Acheronta  - Revista de Psicoanálisis y Cultura
Du désir au discours
Maria-Inés Rotmiler de Zentner

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Je savais très bien rendre compte du comportement de ces adversaires et, de surcroît,
j’avais appris que la psychanalyse fait ressortir le pire chez tout le monde.

Sigmund Freud

Je dédie cet écrit á la mémoire de mon père. En hommage á celui qui m’a appris le sens de l’honneur, de l’intégrité et de la rigueur; à mon père dont la main m’ a protégé ces maux du monde; à l’homme dont la vision et le courage l’ont conduit à quitter l’Europe pour aller en Argentine quatre mois seulement avant le début de la Deuxième Guerre et du carnage qui s’est ensuivi, et qui m’a fait le don de partager avec moi l’irrévérence qu’il a témoignée envers les rites et les lois d’un certain ordre au nom de son dévouement à la paix. En reconnaissance de ce qu’il m’a appris -l’essentiel est ce que l’on porte en soi, son geist; l’amour de l’histoire, des livres et de la musique. En souvenir de l’image d’enfance que je garde de lui assis au piano, et de son humour qui touchait juste.

Canterbury, Australia

 

Comme Lysias l’a dit, Il sera plus facile d ‘ entamer cette affaire, Messieurs, que de la conduire. Dans le désert les journées sont aussi chaudes que les nuits sont glacées. L’absence de nuages, me dit-on, en est responsable. Quand le vent y souffle, on n’en voit plus de signe, mais la vie continue son train.

Freud nous dit que la condition préalable à tout accès au champ de l’inconscient consiste à y préférer une attention également flottante. Cette condition s’impose parce que, dés que l’on y accède, ce champ s’efface, comme le parfum de la nuit, comme un souvenir. Néanmoins, certains d’entre nous insistons pour nous placer là ou se situe ce qui vient s’y évanouir. Il faut en saisir l’occasion car elle n’est qu’éphémère.

Freud a écrit à Fliess, depuis un autre désert, au sujet de la médiocre réception qu’avait connue son Traumdeutumg, affirmant qu’il était en avance sur son temps de quinze à vingt ans. En comparaison, Lacan a dit qu’il avait dix ans d’avance sur son époque.

La relation qu’entretient le sujet avec l’objet cause de son désir est équivoque et incertaine, parfois capricieuse, mais le plus souvent prévisible après coup. Elle est équivoque parce que, comme tout ce qui est singulier, comme un sonnet ancien dont le lecteur doit suivre la grammaire — la licence poétique qui autorise les déformations et les déplacements qui en barre et en livre à la fois l’accès — pour pouvoir le déchiffrer, le désir ne retrouve que peu souvent, si jamais, sa muse. Cette relation est incertaine précisément parce qu’eIle est fixe. Elle est l’ancrage de la vie qui se fixe dans le corps au point de la douleur, ce qui l’oblige à changer d’apparence, à se faire provisoire. Elle est capricieuse dans la mesure ou elle est toujours prête à s’écarter, non seulement pour mettre en scène un semblant d’évitement mais pour se déplacer, mue par les événements ou même par les circonstances, à une autre scène ou elle semble s’engouffrer. Elle est déterminée par le discours d ’un Autre qui de plusieurs façons a déjà fixé le tracé — héritage qui n’est que dette — sur lequel s’ouvre ce qui, sans le savoir, n’est qu’une autre voie vers la mort. D’aucuns arrivent à faire quelque chose du désir, mais il ne peut être l’objet d’un don. Telles sont les raisons cliniques que nous trouvons dans le paradoxe selon lequel le sujet ne veut pas ce qu’il désire.

La disparité qui existe entre le discours psychanalytique et l’institution psychanalytique semble précipiter une crise d’anomie donnant lieu au phénomène d’identification au groupe et à ses pires conséquences, les rangs se serrant pour compenser la faiblesse permanente du sujet qui doit supporter le manque de l’Autre. Cette disparité est l’effet du transfert en jeu. Ainsi, l’adhésion à un maître à penser bureaucratique est l’issue prévisible de la poursuite de quelque chose qui puisse combler ou recouvrir de sens l’incertitude qu’annonce l’angoisse. Il suffirait de relire ce qu’a écrit Bernfeld à propos d’un citoyen Machiavelli moderne pour comprendre que le besoin de sens finit par infléchir la recherche du sens et par déformer un discours qui aurait pu annoncer la transmission de la psychanalyse. Si le roi est nu, surtout, que portent les courtisans? Le groupe traite le leader avec tout le respect qui lui est du pour se conformer à lui. N’est-ce pas, cependant, une manifestation comme d’ autres de la manque de signifier de l’Autre? Lacan nous en avertit «On sait ce qu’il en a coûté, que Freud ait permis que le groupe psychanalytique l’emporte sur le discours, devienne église »» Toute pression pour que le monde cède au conformisme endort l’esprit critique, assourdit l’oreille qui aurait pu écouter et fait taire la voix qui aurait pu parler. Le conformisme fait partie du tissu social, comme le montre la distinction qui existe entre l’ ordre, la soumission et le désir.

Les parlêtres s’engagent dans diverses activités dans I’espoir que quelque chose s ’y construira, que leur action parviendra à recouvrir un manque, qu’il en sortira un sentiment d’être, transformé et configuré en sentiment d’appartenance. Dans une tentative d’inciter cette impulsion, les psychanalystes se sont organisés de diverses manières, sous forme d’armée, d’église et — dernière structure de la liste mais non la moindre — sous forme de bureaucratie. Pour cette raison certains soi-disant maîtres n’ hésitent jamais à se mettre en avant. Il s’agit toujours de la même histoire la tentation d’embrasser la promesse d’une jouissance toujours différée. Cependant, relire la dialectique hégélienne du maître et de l ’esclave en tant qu’interprétation adéquate ne garantit pas de changement. Après tout, bien que cela n’ait rien de secret, u faut redire que ce qui s’oppose à l’interprétation adéquate est la résistance du sujet à l’abandon de la jouissance, l’ironie voulant que la jouissance qui se cherche dans l’abandon du désir soit moins certaine.

Penser même un instant que le nouveau siècle puisse apporter un nouveau discours, c’est faire preuve d’une naïveté certaine, car ce n’est pas un changement d’ordre purement temporel qui éclairera ce qui est actuellement obscurci dans la psychanalyse. Le temps se précipite sans arrêt, à toute allure, au début non moins qu’à la fin d’une époque. De même, le sujet semble descendre à toute vitesse le fleuve de la vie, qu’il nage ou qu’il se laisse aller à la dérive. La malaise de la psychanalyse est en effet la réalisation de ses limites, les limites que le désir impose à la jouissance. Peut- être devrions-nous nous demander si la psychanalyse a besoin d’un nouveau style, d’un nouvel «isme ». Mais seul un changement de discours, seul un discours neuf pourrait en être à la mesure.

Le 17 mars 1911, Ferenczi écrit à Freud: «Il n’y a certainement encore jamais eu de mouvement intellectuel, ou la personnalité de l’inventeur ait joué un rôle aussi grand et aussi indispensable que la vôtre pour la psychanalyse. En effet, c’est vrai à la lettre: vous n’êtes pas seulement l’inventeur de nouveaux faits psychologiques, vous êtes aussi le médecin qui nous soigne, nous autres médecins. Comme tel, vous devez supporter toutes les charges du transfert et de la résistance » 3 L ‘on trouve ici une référence à ce qui pourrait être un des problèmes fondamentaux par rapport aux impasses ou se trouve la psychanalyse et dont elle devra encore sortir à l’avenir. Elle concerne le fait que, un domaine du savoir étant rattaché à un nom et dépendant même entièrement de ce nom, l’une des conditions nécessaires de la scientificité de ce domaine est déjà mise en doute, car une science ne se fonde et ne se développe que dans des conditions oú elle se propose à. une vérification ou une réfutation.

En fait, Ferenczi coupait court à l’illusion que pouvait entretenir la psychanalyse d’arriver à un mathéme qui en assurerait la transmission, puisque le transfert et la résistance se retrouvent à sa place. Lacan a affronté ce même problème que tout psychanalyste a trouvé sur son chemin depuis la naissance de la psychanalyse: comment résoudre le problème du transfert dans la transmission de la psychanalyse. Il voulait assurer la transmission intégrale de sa théorie, sans qu’elle subisse les effets du transfert, et il a donc voulu se tourner vers le domaine scientifique oú la transmission de la théorie semble avoir lieu sans subir les effets du transfert.4 J’aborde cette question parce qu’en recherchant un mathéme pouvant assurer la transmission de la psychanalyse, il a voulu défaire le n œud, l’assujettissement de la psychanalyse à un nom. Néanmoins, Lacan lui-même au départ plaçait son travail sous l’égide d’un retour c~ Freud dont le noyau était l’inconscient qu’il appelait freudien, le liant plus étroitement encore au nom.5

Ce n’est que bien plus tard que Lacan dira que l’inconscient est de Lacan et le champ est freudien, poursuivant ainsi le moyen d’aller au-delà du père en dénonçant ce qu’il appelait la moisesation de la psychanalyse. Comment ne pas voir que cet au-delà du père était en réalité une tentative de libérer la psychanalyse du nom de Freud afin de trouver ainsi, éventuellement, le mathéme en question? Une autre tentative ultérieure allant dans la même direction consistait à vouloir désontologiser l’inconscient en le conceptualisant sous forme de l’instant du lapsus.6

Ces deux positions contraires de Lacan sont, cependant, autant logiques que chronologiques, et cette ambiguïté se mobilise au service d’un retour à l’œuvre et à la lettre de Freud; ce qui a subi un traumatisme par la parole ne peut s ’en libérer que par la parole. Ce retour à la lettre de Freud a été désigné précisément comme un projet qui voulait trancher le nœud qui l’attachait à. la personne de Freud, une notion conceptualisée comme le passage qui partait du travail du transfert pour aboutir au transfert du travail, ce qui ouvrait la perspective d’aller au-delà du père. Cependant, en dépit de ses intentions d’un courage héroïque — développer à l’intérieur du champ de la psychanalyse un mathéme qui permettrait à la psychanalyse de garder la route de la science, détachée du père, détachée d’un nom — Lacan a échoué, comme il devait lui-même le reconnaître de façon si impitoyable à l’intérieur de son Ecole.7

Sa déclaration que l’inconscient est de Lacan mais le champ est freudien a montré l’échec de la tentative de libérer le champ de la psychanalyse du nom, du père. De même le nom de Lacan est devenu le symptôme de son école, ce qu’il a admis volontiers à propos de la topologie du nœud borroméen dans son Séminaire du 5 janvier 1980 «Qu’il suffise d’un qui s’ en aille pour que tous soient libres, c’est, dans mon nœud borroméen, vrai de chacun, il faut que ce soit moi dans mon École. C’est pourquoi je dissous».

Avec cette coupure il a dissolu l’École freudienne de Paris. Freud, Lacan et bien d’autres étaient avertis de l’effet du groupe, mais ce savoir n’a pas été suffisant et constitue, par sa structure même, ce qui divise et sépare, dans le champ de la psychanalyse, la transmission de l’enseignement. C’est ainsi que nous lisons les mots énigmatiques de Lacan dans L ‘Etourdit: Qu ‘on dise (l’enseignement de Freud) reste oublié (par les disciples de Freud) derrière ce qui se dit (en répétant sans comprendre) dans ce qui s ‘entend (font avancer le processus de répression de cet enseignement).8 A Pompéi j’ai de nouveau vérifié cette notion douteuse qu’est le progrès et les raisons pour lesquelles Freud l’a déployée pour donner un exemple de la nature indestructible du désir réprimé.

Le désir de l’analyste ne doit pas se confondre avec son interprétation. Il a deux sources. D ’une pan ji a une source clinique que constitue le défi que lui lance l’hystérique et qui consiste à maintenir son désir comme désir insatisfait,9 défi que Freud a relevé en découvrant l’inconscient. L’autre source s’identifie au désir de Freud et, tout en étant formulée en termes cliniques comme quelque chose chez Freud qui n’a jamais été analysé,’0 n ’est pas, à proprement parler, clinique, et touche au concept des noms-du-Pére, ce que Freud, selon Lacan, s’est interdit d’interroger.

Décider de devenir psychanalyste est un choix paradoxal qui reste à expliquer, peut être a travers la passe, même si la réponse quelle qu’elle soit n’aura jamais la fraîcheur de la question initiale. Autrement dit, l’ananké n’est pas simplement le point final; le destin apparaît à la fois au début comme contrainte et à la fin comme articulation.

Passons maintenant au bref compte rendu de quelques aspects de l’histoire du mouvement psychanalytique qui concernent nos antécédents. La Société psychologique du mercredi, première organisation de ce type du monde, a été fondée à Vienne en 1902. Freud ne disposait pas certainement de ce qu’on appelle les trois de Lacan, le nœud borroméen du réel, du symbolique et de l’imaginaire. Néanmoins ib les a libérés le 22 septembre 1907, dans une lettre qu’il a envoyée à tous les membres de la Société, au moyen d’une proposition concernant sa dissolution et sa refondation immédiate l’année suivante, donnant ainsi aux membres l’occasion de se réinscrire. Ii a terminé cet envoi en disant qu’il conviendrait peut être à la Société de se réorganiser ainsi de temps en temps, à intervalles réguliers, tous les trois ans, par exemple, pour donner aux membres qui ne voulaient plus poursuivre cette association l’occasion de partir sans porter atteinte aux rapports qu’ils entretenaient avec d’autres membres. De cette façon, après la dissolution de la Société en 1907, la Société psychanalytique de Vienne est née en 1908.

La psychanalyse en Argentine, comme en Australie, a connu une histoire longue mais radicalement différente.’1 Pour ma part, j’ai reçu — hors institution, comme c’était le cas de beaucoup d’entre nous avant le lacanisme une formation théorique et pratique en psychanalyse dispensée par des analystes de l’Asociación Psicoanalítica Argentina et je me suis initiée à l’étude de Lacan en suivant I’enseignement irremplaçable d’Oscar Masotta (1930-1979).

Reprenant à ma façon le mot de Lacan qui reconnaissait en Gaetan Gatian de Clérambault son seul maître, je devrais faire remarquer aujourd’hui, après coup, que l’influence extraordinaire et directe de Jorge Luis Borges a été également déterminante pour moi, ce qui confirme une fois de plus la dette de la psychanalyse envers la littérature.

Un événement important à eu lieu en 1971 sur l’initiative d’Oscar Masotta et de ses séminaires qui ont décidé d’inviter à Buenos Aires Octave Mannoni et Maud Mannoni, des cliniciens brillants dont les séances d’analyse de contrôle qui ont marqué le début de ma carrière clinique restent pour moi exemplaires.’2

En décembre 1973, faisant preuve d’une prémonition et d’une prévoyance étranges, nous avons pris la décision de venir en Australie. Mais ananké et dustuchia se sont ligués pour raccourcir notre séjour et nous avons été contraints à retourner quelques mois plus tard à Buenos Aires. En janvier 1977, le règne de la terreur s’étant installé en Argentine, nous sommes partis en exil volontaire en Australie et au mois d’octobre de cette année nous avons fondé la Freudian School of Melbourne.’3 La psychanalyse ne devait plus être la même en Australie. Une filière différente et nouvelle de psychanalyse prenait forme. Le désir de l’analyste, l’énigme qui continue à être un défi à déchiffrer, est précisément, à force de rester un chiffre, ce qui continue à donner sa raison à l’acte psychanalytique, la même énigme qui, à Melbourne en Australie, m’a amenée à fonder avec Oscar Zentner la Freudian School of Melbourne.

Des années orageuses ont suivi. Le désert a révélé sa nature inclémente. Des obstructions de toutes sortes et des attaques insidieuses sont survenues; les hostilités se sont déroulées sur des fronts très divers; nous avions introduit Lacan en Australie et on nous en a fait porter la responsabilité. Les épreuves qui ont marqué le début de notre vie en Australie me rappellent, bien entendu, la phrase de Freud qui ouvre De l ‘histoire du mouvement psychanalytique: « Tant que je me suis rendu compte que le destin inévitable de la psychanalyse consiste à susciter des controverses et de l’amertume, la conclusion s’est imposée à moi que je ne peux qu’être le véritable initiateur de tout ce qui la caractérise ».

Cependant, il suffirait de feuilleter un livre d’histoire, non seulement un des livres concernant le mouvement psychanalytique, mais un livre d’histoire des sciences, pour se rendre compte des événements plutôt discutables sinon hostiles qui marquent les débuts des théories nouvelles. La spécificité de la fondation de notre école n’a pas ¿té l’exception à la règle. Je signalerai un seul incident qui ne touche qu’à une seule des manifestations de l’hostilité à laquelle nous étions en butte, et qui mettait en jeu dés le départ l’éthique de la psychanalyse. Peu avant le déroulement du premier Hommage ¿z Freud en Australie en 1979, un individu innommable s’est mis en contact avec moi, d’abord au téléphone et ensuite au cours d’une visite qui a été l’occasion de la communication d’une lettre dont la subtilité allait jusqu’à donner le détail des maux qui allaient nous advenir si nous devions insister pour organiser l’Hommage. D’une main il nous tendait la lettre de menaces, de l’autre la promesse de l’auteur de la lettre que nos salles d’attente ne pourraient contenir tout le monde que l’ on adresserait à nous si seulement nous acceptions d’abord d’annuler l’Hommage et ensuite d’exercer non pas en tant qu’analystes mais sous le couvert de l’appellation psychothérapeutes. Inutile d’ajouter que, toute respectueuse que je suis de la courtoisie, j’ai envoyé cet individu ainsi que l’auteur de la lettre la ou de telles nullités ont leur place. Ainsi a eu lieu, dans des circonstances hostiles et selon un scénario des plus défavorables, l’Hommage à Freud.

Certes il n’y a pas qu’une seule raison pour laquelle l’histoire de la fondation de la Freudian School of Melbourne ne peut commencer par la formule il était une fois ou bien, comme disait mon père Es ¡st passiert ... puisque cette histoire s’est écrite en se faisant et se rattache non pas à un vœu quelconque, mais, précisément, au désir de l’analyste. Cette histoire se lit dans les communications cliniques et théoriques publiées depuis la création en 1979 de Papers of the Freudian School of Melbourne.

C’est pourquoi, donner une idée des débuts de la psychanalyse en Australie —comment, oit et quand elle s’est implantée dans ce pays — pourrait nous permettre de retracer son destin depuis ses débuts. D’ abord. ~a préfacé’2 que Strachev a donnée à Qn Psychoanalysis de Freud, nous apprend qu’en mars 1911 Freud, au même titre que Jung et Havelock Ellis, a reçu l’invitation que leur avait adressée le Dr Andrew Davidson,’4 sollicitant à chacun une communication qui devait être lue devant le Congrès de médecine de i’Australasie le 13 mai 1911 à Sydney. Freud a envoyé Qn psy~h~afl~ly5j5,~5 Jung a contribué une communication sur la théorie des complexes,’6 et Havelock Ellis a donné The Doctrines of the Theories of Freud.’7 Comme Freud lui-même l’a écrit à Ferenczi le 12 mars 1911: « Ii y a deux jours, un autre continent s’est annoncé: l’Australie. Le secrétaire du département de neurologie du Congrès austraio-asiatique s’abonne au Jarbuch’8 et me demande un bref rapport sur mes théories, à paraître dans les publications du Congrès, car ces théoriies sont encore complètement inconnues en Australie >~

Ensuite une lettre du 10 mai 1912 qu’Ernest Jones a adressée depuis Toronto à Freud nous informe de ceci: «J’apprends que vous-même et Jung avez contribué des communications à un congrès en Australie. Je me demande si elles sont accessibles; peut-être les trouverai-je à Londres. Il ne reste maintenant que le Brésil, la Chine et le Groenland à infiltrer. Je continue à penser que, quelles que soient les forces qui s’opposent à nous, nous souffrirons comme Alexandre de l’absence de mondes à conquérir »~ 20

Cependant, comme Ernest Jones2’ nous l’apprend également, Donald Fraser,22 un ancien pasteur presbytérien « dans la lointaine Australie» s’était attiré des malheurs, en 1909, à. cause de l’accord qu’il avait exprimé avec les théories freudiennes, et avait du abandonner par conséquent sa charge. En fait, la même année oit Freud, Ferenczi et Jung se trouvaient à bord du Washington, en route vers les Etats-Unis pour donner les célèbres conférences à Clark University, à la même époque, mais de façon beaucoup plus humble, cet ancien pasteur, ayant terminé ses études de médecine, organisait le premier groupe de lecture sur la psychanalyse en Australie.

En effet, bien des années auparavant, Havelock Ellis, l’Anglais qui a pecrit La Psychologie du sexe, bien qu’il n’ait pas été la personne la mieux placée pour rendre compte de la psychanalyse, avait passé, en 1878, à peu prés une année entière dans la Hunter Valley, à Sparkes Creek, en Australie, comme instituteur, avant d’entreprendre ses études de médecine en Angleterre. En 1911, dans un rapport rédigé pour le Congrès de médecine de l’Australasie, il a écrit : « La psychanalyse de Freud a maintenant ses partisans et ses praticiens non seulement en Autriche et en Suisse, mais également aux Etats-Unis, en Angleterre, en Inde, au Canada, et — je n’en doute pas — en Australasie ».~ Geza Roheim a visité le centre de l’Australie en 1923 et a défendu les thèses de Freud contre celles de Malinowski. En 1937, Ludwig Jekels, qui se rendait à New York, est passé par l’Australie aussi. Il avait fait un séjour en Suède sans réussir à y établir de groupe psychanalytique. Enfin, Susan Isaacs (1885-1948) a, elle aussi, visité l’Australie et la Nouvelle-Zélande en 1937.

On pourrait donc dire que les débuts de la psychanalyse en Australie n’ont pas ¿té trés différents, sur le plan historique, de ceux qu’ont connus d’autres pays. Ce qui les distingue, en fait, c’est que, pour employer les mots de Jones, l’étincelle s’est éteinte 24 bientôt après, comme cela s’est passé au Canada. La correspondance entre Freud et Ferenczi n’est pas moins édifiante au sujet des vicissitudes qu’a connues la psychanalyse à cette époque. L’opposition et les discussions orageuses que suscitait la psychanalyse se révèlent dans ce que Freud écrit en 1914 au sujet de la résistance et du dédain que lui ont témoignés «quelques individus indignes, aventuriers et profiteurs, que l’on trouve des deux cotés en temps de guerre >. Je peux confirmer tout cela aussi.

Nous savons aujourd’hui quels ont été les deux jeux parallèles joués par Ernest Jones, d’une part sauvant la vie à la plupart des psychanalystes originaires de l’Europe centrale, et d’autre part, tout en déclarant vouloir sauver la psychanalyse en Allemagne, consentant à sa nazification par l’établissement à Berlin, pendant la montée de la terreur nazie, de l’Institut Goering, façade juridique de la psychanalyse derrière laquelle s’est opéré un véritable nettoyage des doctrines freudiennes. L’on ne s’étonnera pas de ce que la psychanalyse en Allemagne, dés cette époque, ait été remplacée, au contentement général, par la psychothérapie, et que cette situation n’ait pas beaucoup changé de nos jours.

Le drame des années de guerre constitue le cadre de l’arrivée à Melbourne du Docteur Clara Lazar-Geroe (1900-1980), psychanalyste originaire de la Hongrie et analysant de Balint. Son travail jette les fondations de l’Association australienne de psychanalyse. Au début de la guerre, le Docteur Paul Gnieg Dane, qui avait fait ses études de médecine à I’Université de Melbourne, a écrit à Ernest Jones pour lui faire-part du fait qu’un groupe de psychiatres de Melbourne (Dane lui-même, le Docteur Reginald Elleiy, le Docteur N A Albiston, le Docteur A R Phillips et le Docteur P G Reynolds) s’était vu accorder une subvention leur permettant d’établir un hôpital ou une clinique qui dispenserait un enseignement et des soins en psychothérapie, et lui demandant si un psychanalyste européen voudrait bien venir en Australiei5 Jones a répondu que le Docteur Genoe pouvait bien accepter de venir en dépit du fait que ses préférences pontaient plutôt sur la Nouvelle-Zélande.

The Melbourne Institute for Psychoanalvsis a été créé en 1940, le Sydney Institute en 1951, et en 1952, Clara Genoe, associée à Roy Winn et à deux autres Hongrois arrivés de Londres, Vera Roboz et Andrew Peto, a fondé l’Australian Society of Psychoanalysts comme section de la British Psychoanalytícal Society avant d’acquérir un statut indépendant en 1967. Après avoir été reconnue par l’International Psychoanalytical Association sous forme d’ Australian Study Group en 1967, l’Australian Psychoanalytic Society est devenue Société indépendante et membre à part entière de l’IPA en 1973.

A mon avis et contrairement à ce qui prévaut en général, l’histoire précède le mythe, ce dernier tenue désignant une version embellie de phénomènes qui, en réalité, étaient peut-être moins beaux et moins favorables que l’on ne veut crome. Pourtant, prenant ce point de vue, je me suis appelée à la tâche de rendre compte de l’histoire de la psychanalyse en Australie, à la fois en tant que protagoniste et comme témoin.

L’acte fondateur de la Freudian School of Melbourne26 en 1977 a formalisé une transmission qu’effectuait un discours psychanalytique qui reconnaissait, dés le début, sa dette envers l’enseignement de Freud et de Lacan. Cette transformation du discours dans le champ de la psychanalyse en Australie a eu des conséquences directes et indirectes. La conséquence directe est la formation de psychanalystes avec la procédure de la passe, ayant pour objectif l’articulation de la psychanalyse clinique et théorique. Cette formation comprend l’étude de la théorie, l’analyse personnelle, l’analyse de contrôle et la présentation de malades dans le cadre du centre hospitalier psychiatrique, ainsi engageant, dans les limites de l’efficacité psychanalytique, un dialogue fructueux avec la psychiatrie. L’instauration du discours freudien et lacanien dans divers départements des universités dans le respect de la spécificité de la psychanalyse en extension ne constitue qu’une seule des conséquences indirectes, donnant lieu à un enseignement qui se fonde sur l’échange entre la psychanalyse en extension et les domaines d’études et de recherches qui en relèvent. Cette spécificité mérite peut-&re réflexion parce qu’elle pose le problème autrement aigu de ce qui pourrait passer pour une transmission qui échapperait aux rigueurs du transfert et pourrait donc donner lieu à une identification illusoire du réel de la psychanalyse —qui est en fait la duque — au réel de la science, ainsi favorisant la notion facile que le discours psychanalytique ait déjà atteint le statut du discours de la science.

D’ailleurs je pense que cela constitue peut-&re l’un des défis que la psychanalyse doit relever pour continuer. C’est pour cette raison que jusqu’ici la Freudian School of Melbourne s’est toujours attachée à distinguer non seulement la psychanalyse en intention de la psychanalyse en extension mais non moins le réel de la science du réel de la psychanalyse. Ce défi est souvent esquivé par ceux qui prétendent transmettre un enseignement psychanalytique en brouillant les pistes ouvertes par Freud et Lacan et en supprimant l’évidence que la transmission psychanalytique s’accompagne inévitablement du phénomène indélébile du transfert.

Ces remarques trouvent leur confirmation dans les effets que provoque la transmission, effets qui ne sont pas toujours désirés. La prolifération de petites tendances neo-lacaniennes comme conséquence de l’existence de la Freudian School of Melbourne en est un bon exemple. Ces tendances neo-lacaniennes ont un point commun et symptomatique en dénit de leurs divisions, touchant à leur intention de confondre, ex profeso, intention et extension, ainsi proposant la formation à l’université et une soi-disant analyse à l’intérieur de leurs groupes respectifs.

Le motif de cet exercice réside dans un manque que ces groupes doivent compenser par le prestige que leur prête l’université, compensant ainsi ce qu’ils ne peuvent, en tant que phénomène de groupe, que forclore, restant dans le domaine de la religion. La constitution d’une école psychanalytique à base de grades et non de hiérarchies assume la responsabilité de la transmission, de la formation et de la passe, tout en maintenant les limites mêmes de l’acte psychanalytique.

L’existence de groupes neo-lacaniens est également la conséquence du transfert dont l’objet est la Freudian School of Melbourne et, en tant que telle, pose une autre question à. laquelle il faut répondre. Notre réponse devant ce transfert négatif, aussi partielle qu’elle soit, consiste à dire que, tout comme tous ceux qui passent par une analyse ne finissent pas par devenir psychanalystes ni même par contribuer au domaine propre de la psychanalyse en extension, ni l’analyste ni l’École ne peut abandonner la responsabilité des effets collatéraux qu’ils provoquent sans se trouver dans la situation oit, en même temps et qu’ils le veuillent ou non, ils avalisent par ce fait même les effets en question. Pour nous il s’agit du reste que le discours de transmission ne peut résorber. Lacan en a donné la meilleure définition en affirmant que l’analyste tient son acte en horreur, et Freud y fait allusion en déclarant que la psychanalyse fait ressortir le pire chez les gens.

Ainsi, notre projet consistait à recouvrer l’inconscient freudien, le sortant de l’abandon et de l’oubli auxquels le consignaient les tendances dominantes de l’Annafreudisme, de la Self-psychology, de la Ego-Psychology et d’autres psychothérapies encore. Mais ce retour à l’étude des sources a suffit à provoquer dans le petit establishment psychanalytique à divers niveaux l’agitation, la crainte et une atmosphère de menace. Le projet a montré que la triade freudienne — le moi, le surmoi et le ça — ne correspondait pas à la triade de Lacan l’imaginaire, le symbolique et le réel.

Le premier numéro des Papers of the Freudian School of Melbourne porte en exergue une citation extraite du séminaire de Lacan sur La lettre volée qui porte sur le récit d’Edgar Allan Poe, et comprend cette citation célèbre de Goethe: Und wenn es uns glückt, Und wenn es sich schikt, So sind es Gedanken. 11 va sans dire que nous avons formulé le point de départ de notre projet en fonction dii fait que la lettre volée en Australie était la lettre de Freud. Ce que n’ont pas méconnu ceux à qui, de par leur prestige ministériel, était échue cette lettre, et qui se présentaient comme légitimes dépositaires de la lettre. Notre acte ne devait Jamais être pardonné parce que les premiers ministres 27 qui gardaient la lettre de Freud en souffrance avaient en fait mis à sa place la lettre du Readers ‘ Digest de la psychanalyse. 11 y des déserts oit l’aridité est celle du discours.

Nous avons, par contre, ouvert la lettre qu’on gardait en souffrance, la mettant à la disposition de ceux que concernait la psychanalyse — les psychanalystes. En fait, lorsque nous avons recouvré la lettre de Freud, notre ouvrage psychanalytique a été lu par l’establishment d’une façon que résume ce mot de Crébillon : Un dessein si funeste s ‘/1 n ‘est digne d ‘Atrée est digne de Thyeste.28

On peut se demander s’il est bon d’envisager la situation dans laquelle a eu lieu cette fondation en tenues d’une lettre « volée », mais, comme on l’a vii, la lettre de Freud est arrivée très vite en Australie, dés 1909, et a été gardée en souffrance. Pour reprendre de nouveau l’expression d’Emest Jones, 1 ‘étincelle s ‘est éteinte bientôt après.

La fondation de la Freudian School of Melbourne a donc été à la fois un acte conforme à l’éthique de la psychanalyse et une interprétation nécessaire. Notre tâche a consisté à recouvrer le discours psychanalytique des débris qui restaient d’une répression. A cette fin nous avons organisé le premier Hommage ¿i Freud en Australie, hommage public sons forme de séminaire public oit ont été conviés tous ceux qui se disaient concernés par la psychanalyse. L’outil s’est révélé être à la hauteur de la tâche dans la mesure oit ceux qui se sont exclus de ce deuxième décachetage de la lettre de Freud après la première ouverture de cette lettre au début du siècle, ont réaffirmé la vérité de ce que dit Lacan de l’avenir du psychanalyste qui cède sur son désir.

Rien d’étonnant à ce que la réception ait été plutôt fraîche, puisque l’establishment était hostile à la possibilité d’ouvrir les portes, pour ainsi dire, de ce qui devait rester, à son avis, une société secrète se servant de méthodes secrétes.29 Rappelons-nous que, en ce qui concerne les quelques membres de cette société secrète qui se tenaient au courant de ce qui se passait dans le monde, si Freud était démodé, Lacan était encore inconnu ou bien de l’ordre du sacrilège.

Cette esquisse se poursuit par une autre lettre,30 cette fois la notre, la lettre datant du 22 février 1992 qui donnait notre démission de la Freudian School of Melbourne et qui s’adressait aux analystes et aux membres de 1’École et, hors école, à tous ceux que concernait la psychanalyse. La lettre commence par même en valeur le mot de Platon: Les discours ne devraient être ni longs ni courts mais d’une durée adéquate. «Une école de psychanalyse ne peut s’autoriser qu’à partir du discours psychanalytique. La fondation de la Freudian School of Melbourne marqua le début de cette autorisation.

La psychanalyse habite dans le langage pour la raison structurelle que l’inconscient est issu de lui. L’écrit est la marque laissée par l’acte que le discours accomplit. C’est pour cette raison que, depuis 1977, la Freudian School of Melbourne, école de psychanalyse, écrit la psychanalyse en Australie. Freud et Lacan indiquent une direction.. L’initiation et la transmission du discours lacanien par l’école nous confèrent la responsabilité éthique de développer la théorie et la pratique de la psychanalyse et de faire connaître cette expérience par les traces de l’écrit. Jusqu’à présent, l’école a offert son témoignage dans le champ ouvert par Freud et récupéré par Lacan, en réalisant le programme de travail définit succinctement dans les Douze points provisoires de la Fondation, qui en sont la raison d’être. Mais il y a beaucoup plus que cela encore.

Aujourd’hui, nous démissionnons de l’école. C’est un moment, aussi, ou nous réalisons qu’il n’ est pas suffisant de prendre ses distances. Nous avons essayé de le faire, mais avec un succès seulement formel. Afin d’accomplir cet acte, nous devons permettre au présent, ainsi qu’à notre présence, de se transformer en pas~é pour que l’avenir devienne présent autrement, au lieu d’être une contribution, notre présence serait un obstacle, une sorte de blocage, une résistance. Cette conclusion est inhérente à la place que nous sommes venus à occuper, une sorte de réel échappant sans cesse au symbolique, un obscurcissement imaginaire d’une demande qui ne cesse d’intercepter les demandes des autres. La résistance de l’analyste est, bien sur, un fait.

Il n’y a pas, à l’origine de notre résolution, de différences théoriques avec les analystes et les membres de l’école, mais plutôt des raisons théoriques. Ii y a un temps pour conclure le moment de conclure notre appartenance à la Freudian School of Melbourne est arrivé. C’est le moment d’articuler l’acte saris notre présence afin que puisse se poursuivre ce que nous considérons comme l’acte le plus important de toutes nos années de pratique en tant que psychanalystes: la fondation de l’école et la formation d’analystes. En tant qu’analystes et fondateurs de l’école, notre trajectoire a compris trois moments : le temps de la transmission et de la formation; le temps du fading; et maintenant nous arrivons au temps de la conclusion.

L’expérience analytique vacille entre deux maux vouloir obtenir l’autorisation des autres et faire de l’aphasie et de l’agraphie un semblant de savoir. Ces symptômes, fantasmes d’allusion à un supposé-accessible-objet-de-jouissance, produisent la consistance imaginaire de la diffusion de la psychanalyse. En tant qu’analystes, notre témoignage suit un chemin différent L ‘analyste ne s ‘autorise que de lui-même... et de quelques autres. Ecrire les vicissitudes de la psychanalyse est la répercussion singulière provoquée par la praxis, dans la mesure oit l’écrit touche le réel dans lequel chacun d’entre nous laisse, dans son acte transient, la marque indélébile de ce qui ne cesse pas de ne pas être écrit. Le témoignage de la fin d’ une analyse et de la passe produit son surplus: la transmission de la psychanalyse.

Pendant une quinzaine d’années, nous avons maintenu le désir originel dans l’école à travers la transférence du travail un désir issu de la certitude de la possibilité de la transmission. Nous rédigeons notre résolution sans nostalgie ni regrets. L’école, en tant que produit de notre acte psychanalytique, se trouve en nc~sit~on l’avenir doit prendre possession du présent en le faisant travailler. Ainsi nous sommes arrivés à nos fins: la transmission de la psychanalyse et la formation d’analystes ; mais notre tâche ne s’achève pas la. Aujourd’hui, l’école est nouée par et à travers son travail. Le miroir de l’Autre coté, l’école se consolide différemment, tout en portant la marque d’un fondateur, elle est en train d’effectuer une coupure — coupure qui est impérative, générative. A travers cette coupure, nous soulignons, par cet acte, notre propre effacement, endroit du semblant de l’objet a.

Le désir de l’analyste à l’endroit du semblant de l’objet a devrait laisser vide la place de la cause. Notre résolution laissant la cause vide, nous soulignons la distance et la différence entre l’objet a en tant que place vide et l’objet a en tant que place du fétiche.

Il existe cependant un problème de structure qui jusqu’à présent fonctionne comme destinée, inhérent à la fois à chaque acte de fondation et au fondateur. A propos de cela, l’histoire de la psychanalyse parle d’un mouvement répétitif peu prometteur. Notre résolution avec son résultat tente d’éviter la répétition par une rép onse différente à cette impasse.

A propos des relations entre les institutions psychanalitiques et les fondateurs, nous pouvons lire deux réponses différentes : l’une fournie par Freud qui, en restant attaché à l’I P A, s’est offert comme garantie de la psychanalyse, et l’autre par Lacan, celle-ci amenant la dissolution de son école, l’Ecole freudienne de Paris. En 1977, nous avions écrit, à la fin des 12 Points provisoires pour la Fondation de la Freudian School of Melbourne, que nous nous réservions le droit et le moment de choisir notre propre chemin. Notre résolution de démissionner de l’école est liée intrinsèquement à la transmission de la psychanalyse. Cela nous engage néanmoins, nous et ceux qui veulent poursuivre la tâche, à développer encore cette réponse différente.

L’analyste a toujours horreur de l’avancement de son acte, d’où la constante possibilité de le contrer. L’éthique de la psychanalyse, éthique du bien-dit, exige que notre réponse soit mise à l’essai. Par conséquent, nous quittons I’école. Partis ses fondateurs, l’école sera la cause de sa propre croissance. Elle se soutiendra par son travail avec la seule garantie de la transférence du discours psychanalytique effectuée par ses analystes et ses membres.

Le discours psycbanalytique fut la raison à la fois de la fondation de la Freudian School of Melbourne et de notre départ de celle-ci. Dans notre singularité d’analystes et de membres fondateurs, si nous le pouvons, et si nous en sommes capables, nous devons promouvoir l’acte de conclure, afin de devenir ce rien qu’est l’analyste lorsque la transférence, redingée efficacement, permet à la transmission de passer.

Voilà pourquoi II n’est pas sans conséquence de formuler, parmi tant d’autres choses qu ‘il n a pas d’Autre de l’Autre, qu’il n’y a pas de métalangue, que l’Autre n ‘existe pas, qu’il y a un manque dans /’Autre, que la relation sexuelle n’existe pas, qu’il n ‘y a pas-tout, que la femme n ‘existe pas, que la vérité ne peut être que mi-dite.

Tout ceci implique que l’analyste ferait mieux de s’abstenir à la fois de la jouissance et de la foi en une ineffable et intrinsèque beauté. De cette façon, on peut non seulement avoir la chance de garder ouverte l’avenue du désir, et non de la peur, comme seule possibilité pour son acte, mais il peut en effet avancer vers le réel ».

Cet écrit voulait exposer un acte psychanalytique comme désir de l’analyste, non pas tel que je puisse le dire mien, mais tel qu’il me possède. Voilà pourquoi il continue et voilà pourquoi, comme Lysias l’a dit, il [a été] plus facile d’entamer cette affaire, Messieurs, que de la conclure.

Traduit de l’anglais par Philip Anderson

Notes

1 Bernfeld. Sisyphos oder die Grenzen der Erziehung. Leipzig md Vienna: Intennationaler Psychoanalytischer Verlag, 1928.

2 J Lacan. Lettre de dissolution, 5 janvier 1980. Onnicar? 20/2 1. Paris, Seuil, 1980.

3 Lettre du 17 mars 1911 de Sàndor Ferenczi à Sigmund Freud. Sigmund Freud— Sàndor Ferenczi. Correspondance 1908-1914. Tome 1. Edité par Eva Brabant, Ernst Falzeder et Patnizia Giampieni-Deutsch sons la direction d’André Haynal. Paris, Calmann Lévy, 1992.

4 « La formalisation mathématique est notre but, notre idéal. Pourquoi? — parce que seule elle est mathéme, c’est-à-dire capable de se transmettre intégralement ». Jacques Lacan. Le Séminaire, Livre XX. Encore (1972-73). Paris, Seuil, 1975.

5 Ne peut guère échapper à notre attention le fait que l’attachement au nom implique, du moins en français, une interdiction, un non.

6 J Lacan. Le Séminaire, Livre XXIV. L ‘insu que sait de l‘une bévue s ‘aile à mourre (1976-77). Séminaire inédit.

7 «C’est pourquoi je dissous. Et ne me plains pas des dits ‘membres de l’Ecole freudienne’ — plutôt les remercié-je, pour avoir été par eux enseigné, d’ou moi, j ‘ai échoué ... ». J Lacan. Lettre de dissolution. Loc. cit

8 J Lacan. L ‘Etourdit. Scilicet, no 4. Paris, 1973.

9 L’exemple en est donné dans l’analyse faite par Freud du rêve de la belle épouse du boucher. Voir L ‘Interprétation des rêves (1900). St Ed: Vol IV

10 J Lacan. Le Séminaire, Livre Xi. Les Quatre conc~pzsjbndamentau.x L~..i ~a psychanalyse (1964). L ‘Excommunication. Paris, Seuul, 1973.

11 Voir M-I Rotmiler de Zentner, The Desire of the Analyst - Twenty Years since the Foundation of The Freudian School of Melbourne in 1977. The Lacanian Discourse, Papers of The Freudian School of Melbourne, Vol 19, sous la direction de D Pereira, Melbourne, 1988 pour une histoire plus détaillée de l’histoire de la psychanalyse en Argentine et en Australie.

12 Voir également E Roudinesco et M Plon, Dictionnaire de la psychanalyse. Paris, Fayard, 1997.

13 M et O Mannoni. El estallido de las instituciones, Cuadernos Sigmund Freud, 2-3. Buenos Aires, Nueva Visión, 1972.

14 Voir O Zentner. Lapsychanalyse en Australie. Ornicar? 23. Paris, 1983. "~ Andrew Davidson (1869-1938), né en Écosse, psychiatre à Sydney, était secrétaire de la Section Médecine psychologique et Neurologie du Congrès de Médecine de l’Australasie.

15 Freud. Qn Psychoanalysis (1913 [1911]). Australasian Medical Congress, publié en 1913 dans les Actes du Congrès, Transactions of the Ninth Session, 2, Pan 8, 839-42. Cette communication semble avoir ¿té rédigée en allemand et traduite en anglais en Australie, mais le texte original a disparu. Le texte publié par Strachey est une version légèrement modifiée de celui qui a pan en 1913. Voir Qn Psychoanalysis. St Ed: VolXH.

16 CG Jung. Qn the Doctrine of Complexes (1911). Transactions of the Australian Medical Congress, 9 (2): 835-39.

17 H Ellis. The Doctrines of the Freud School (1911). Transactions of the Australasian Medical Congress, 9 (2): 843-47.

18 Jarbuchfür psychoanalytische undpsychopathologische Forschun gen, abrégé en Jarbuch (Annuaire de la recherche psychanalytique et psychopathologique). Publication périodique dont la création a résulté du premier Congrès psychanalytique en 1908.

19 Lettre du 12 mars 1911. Sigmund Freud— Sàndor Ferenczi. Correspondance 1908-1914. Tome 1. Loe. cit

20 The Complete Correspondence of Sigmund Freud and Ernest Jones, 1908-1939. Sons la direction de R A Paskauskas. The Belknap Press of Harvard University Press, 1993.

21 E Jones. Life and Work of Sigmund Freud Vol. II.

22 Dans le Dictionnaire de la psychanalyse d’E. Roudinesco et M. Plon, il figure sous le nom de Donald Cameron.

23 5 Freud. De l’histoire du mouvement psychanalytique. St Ed: Vol X1V.

24 E Jones. Op. cit.

25 J Dingle. The Entrance of Psychoanalysis into Australia. Papers of Re Freudian School of Melbourne, sous la direction d’O Zentner. Melbourne, 1979.

26 J'ai donné ma démission de la Freudian School of Melbourne en 1992. Voir ci- dessous la note 30.

27 J Lacan. Séminaire sur la Lettre volée. Écrits. Paris, Seuil, 1966.

28 P J 5 de Crébillon. Atrée et Thyeste (V.v.).

29 M R Martin, professeur à Sydney, écrit que « La Société australienne de psychanalyse publie depuis mars 1982 une revue intitulée Scientific Proceedings qui est destinée aux seuls spécialistes. La Société entend faire paraître cette revue, dans un avenir proche, sous le titre 17w Journal of the Australian Psychoanalytical Society et abandonner son caractère spécialisé pour ouvrir ses pages à un public plus large ». Voir Psychoanalysis International, a Guide to Psychoanalysis Throughout the World. Vol 2. Sous la direction de Peter Kutter. Stuttgart-Bad Cannstatt, 1995.

30 M-I Rotmiler de Zentner et O Zentner. Lettre de démission de The Freudian School of Melbourne 22 février 1992. Homage to Lacan. Papers of the Freudian School of Melbourne. Sous la direction de F Bagot, L Clifton et D Pereira. Melbourne, 1992. Texte de la Lettre de démission de The Freudian School of Melbourne 22 février 1992 traduit par Lydie Pradier.

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Revista de Psicoanálisis y Cultura
Número 14 - Diciembre 2001
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