacan : " Petit discours aux psychiatres ", prononcé le 10 Novembre 1967 au cercle détudes psychiatriques sous le patronage de Henri Ey.
(4) American psychiatric association, DSM III, Masson, 1980.
(5) Michel Foucault, Naissance de la clinique, chapite VI : "des signes et des cas", p. 87-105,col. Galien, PUF
(6) J.Lacan, Écrits, Seuil, dernière page de couverture
(7) Ph. Pinel, Nosographie philosophique ou la méthode de lAnalyse appliquée à la médecine, 1818.
(8) J.Lacan, Écrits, de nos antécédants, p. 65, Seuil
(9) J. Lacan, Écrits, Dune question préliminaire à tout traitement possible de la psychose, p. 531.
(10) J. Lacan, Le Séminaire, Lenvers de la psychanalyse (69-70), p. 70, Seuil.
(11) J. Lacan, Écrits, Fonction et Champ de la parole et du langage en psychanalyse",p.237-322, (1953)
(12) J. Lacan, Écrits, Variantes de la cure-type, voir p.337