Acheronta  - Revista de Psicoanálisis y Cultura
Le destin n'est pas la prédestination
ou l'amour est un caillou riant dans le soleil
Ignacio Gárate Martínez

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« C'est mon destin, pierre et chemin,
d'un rêve lointain et beau je suis pèlerin.
Atahualpa Yupanki,
Piedra y camino
, (zamba)

 

A Joël Dor "avec qui j'ai tant aimé"

Puisqu'il nous faut mourir…

Voilà la certitude qui nourrit la méditation eschatologique et qui relie, dans le même souci de destination, la fin d'un homme et la fin du monde. C'est de cette méditation que naît, dans le discours philosophique, une conceptualisation mythique du destin comme déploration d'une communauté de vie perdue 1. Le destin des hommes correspondrait-il, dès lors, à la jouissance majestueuse 2 d'un Dieu qui se cache 3? La fatalité nécessaire, la mort insensée, la terrible injustice qui vient taxer l'amour avec des normes d'absence, qui vient tondre les blés et les moutons et l'ami des entrailles, cet avenir trivial qui nous impose de naître et de mourir sans partenaire, enveloppés de véritable solitude, l'ensemble des tristesses et des reconnaissances que nous entassons dans les archives de nos cœurs --impossibles vociférations--, nous ramènent au destin comme une vocation tragique.

Puisque c'était écrit…

Voilà la lettre qui nous trace une vie, quels que soient les détours que notre volonté débile parvienne à lui faire exécuter : mon destin est écrit dans le livre de la vie 4 et, quoique moutonnant au gré des tourbillons du désir, il dépendra, au terme, du fleuve qui nous mène ou du frêne qui nous soutient 5.Cette écriture implacable nous soumet à la destinée cruelle : soit d'être forcés par un néant insensé --fils du hasard et de la nécessité--, soit de prier Dieu, le Jour de l'An 6 pour qu'il nous inscrive dans le Livre de la Vie, en attendant le Grand Pardon 7.

Puisqu'il nous faut vivre…

Nous essayons d'habiller nos jours avec une touche de parfum qui soit nôtre, un accent singulier, une trace subjective dans l'univers assujettissant ; nous déguisons d'errance nocturne nos insomnies, notre peur, notre enfance dépouillée de cette mère, baleine de tous les cieux 8, envahissante mais indispensable, qui nous comblait tant et dont le délitement progressif nous rend les ans irrespirables et nous vieillit. Pourtant il nous faut vivre jusqu'à toucher le fond : Parce que nous vivons par à-coups, parce qu'on nous permet à peine de dire que nous sommes qui nous sommes, nos chants ne peuvent pas être sans pêché, simple ornement, ainsi nous touchons le fond 9.

Qu'il soit philosophique ou littéraire, le discours sur la fin de l'homme s'intéresse autant aux conditions de possibilité de sa désaliénation qu'aux causes de son ratage : le destin serait ainsi, soit la limite singulière de la liberté de l'homme, soit la trace après-coup de l'illusoire de cette liberté.

Nous ne parlons pas ici de l'homme neuronal 10, cet homme machinal et composé d'organes dont Henri Ey brocardait les parures 11, mais d'un homme crépusculaire, divisé par l'action de penser et soucieux d'en faire un acte où s'inscrit son humanité, où s'effectue la promesse de son origine impossible, où se perpétue sa parole en acte.

Nous ne nous situons pas dans la dimension d'une parole réduite au caractère binaire de la communication cybernétique 12, cette épuration de l'humain qui rentabilise l'information en diminuant les bruits, mais de cette tentative de dire sur l'impossible à dire, qui fonde le rapport d'un homme à sa parole, c'est-à-dire à son ambiguïté constitutive. Car c'est, en effet, dans le champ de la parole que se joue le destin de l'homme, serpent du verbe, accoucheuse de désirs en lambeaux. C'est dans le rapport à la langue, dans le refus de la tyrannie d'un dire trop droit, que s'instaure notre rapport à l'impossible par le biais de la métaphore, l'acte créateur qu'implique la métaphore : une métaphore qui n'est pas seulement ouverture à un nouveau monde de possibles 13, mais "découpe" de l'une des possibilités d'instruire un rapport à l'impossible.

Nous ne défendons plus ce parcours "humanisant", au caractère presque initiatique, qui a bercé nos premiers pas dans la clinique psychanalytique. Il suffit d'un déplacement minime dans la position d'un sujet, pour que change, dans un véritable remaniement, l'ensemble de son rapport au discours et que la répétition ânonnante d'une parole de souffrance, se mue en véritable rapport à l'acte de parole où s'incarne le sujet du désir. La clinique nous apprend, dans sa logique littérale, que l'humain est tout entier donné dans l'homme et que la longueur du chemin importe moins que la position dans laquelle il conclut à travers les tours et détours de sa demande d'amour.

Nous savons maintenant qu'en dernier terme c'est la position face à l'amour qui nous trace un destin, dut-il s'engoncer encore dans la répétition, car le rapport au symbolique ne suffit pas à fonder une parole, si elle ne comporte pas la confrontation avec le réel d'un désir, la castration comme ouverture du corps au risque de la vie 14. Désir de reconnaissance (eromenos)ou désir d'exercer la vie (erastes) ne sont pas des contraires, mais des rapports au sens, dont la dialectique instaure une position dans le monde.

Car le destin en psychanalyse ne peut être situé que dans cette relation avec l'impossible que constitue le "réel" dans la topique lacanienne. Il s'agit du réel comme limite à l'interprétation, et qui est du même ordre que l'ombilic du rêve chez Freud  15, ou l'ombilic du temps chez Nietzsche 16, un ordre que F. G. Lorca résume --si l'on accorde quelque crédit à l'intuition poétique-- dans cette phrase remarquable  : « Le rêve se tient sur le temps et flotte comme un voilier. Nul ne peut ouvrir des semences au cœur du rêve 17. »

Voilà la limite dernière, la fin incontournable de toute quête, l'ombilic pour les uns, l'horloge chronologique pour les plus prosaïques, horloge de la sagesse pour les mystiques 18 qui se méfient de la panthéonisation des compréhensions rationnelles, comme du rêve totalitaire de maîtrise qui aboutit, si souvent, à une théorie de contraintes, car le scientisme repose soit sur la non-contradiction, soit sur la séparation des systèmes autour de leurs axiomatiques. S'il n'est aucun savoir qui souffre le paradoxe comme instaurateur d'une vérité autre 19, ne vaut-il pas mieux en rester à la docte ignorance ?

Le destin de l'amour, mais de quel amour s'agit-il ? Le temps du destin, mais dans quel rapport à l'histoire ? Quel est cet entre temps, cet entre deux, cet entracte qui nous fait une vie de l'origine à la mort ? Peut-on penser que tout destin est comparable, toute parole insensée ? Tout désir est dérisoire. Mais le sujet qui se reçoit de la parole d'un Autre, peut-il se forger un destin ou reste-t-il condamné aux dents agacées par les raisins verts que mangèrent ses pères 20 ?

Il est un pays, une langue, une manière de vivre, où la question du destin se glisse sans révérence, dans chacun des moments de la vie, triviaux ou non, car elle est écriture et fleuve, sens tragique de l'existence aussi, que seule l'agonie, l'obstination agonique du désir parvient à forcer, si la fortune du prédestiné réussit à casser --parce qu'il est sans concessions-- le bras de fer que lui propose le duende  21. Il s'agit, dans la langue vivante, de l'une des formes de rencontre de la nécessaire fatalité 22, part manquante ou expérience de limite échue à chaque sujet 23, avec le désir obstiné d'un sujet à l'épreuve de son expérience 24 et qui se bat pour le dire, le nommer, vaincre ou dépasser. Cette limite inflexible s'adresse à la conscience mortelle et préside à la lutte entre les forces qui répètent la souffrance par le biais du symptôme, et celles qui répliquent la vie dans une autre répétition : il arrive que le corps exulte.

Sans doute une rencontre signifiante fut décisive, à l'aube de l'institution de la langue espagnole, lorsque se produisit la réunion étonnante de trois langues (l'arabe, le latin et le wisigoth), dans ce qui sera le creuset du moyen âge et qui, transformera la lourde fatalité des sables du désert en formulation d'une demande pressante, lorsqu'elle passe du 'in sã llâh fatalement mélancolique (si Dieu le veut) à l'ojalá (wa sã llâh) du désir empressé qui refuse la soumission pusillanime ("ojalá" en espagnol veut dire « que Dieu le veuille ») 25. Forcément, cette rencontre sublime, pour rester près du peuple ou de la langue vivante, suivait les pas de l'étalon arabe qui, grattant les sables de ses pieds endoloris par le désert, comme un galop de peine noire, se mit au trot dans la plaine andalouse incertaine et mouvante, et fit ainsi du chagrin, figure ou cri, broderie, dentelle, ambiguïté et même joyeuseté de dire et d'inventer une démarche, tangentiellement reliée au fleuve du destin : victoire du désir parfois. L'expression "ojalá" marque dans la langue espagnole la rupture d'avec la fatalité orientale pour faire une place au désir du sujet dans le destin de l'homme.

Si la figure du duende introduit dans la littérature et dans l'art populaire, en Espagne, cette possibilité du désir dont l'obstination fait un croche-pied au destin, dans la psychanalyse c'est l'interprétation que permet le transfert, immixtion du temps de savoir 26, qui interrompt la répétition des destins des pulsions du Moi (de destruction comme de conservation  27) par la présence du sujet au delà du Surmoi  28. Le désir forcerait alors le destin "prédestiné" ou "prédéterminé" en transformant l'invocation imaginaire des ancêtres (compulsion de répétition), en convocation symbolique d'une lignée (réconciliation avec le désir qui nous a portés  29). Ce n'est pas le même destin !

Ombilic du rêve, ombilic du temps, semence impossible, destin de l'amour…

Si le destin, tel que nous en parle la littérature, dans une conception mythique de l'histoire, inscrit une forme de temporalité ou une linéarité qui se déroule du début à la fin, du passé à l'avenir, en ignorant presque le présent, qui n'est qu'un point aveugle de la destinée, l'inconscient freudien et la modernité qu'il instaure, ouvrent à un présent dont le sujet est protagoniste parce que le passé comme l'avenir sont, dans l'inconscient, atemporels 30.

L'invention du présent introduit une rupture radicale dans la conception du monde parce qu'elle renverse l'importance des termes : le présent n'est plus un instant qui s'enchaîne à un autre pour me faire un avenir, mais l'étendue de mon individualité qui inscrit mon passé dans un acte à venir.

L'invention du présent implique un passage, non moins radical, du clan à l'individu, du peuple à la personne, qui apparaît, dès lors comme responsable ou libre de se forger une destinée en solitude.

La condition préalable est que la horde primitive et totémique se donne une possibilité de sortir du clan, même organisé, pour entrer dans l'histoire des sujets, en sacrifiant un, le plus coupable d'entre eux, afin qu'il expie le crime des origines. En effet, comme le signale Freud dans une intuition remarquable, il fallait que Moïse ou Jésus soient véritablement coupables, et que Paul rompe avec la notion de Peuple élu, pour situer le sujet dans la dimension de l'universel  31. Ainsi, il nous faut reprendre en considération l'explication traditionnelle de la rédemption dans la culture chrétienne. La passion n'est plus celle d'un innocent sacrifié, mais celle du Un, un corps fait pêché et immolé en représentation d'une masse pour inventer le sujet de l'amour : « S'il faut que Celui qui est mis à mort soit le plus coupable, qui donc est mieux placé que le Messie, Lui qui représente l'idéal de la masse : l'idéal de l'Un ? Même si Jésus ne se donnait pas pour Messie, il faisait représentation à cette place 32, c'est donc en se faisant coupable  33 à la place de la massa damnata 34, là où elle est définitivement mise à mort, qu'il ouvre la possibilité d'un destin du sujet en dehors de la répétition imposée par la horde. 35 » Si l'attribution structurale à Jésus du signifiant "Messie" le convertit en représentant d'une représentation, son acte le fait Christ, production signifiante nouvelle à la place du Messie 36. Cette instauration dans le symbolique est une rupture signifiante avec le destin qui ne peut pas se fonder dans un simple rapport aux instances du Surmoi ; une rencontre est nécessaire avec le réel du corps ou avec la marque réelle de la lettre. Quel que soit le système de croyance, l'écriture évangélique et la coexistence du signifiant Messie à côté de celui de Christ 37, transformera l'idée même de l'attente et la compréhension du destin de celui-ci, y compris pour le monde juif 38.

La notion de destin se confond, dans l'inconscient, avec celle de répétition, l'interprétation psychanalytique s'inscrit à son tour comme processus graduel de symbolisation dans le présent, d'un passé qui devient, dans l'avenir, une production signifiante nouvelle. Mais pour que ce devenir soit un advenir, au sens d'un avènement du sujet, cette production symbolique doit toucher au réel de l'acte de parole. Encore faut-il dépasser la considération d'un destin en relation exclusive avec les instances du Moi.

Le destin de la répétition intervient en effet, par le biais de la demande, dans la destinée du Moi. C'est ainsi que, autour de la figure de Don Juan, la littérature espagnole nous propose trois destins d'homme, d'hommes contraints et soumis au devoir de posséder l'objet de leur demande d'amour sans en jouir jamais et qui aboutit, à une exception près, dans un lieu de damnation, depuis toujours prévu pour eux : leur destin était alors prédestiné. Les deux Don Juan et Don Álvaro doivent tourner et retourner autour d'une demande insatiable qui ne fait que cacher l'impossible réconciliation de leur désir et de leur image. La casuistique s'en empare et projette sur eux une ombre de morale pour leur faire un destin. Mais alors que les deux premiers succombent à la force d'ananké, le troisième, par une pirouette finale, parvient à échapper à sa fin prédestinée. Nous allons voir comment cette issue hors destination est rendue possible par la présence d'un autre, alors que le moqueur de Séville et Don Alvaro ne se situent qu'en rapport à l'objet de leur demande, sans autre qui fasse médiation.

Le Don Juan de Tirso, presque baroque, paye nécessairement ses dettes, malgré l'instant dernier de sa demande, parce que toute sa relation au monde est bâtie comme une possession effrénée de l'objet qui toujours lui échappe, et même sa demande dernière est exigence fébrile de sacrement comme objet du pardon : « Laisse-moi appeler quelqu'un pour me confesser et m'absoudre ». Son Moi tapisse l'univers et il n'existe pas d'autre qui ne disparaisse pas immédiatement sous l'objet de sa demande de jouissance. Son destin est impitoyable, qui ne tient pas compte de la justification rationnelle du Tenorio : « Je n'ai pas trompé ta fille, puisqu'elle a percé mes manières trompeuses. » Non, il ne l'a pas trompée, il s'en est servi. Tout délai arrive à terme et toute dette se paye. Voilà le destin de Don Juan Tenorio, le moqueur de Séville 39, qui ne connaîtra, quelle que soit sa demande ou son repentir ultime, nulle chance de pardon parce qu'il est seul face à un Univers d'objets dont il fait simple usage.

Deux destinées romantiques divergent à partir de ce Don Juan : la première, par la plume du Duc de Rivas 40 nous montre l'impitoyable et l'absurde de la répétition, la folle course des enchaînements prédestinés qui est moins en rapport avec la faute ou l'absence de crainte de dieu, qu'avec le manque, la chance manquée, la confusion imaginaire du désir et des envies, lorsqu'elle n'est que la répétition déplorable d'un passage à l'acte. C'est Don Alvaro, le revenant enrichi des Indes d'Amérique, celui qui n'a pas de nom d'un père et qui devant le refus du Marquis de Calatrava de lui donner sa fille en mariage, préfère le rapt et la fugue à la parole, et provoque l'enchaînement des actes de destruction. Concaténation misérable de hasards et de morts, qui éloignent le sujet de l'objet de sa quête, et qui nous laisse sans voix, lorsqu'elle ne nous provoque pas un éclat de rire hérissé de rejet, tant l'absurde nous semble naître de l'absence de parole vraie. C'est l'enfer des meilleures intentions. Don Alvaro voulait aimer, mais en forçant le destin. Dès lors il ne peut que succomber à la force de son propre acharnement ; contre qui ? Il n'y est pour rien, mais contre tout, et le passage à l'acte répété n'est pas en cette occasion, la maladresse inaugurale d'un acte à venir et en attente d'articulation. Ainsi le cœur de moines clôturera cette histoire insensée par un : « Miséricorde, Seigneur, Miséricorde ! » qui accompagne le suicide "diabolique et convulsif" de Don Álvaro : « Enfer, ouvre ta bouche, avale-moi ! Que les cieux s'engloutissent, que la race humaine périsse ; extermination, destruction… ! (Il grimpe au plus haut de la montagne et se précipite dans le vide) » 41

Le Don Juan romantique, Don Juan Tenorio, celui que dépeint Zorrilla 42 à la suite de Tirso, a saisi comme un murmure, le souffle de l'altérité. L'acte III 43, nous le présente ainsi avant de forcer la main du destin : « Ce ne fut pas ma faute : un délire malsain/ vint aliéner mon esprit échauffé./ Ma main nécessitait des victimes/ pour les immoler à ma foi désespérée,/ et les voyant au milieu de mon chemin/ je les rendis la proie de ma folie./ Ce ne fut pas moi, Dieu vivant ! Mais leur destin !/ Car ils connaissaient mon adresse et ma fortune./ Oh ! Je sens mon cœur en proie/ d'un vertige infernal…, mon âme perdue/ traverse hélas le désert de la vie/ telle une feuille sèche que le vent emporte./ Je doute…, je crains…, je vacille…, dans ma tête/ je sens brûler un volcan…, mes pieds se meuvent/ sans volonté, et ma grandeur est humiliée/ par un je ne sais quoi de grand qui me fait peur. » L'Autre vient frapper un coup dans la cuirasse du Moi, et sa force résonne comme dans une forteresse vide. L'angoisse, comme une douleur, fait signal dans le Moi 44, elle y inscrit la part de l'Autre, et, parce que cette part y trouve une place, l'altérité, enfin reconnue, ouvre à la dimension dernière de la réconciliation. Ce sera, la main de Doña Inés, celle dont l'honneur dans l'amour fait oublier la renommée (rejeton du Surmoi), qui viendra le saisir, au dernier instant, alors que la statue du destin lui crie qu'il est trop tard. A la place du réquisitoire dogmatique du Don Juan de Tirso, celui de Zorrilla 45, proclame sa foi comme pressentiment d'un Autre et c'est cet acte de parole, expérience d'une limite, concession ou reconnaissance de cette part inaliénable des origines qui nous manque, qui sauve Don Juan ; le féminin est porteur aussi des forces du désir qui chassent les fantômes : « Moi, Dieu saint, je crois en toi ;/ et si ma méchanceté est inouïe,/ ta piété est infinie…/ Seigneur prends pitié de moi ! »

Le Don Juan romantique, au terme de son parcours, parvient à interrompre sa vocation tragique, en invoquant l'Autre. Il nous montre ainsi que le destin n'est pas la prédestination, pas seulement. Mais, cependant, il nous faut bien convenir que cette reconnaissance tardive de ce qui lui manque, lui donne un contour imaginaire sans parvenir à faire entame : quelle que soit la puissance chamanique de l'invocation jaculatoire elle ne peut pas remplacer la rencontre symbolique où le vide de l'Autre fait appel. La convocation comme appel à un agir qui, sans interrompre la lignée, met fin à la répétition de la souffrance, parce que le sujet arrive à se déplacer de la jouissance qui l'aliène vers l'acte qui le fonde.

C'est ainsi que nous pouvons comprendre la dimension de la vocation en termes de destin, et saisir combien l'acte final du prédestiné était prévu depuis toujours, à condition seulement qu'il ait lieu à la fin. C'est après-coup que nous pouvons reconnaître que c'était écrit, puisque cela a eu lieu. La prophétie préalable ne fonde pas le destin elle est ouverture symbolique, appel du passé à une rencontre future qui la nommera comme telle dans le présent de l'acte. La prophétie n'est prophétie qu'après-coup, pourtant elle est nécessaire dans le passé pour y inscrire ou présenter l'appel.

Il serait invraisemblable de séparer les destins du sujet et les destins du Moi, ils sont tissés ensemble dans le parcours d'une personne. De la même manière que dans l'amour, création et répétition de la névrose se fondent et se confondent dans la vie de couple, la métaphore en acte, la création amoureuse doit, à l'instar de l'avènement du sujet, composer avec la structure de souffrance qui chiffre son symptôme : « Laide, en sa boutique la mer n'a pas tes ongles,/ belle, fleur après fleur, étoile par étoile,/ vague par vague, amour, moi j'ai compté ton corps :// ma laide, je t'aime pour ta ceinture d'or,/ ma belle, je t'aime pour la ride à ton front,/ mon amour, j'aime en toi le clair avec l'obscur. 46 » Ce qu'on appelle un parcours en psychanalyse, n'est pas à entendre dans une linéarité situant le destin comme figure mythique qui préside au passé, au présent et à l'avenir. Le parcours psychanalytique, spirale de mots en attente de rupture ou de scansion signifiante, nous montre un trajet où se disent et redisent les mêmes histoires sans cesse, mais qui se déplacent dans d'autres mots, d'autres anecdotes et qui reviennent au point de départ, avec un je ne sais quoi de divers, un petit rien de différent. Le Moi est en attente d'entame et répète ses histoires tout au long de sa vie pour se donner un nom.

Voilà le trajet du destin en psychanalyse comme ouverture au passage du Nom-du-Père au Père du Nom. Nous l'avons longuement travaillé à travers l'histoire de Jacob et nous n'en livrerons dans cet article que quelques points structuraux 47.

La grossesse de Sarah est la conséquence nécessaire de la vocation d'Abraham qui quitte son pays et les siens sur l'ordre de Yahvé et en échange d'une promesse 48.La vocation du Père sera transmise au fils de génération en génération, mais sans doute pas par le simple fait du sang : la transmission héréditaire pose un problème symbolique qui touche au désir de l'héritier prédestiné. Isaac, fils d'Abraham et de Sarah, est un héritier dont le désir n'est pas présent ; c'est sa femme, Rébecca, choisie par son père, qui devient destinataire de la promesse. Elle le devient après avoir exprimé son désir de marcher (au sens d'une traversée, ou passage, Poreuvsomai/poreúsomai) à la rencontre d'Isaac  49, lequel ne fait rien d'autre que l'aimer et se consoler ainsi de la perte de sa mère 50. Il reste en position de fils 51 jusqu'à la mort d'Abraham, même s'il hérite de tous ses biens. C'est toujours en position de fils qu'il implore Yahvé et pour sa femme parce que celle-ci reste stérile. Qu'il est difficile d'accomplir la promesse ! D'ailleurs Rébecca conçoit deux enfants qui se battent en son sein (à quoi bon cette vie s'il faut souffrir autant) ; et Yahvé annonce deux nations, l'une dominera l'autre, celle de l'aîné deviendra un peuple qui dominera l'autre peuple. Voilà l'annonce, la marque d'un appel au désir qui permettra, après-coup, d'affirmer que la fonction de Jacob était prédestinée par Yahvé et cela dès avant la naissance  52.De cet appel les deux fils pourraient bâtir réponse, mais Esaü reste collé à son besoin alors que Jacob se situe du côté de la demande. C'est la marche de Jacob, porté par le désir de Rébecca, qui va lui faire un destin. Il ne s'agit pas d'une prédestination, comme ce fut le cas d'Isaac qui n'est que médiation sans demande entre Abraham et Jacob. Rébecca, la seule femme de la Bible qui fasse la loi 53, soutient la demande de Jacob, elle porte son désir et le protége, elle le commande et le guide, y compris dans la tromperie, jusqu'à l'onction symbolique qui le désigne comme héritier du Nom d'un Père, d'une lignée et d'une promesse, mais pas au delà. Au delà il y a Jacob tout seul face à sa propre demande, tout seul avec son désir, tout seul avec son corps, désirant une rencontre qui nomme, une perte qui marque pour lui faire un contour. Il y a un passage, un torrent et une soif. Il y a une marque au côté comme trace du désir, et l'engendrement d'un Nom dont il est le seul Père et qui naît de l'impossibilité de nommer l'Autre : Israël. La création du nom de Jacob est rendue possible comme l'une des manières de faire face à l'impossible de nommer l'Autre 54. Le destin de Jacob est une onction à la place d'un manque et ce manque n'est pas seulement de l'ordre du symbolique, parce qu'il comporte une perte réelle dans le corps. Jacob renouvelle ainsi la promesse d'Abraham et la déplace. Il n'était prédestiné qu'à condition de répondre à cet appel. La personne de Jacob a donné une destination à l'énergie de son désir, cette destination, l'acquisition d'un nom (Israël), était prédestinée : soit à être refoulée (et ce fut le cas d'Esaü qui, collé aux besoins de la pulsion, se fait un destin de la passivité), soit à être sublimée 55. Nous remarquerons aussi que la coïncidence du désir et de la Loi chez Jacob, opèrent un déplacement sans rupture dans la lignée (Jacob ben Isaac ben Abraham -->Israël) : une subversion. L'histoire de Jacob est la métaphore de l'interprétation ou de l'acte analytique qui, à partir du malentendu du désir, conduit à un paradoxe d'où s'instaure une rupture avec la répétition.

Mais le destin du sujet ne consiste pas seulement en cette ouverture à un nom dont l'effet soit créateur. Le destin du sujet est aussi --rejeton du langage-- l'intersignifiance et, dans cette relation, une ouverture à l'autre qui ne s'épuise pas dans la relation d'objet : peut-on parler de pulsion ou de quête sans objet ? Pouvons-nous concevoir une sublimation sans refoulement ? La création serait-elle l'antonyme du manque ? L'ombilic du rêve, l'ombilic du temps, la semence impossible, le destin de l'amour. Que ferai-je de mon rêve, ce rêve dont je suis le pèlerin, ce rêve lointain et beau que je poursuis, et qui me forge un destin de pierre et de chemin 56 ?

A la différence de Jacob, le destin de Jésus ne semble pas se réduire à l'acquisition d'un nom ni à la mort au Calvaire. Nous avons vu que le nom Christ est une médiation qui introduit une subversion, à la manière d'Israël, dans le cas de Jacob, par la coïncidence du désir et de la Loi. En ce sens la mort au Calvaire est une conséquence nécessaire mais non désirée en tant que telle. Le destin reconnu de Jésus, devenu Christ, pour ceux dont il devient l'objet de la pulsion (d'amour ou de haine), c'est l'amour. La mort du Un, abolit sa figure de destin pour en faire simple destination et proclamer l'universalité de l'amour du Père. Jésus répond à un appel en identifiant son désir à la Loi 57 et dès lors sa vocation trouve une consistance dans l'accomplissement de l'amour. C'est au moment de mourir que le destin parvient à sa destination ultime : la symbolique de la lignée reste en relation étroite avec celle de l'amour et devient consistante, à condition que l'acte d'amour renonce à la jouissance de l'objet pour faire ouverture. Mais, même si par cet acte instaurateur d'un amour qui passe par la perte de l'objet, le Christ accomplit son destin ou sa vocation, l'homme Jésus n'épuise pas là sa demande, le Fils de l'Homme ne réduit pas son manque à néant, il ne se confond pas avec l'Un qui reste barré en faisant retour au Père. Il avait déjà annoncé la sublimation comme alternative à la répétition d'un désir refoulé et qui multiplie les objets d'amour et leur échec à faire rapport (sexuel) 58. Mais la sublimation n'est pas l'équivalent de l'épuisement de la demande, elle est, au contraire, source éternelle d'où jaillit toujours "soif". Le destin de l'amour, la vocation de l'amour, n'est pas de posséder l'objet en y mettant tout un refoulé qui devient sublimé. L'exercice d'aimer n'épuise pas la demande d'amour, au contraire, elle destine jusqu'au bout le sujet à se faire pierre, caillou réchauffé par un soleil ; silence d'une attente jamais résolue, jamais close, perpétuée en ce pèlerinage de la vie où le rapport d'intersignifiance entre deux êtres ouvre au jaillissement éternel d'une lignée assoiffée des eaux vives.

La clinique psychanalytique nous montre cette division perpétuelle entre le refoulement et la sublimation que nous avons voulu illustrer à travers des figures littéraires, sans pour autant faire de la psychanalyse appliquée. La consistance de l'amour ne se transmet pas dans l'histoire, dans le récit, ou, pour le dire autrement, dans le sens de la métaphore. Si l'amour fonde l'interruption de la répétition c'est parce que le réel d'une rencontre se fait pierre, lieu instaurateur d'un passage, signal d'une présence, stèle d'un puits pour la soif, ouverture à l'altérité. Cette marque inaugurale, n'est pas l'histoire d'une personne ni la trace de ses ratages ni l'écho de sa demande. Elle est le point singulier, topologique, d'une victoire, la marque signifiante d'un lieu où le désir s'en sort victorieux et hors la mort.

"J'ai soif" 59 dira ce corps qui retourne à sa mère 60, qui se souvient d'un temps à jamais révolu, un enfant si fragile, si doux, si misérable, un corps dans le besoin qui s'éprend de désir… Et ses lèvres exsangues le prononcent encore : j'ai soif de cette vie dont je me suis privé et de cette eau fragrante que je vous ai fait boire. Mais "qui boit de cette eau n'aura plus jamais soif" d'aucune autre boisson, d'aucun autre désir ; il restera planté au bord de la lumière, sur le montant du seuil sa main reposera, il restera en attente d'une parole pleine, d'un amour sans objet, du lointain d'un départ. L'amour est un caillou riant dans le soleil et le destin de l'homme le silence des pierres.

Bordeaux, Automne de 1999.

Notes

1 Cf. Clément, Catherine ; article destin, Encyclopædia Universalis, Version informatique, 1998. Voir aussi Hulin, Michel ; article eschatologie, même source.

2 Ávila, Thérèse (d') ; l'homme doit connaître et reconnaître «la profondeur de son néant et l'incomparable Majesté de Dieu» (Camino, chap. XXXII). Obras completas , coll. B.A.C., Editorial católica, Madrid, 1961.

3 Isaïe, 45, 15, La Bible de Jérusalem  : « En vérité tu es un dieu qui se cache… »

4 Ficin, Marsile ; De Vita libri tres , 1489 (Les trois livres de la vie), trad. G. Lefèvre de La Boderie, Paris, 1582.

5 Pour citer l'Yggdrasill « idéogramme de la mythologie scandinave » cher à Mircea Éliade, La Nostalgie des origines. Méthodologie et histoire des religions, Gallimard, Paris, 1971.

6 Rõsh Hashãnãh.

7 Yom Kippur. 

8 García Lorca, Federico ; Luna y panorama de los insectos, in O.C., Poèmes épars, Aguilar, Madrid, 1969, p. 647 : « Toi, Mère toujours redoutable. Baleine de tous les cieux./ Toi, Mère toujours blagueuse. Voisine du persil pesté (sic)./ Tu sais que je comprends la chair minime du monde. (Traduction personnelle)»

9 Celaya, Gabriel ; La poesía es un arma cargada de futuro, in Trayectoria poética, Antología, édition de Jose Angel Ascunce, Clásicos Castalia, Madrid, 1993, p. 203 (Traduction personnelle).

10 Elisabeth Roudinesco vient d'en faire la critique. Cf. Pourquoi la psychanalyse ?, éditions Fayard, Paris, 1999.

11 Lacan, Jacques ; Propos sur la causalité psychique, pp 159-160 : « Non, c'est plutôt le rêve du fabricant d'automates, dont Ey savait si bien se gausser avec moi autrefois, me disant joliment que dans toute conception organiciste du psychisme, on retrouve toujours dissimulée " le petit homme qui est dans l'homme ", et vigilant à faire répondre la machine. » Voir aussi Position de l'inconscient p. 846 : « Car on peut supposer que l'absence d'appareil sensoriel chez l'Hommelette ne lui laissant pour se guider que le pur réel, elle en aurait avantage sur nous, hommes, qui devons toujours nous fournir d'un homuncule dans notre tête, pour faire du même réel une réalité. » in Écrits, Seuil, Paris, 1966.

12 Gárate Martínez, Ignacio (avec Laurence Gautier) ; La fonction cadre, vers une éthique de l'engagement, éditions du Sunforep, Bordeaux, 1992, p. 50 : « Dire fait appel à une loi qui se différencie du champ de l'interlocution en dévoilant que toute interaction est avant tout relation d'intersignifiance, parmi les bruits que l'approche cybernétique essaye de réduire se trouve le bruit du désir lorsqu'il n'est pas dit. Dire est un acte qui montre l'écart structurel entre les lois du langage et la loi de la parole. »

13 Ricœur, Paul ; La Métaphore vive, Seuil, Paris, 1975.

14 Audouard, Xavier ; Sortir de la croyance, l'ici au delà, l'Harmattan, Paris, 1997, notamment, à ce propos, les pages 116-126.

15 Freud, Sigmund ; L'interprétation des rêves, 1900a, PUF, Paris, 1967, p. 446 : « Les rêves les mieux interprétés gardent souvent un point obscur ; on remarque là un nœud de pensées que l'on ne peut défaire et qui n'apporte rien de plus au contenu du rêve. C'est "l'ombilic" du rêve, le point où il se rattache à l'Inconnu. Les pensées du rêve que l'on rencontre pendant l'interprétation n'ont en général pas d'aboutissement, elles se ramifient en tous sens dans le réseau enchevêtré de nos pensées. Le désir du rêve surgit d'un point plus épais de ce tissu, comme le champignon de son mycélium »

16 C'est José-Miguel Marinas qui nous offre cette référence. Nietzsche, Friedrich ; Also sprach Zarathustra, Ainsi parlait Zarathoustra, Gallimard, collection Folio, Essais, Paris 1971, p. 275.

17 García Lorca, Federico ; Así que pasen cinco años, Leyenda del tiempo en tres actos y cinco cuadros ; Acto tercero : « El sueño va sobre el tiempo flotando como un velero. Nadie puede abrir semillas en el corazón del sueño. (traduction personnelle)» O.C., Aguilar, Madrid, 1969, p. 1108.

18 Seuse, Heinrich (dit Suso) ; face à la Déité : « Tranquille obscurité demeurant en elle même », la créature dénudée, peut devenir par adoption ce que le Verbe même est par filiation. Gandillac, Maurice (De) ; De Johann Tauler à Heinrich Seuse, in Études germaniques , octobre-décembre. 1950.

19 Dor, Joël ; L'a-scientificité de la psychanalyse, Collection Émergences, aux éditions universitaires. Tome I «L'aliénation de la psychanalyse»; Tome II «La paradoxalité instauratrice», Paris 1988.

20 Jérémie 31, 29 et Ezéchiel 18, 2 dans la Bible de Jérusalem. Ils donnent titre à l'ouvrage clinique de Catherine Mathelin, Raisins verts et dents agacées, dans la collection l'Espace Analytique, chez Denoël, Paris, 1994.

21 Gárate Martínez, Ignacio ; Le Duende, jouer sa vie, de l'impossible du sujet au sujet de l'impossible, suivi de Jeu et théorie du duende de F. G. Lorca. (2è éd.) Gemme éditions, Paris 1998.

22 Ananké.

23 Moïra.

24 Duende.

25 Corominas, J. & Pascual, J.A. ; Diccionario crítico etimológico castellano e hispánico , art. 'Ojalá', Vol IV, pp 268-269, éd. Gredos, Madrid, 1991.

26 Lacan, Jacques ; Les variantes de la cure-type, in Écrits, Paris, Seuil, 1966, note 2 de la p. 328.

27 Freud, Sigmund ; Nouvelles Conférences D'introduction à la Psychanalyse, .1933a [1932], Gallimard, 1984, p. 142 : « Les pulsions ne régissent pas seulement la vie psychique, mais aussi la vie végétative et ces pulsions organiques font apparaître un trait de caractère qui mérite notre plus grand intérêt. Nous ne pourrons juger que plus tard si c'est un caractère général des pulsions. Elles se révèlent en effet comme un effort pour rétablir un état antérieur. Nous pouvons supposer qu'à partir du moment où un tel état, une fois atteint, a été perturbé, il se constitue une pulsion pour le recréer, qui produit des phénomènes que nous pouvons qualifier de compulsion de répétition. Ainsi l'embryologie n'est-elle tout entière que compulsion de répétition ; l'aptitude à reconstituer des organes perdus remonte très loin dans l'échelle animale, et la pulsion de guérison, à laquelle nous devons, à côté des secours thérapeutiques, nos convalescences, est sans les vols des oiseaux peut-être, et éventuellement tout ce que nous appelons chez les animaux manifestation de l'instinct [Instinktäusserung] s'exécutent sous le commandement de la compulsion de répétition, qui exprime la nature conservatrice des pulsions. Dans le domaine psychique aussi nous n'avons pas besoin de chercher longtemps pour en trouver des manifestations. Nous avons été frappés par le fait que les événements oubliés et refoulés de la première enfance se reproduisent pendant le travail analytique dans des rêves et des réactions --particulièrement dans celle du transfert--, bien que leur réveil aille à l'encontre de l'intérêt du principe de plaisir, et nous nous sommes donné comme explication que, dans ces cas, une compulsion de répétition va même au-delà du principe de plaisir. En dehors de l'analyse aussi, on peut observer des choses semblables. Il y a des gens qui répètent toujours, à leurs dépens, les mêmes réactions sans les corriger, ou qui semblent eux-mêmes poursuivis par un destin inexorable alors qu'un examen plus précis nous enseigne qu'eux-mêmes, sans le savoir, se préparent ce destin. Nous attribuons alors à la compulsion de répétition le caractère démoniaque. »

28 Freud, Sigmund ; Un trouble de mémoire sur l'Acropole, 1936a, RIP V.II PUF, Paris, 1985, p. 225 : « Car, nous le savons depuis longtemps, le destin dont on attend un mauvais traitement est la matérialisation de notre conscience, de ce sévère Surmoi qui est en nous et dans lequel s'est déposée l'instance répressive de notre enfance. »

29 C'est du moins ce que répondit Wladimir Granoff à ma question sur ce qui fonde un avenir chez l'adolescent : « Il est partagé entre ça : le meurtre et la sécurité. Alors la fondation, comment ? D'où ? […] Comment s'en sortira-t-il pour sa fondation ? Je pense que de la seule manière dont Freud l'a indiqué, et dont la métaphore est le "trouble de mémoire sur l'Acropole", que dirait Monsieur notre Père s'il nous voyait ? Naturellement Monsieur notre Père ne pourrait rien dire. C'est-à-dire, comment pourra-t-il s'en tirer sinon par la Versöhnung (réconciliation), c'est-à-dire, en définitive, en disant quelque chose que j'ai, peut-être, un peu reformulé en son temps : "je te pardonne de t'avoir tué", et c'est comme ça qu'il s'engagera dans un travail de culture et d'analyse. » Intervention de Wladimir Granoff suite à l'exposé de Charles Melman sur L'adolescence, lors du congrès du CFRP sur L'enfant et la Psychanalyse, les 2, 3, 4 et 5 avril 1992 (transcription de l'auteur à partir de l'enregistrement). Voir aussi Freud, Sigmund ; Un trouble de mémoire sur l'Acropole, Op. cit. p. 228 : « Napoléon 1er, le jour de son couronnement à Notre-Dame, ne s'est-il pas tourné vers l'un de ses frères -- je crois que c'était Joseph, l'aîné -- en disant: " Que dirait Monsieur notre père s'il pouvait être ici maintenant ? " »

30 Freud Sigmund ; Métapsychologie Idées Gallimard, 1940 p. 97 : «Les processus du système Ics sont intemporels c'est-à-dire qu'ils ne sont pas ordonnés dans le temps, ne sont pas modifiés par l'écoulement du temps, n'ont absolument aucune relation avec le temps. La relation au temps elle aussi est liée au travail du système Cs..»

31 Freud, Sigmund ; L'homme Moïse et la religion monothéiste, 1939a [1934-38] Gallimard, 1986, p. 178 : « Le "rédempteur" ne pouvait être un autre que le principal coupable, le chef de la bande des frères, qui avait terrassé le père. Un tel rebelle principal, un tel chef a-t-il existé? A mon avis nous devons laisser la question en suspens. C'est fort possible, mais on doit aussi prendre en considération que chaque individu de la bande des frères désirait certainement commettre l'acte pour lui seul et se créer ainsi une position d'exception et un substitut de l'identification au père qu'il s'agissait d'abandonner, qui était en voie de disparition dans la communauté. S'il n'exista pas de pareil chef, alors le Christ est l'héritier d'un fantasme de désir qui demeura inassouvi ; dans le cas contraire, il est son successeur et sa réincarnation. […] Paul, le continuateur du judaïsme, devint aussi son destructeur. Il dut certainement son succès en premier lieu au fait que, par l'idée de rédemption, il conjura le sentiment de culpabilité de l'humanité ; il le dut aussi au fait qu'il abandonna l'idée de l'élection de son peuple et son signe visible, la circoncision, de manière que la religion nouvelle pût devenir une religion universelle, englobant tous les hommes. »

32 Jean ; Evangile, 11, 49-52 : « Mais l'un d'entre eux, Caïphe, étant grand prêtre cette année-là, leur dit : " Vous n'y entendez rien. Vous ne songez même pas qu'il est de votre intérêt qu'un seul homme meure pour le peuple et que la nation ne périsse pas tout entière. " Or cela, il ne le dit pas de lui-même ; mais, étant grand prêtre cette année-là, il prophétisa que Jésus allait mourir pour la nation et non pas pour la nation seulement, mais encore afin de rassembler dans l'unité les enfants de Dieu dispersés. »

33 Paul ; 2 Corinthiens, 5, 21 : « Celui qui n'avait pas connu le péché, Il l'a fait péché pour nous » et aussi Romains 6, 6 : « notre vieil homme a été crucifié avec lui, pour que fût réduit à l'impuissance ce corps de péché »

34 Meslin, Michel & Quillet, Jeannine ; Article "Augustinisme" in Ecyclopædia Universalis, 1998, version Certaines de ses formules sur la masse innombrable des damnés, résultant du péché originel, massa damnata, massa perditionis, ou bien sur le petit nombre des élus, dépassèrent sans doute sa conviction profonde et pouvaient être interprétées comme la négation de la bonté de Dieu et de l'efficacité de la rédemption. »

35 Dagron, Alain ; communication personnelle.

36 Lacan, Jacques ; Le Séminaire, livre III, (1955-1956) Les Psychoses. Version J.A.M., éditions du Seuil, Paris 1981, p. 91 : « Il y a poésie chaque fois qu'un écrit nous introduit à un monde autre que le nôtre et, nous donnant la présence d'un être, d'un certain rapport fondamental, le fait devenir aussi bien le nôtre. La poésie fait que nous ne pouvons pas douter de l'authenticité de l'expérience de Sain Jean de la Croix, ni de celle de Proust ou de Gérard de Nerval. La poésie est création d'un sujet assumant un nouvel ordre de relation symbolique au monde. »

37 Jean ; Evangile, 1, 41 : « EuJrhvkamen to;n Messivan, o ejstin meqermhneuovmenon Cristov" » « "Nous avons trouvé le Messie" - ce qui veut dire Christ.» et 4, 25 : « Oida oti Messiva" e[rcetai oJ legovmeno" Cristov" » « "Je sais que le Messie doit venir, celui qu'on appelle Christ… »

38 Après la mort de Bar-Kokhba à Béthar (135) la conception juive d'un Roi-Messie libérateur, disparaît peu à peu au profit de considérations eschatologiques.

39 Tellez, Gabriel (frère), dit Tirso de Molina ; L'Abuseur de Séville  (El Burlador de Sevilla ), trad. P. Guenoun, Paris, 1962. Editorial Orbis, Madrid, 1982.

40 Saavedra, Angel (de), Duque de Rivas ; Don Álvaro o la fuerza del sino, editorial Cátedra, Letras Hispánicas, Madrid 1998

41 Ibid. p. 170.

42 Zorrilla, José ; Don Juan Tenorio, Colección Crítica, editorial Grijalbo - Mondadori, Barcelona, 1995 (traduction personnelle). Il est inutile de citer le Don Juan de Molière ou celui de Da Ponte, dont le destin s'inspire de celui de Tirso.

43 Intitulé Miséricorde de Dieu et apothéose de l'amour

44 Dans ce même numéro José Miguel Marinas nous apprend que l'un des sens d'Ananké est angoisse. Voir

45 Tout autant « égoïste, égocentrique et egolâtre, qui sacrifie ce qu'il y a de plus sacré à ses caprices et passions, sur lesquels il construit ce qu'il appelle honneur et qui n'est que renommée. » Gárate Córdoba, José M. ; Fui al ejército de España, Journal ABC, du 28 Octobre 1959, Madrid.

46 Neruda, Pablo ; La centaine d'amour, Sonnets , Club des amis du livre progressiste, Livre Club Diderot, Paris 1965, p. 45.

47 Je réserve le travail sur le parcours de Jacob in extenso pour un livre en cours de rédaction sur La loi, la joie, l'amour, dans les buts d'une psychanalyse. C'est dans mon séminaire sur l'expérience d'une psychanalyse à Espace Analytique, que cette réflexion a trouvé son fondement. Je tiens à remercier l'ensemble des participants.

48 Genèse 12, 1-3, La Bible de Jérusalem : « Yahvé dit à Abram : Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t'indiquerai. Je ferai de toi un grand peuple, je te bénirai, je magnifierai ton nom; sois une bénédiction ! Je bénirai ceux qui te béniront, je réprouverai ceux qui te maudiront. Par toi se béniront tous les clans de la terre. »

49 Genèse 24, 60, La Bible de Jérusalem  : « Ils bénirent Rébecca et lui dirent : Notre sœur, ô toi, deviens des milliers de myriades ! Que ta postérité conquière la porte de ses ennemis ! »

50 Genèse 24, 67.

51 Gárate-Martínez, Ignacio ; Devenir père, in Le père et le symptôme, Esquisses psychanalytiques, n° 19, Printemps 1993, pp 53-58.

52 La prédiction contenue dans ces versets du chapitre 25, 21-23, est prise en compte autant par le prophète Osée 12, 4 : « Dès le sein maternel il supplanta son frère, dans sa vigueur il fut fort contre Dieu », que par Paul dans son épître aux romains 9 , 11-12 : « or, avant la naissance des enfants, quand ils n'avaient fait ni bien ni mal, pour que s'affirmât la liberté de l'élection divine, qui dépend de celui qui appelle et non des œuvres, il lui fut dit : L'aîné servira le cadet. » Voir aussi, dans les Écrits intertestamentaires Le livre de Hénoch 89, 8-14.

53 Genèse 27, 8, La Bible de Jérusalem : « Maintenant, mon fils, écoute-moi et fais comme je t'ordonne (ejntevllomai / entellomai / hwxm / mitzva »

54 Genèse 32, 29-30, La Bible de Jérusalem.

55 Freud, Sigmund ; Pulsions et destins des pulsions 1915c OC, Tome XIII, PUF, Paris, 1988, p. 172 : recherchant quels destins les pulsions peuvent subir au cours du développement et de la vie, nous devrons la limiter aux pulsions sexuelles, mieux connues de nous. L'observation nous fait connaître comme de tels destins de pulsions les suivants : Le renversement dans le contraire. Le retournement sur la personne propre. Le refoulement. La sublimation…/… Le renversement dans le contraire , à y regarder de plus près, se résout en deux processus distincts, le retournement d'une pulsion, de l'activité vers la passivité, et le renversement quant au contenu. Les deux processus, parce que distincts par essence, sont donc à traiter séparément. Des exemples du premier processus sont fournis par le couple d'opposés sadisme-masochisme et plaisir à regarder-exhibition. Le renversement ne concerne que les buts de la pulsion ; à la place du but actif : tourmenter, regarder est installé le but passif : être tourmenté, être regardé. Le renversement quant au contenu ne se trouve que dans le seul cas de la transformation de l'aimer en un haïr. »

56 Yupanki, Atahualpa ; Piedra y camino (zamba), dans la voix de Mercedes Sosa, édité par Fonogram, Madrid, 1978.

57 L'Épître aux hébreux situe ainsi cet appel nécessaire : « Alors j'ai dit : Voici, je viens, car c'est de moi qu'il est question dans le rouleau du livre, pour faire, ô Dieu, ta volonté » Epître aux Hébreux, 10, 7, La Bible de Jérusalem. Elle identifie Jésus avec le sujet de l'énoncé des Psaumes de David : « Tu ne voulais sacrifice ni oblation, tu m'as ouvert l'oreille, tu n'exigeais holocauste ni victime, alors j'ai dit : Voici, je viens. Au rouleau du livre il m'est prescrit de faire tes volontés; mon Dieu, j'ai voulu ta loi au profond de mes entrailles. J'ai annoncé la justice de Yahvé dans la grande assemblée; vois, je ne ferme pas mes lèvres, toi, tu le sais. Je n'ai pas celé ta justice au profond de mon cœur, j'ai dit ta fidélité, ton salut, je n'ai pas caché ton amour et ta vérité à la grande assemblée. Toi, Yahvé, tu ne fermes pas pour moi tes tendresses! ton amour et ta vérité sans cesse me garderont. Car les malheurs m'assiègent, à ne pouvoir les dénombrer; mes torts retombent sur moi, je n'y peux plus voir; ils foisonnent plus que les cheveux de ma tête et le cœur me manque.
Daigne, Yahvé, me secourir! Yahvé, vite à mon aide! » Psaumes, 40, 7-14, La Bible de Jérusalem.

58 Évangile de Jean, 4, 10-18, La Bible de Jérusalem. Il propose à la samaritaine une eau différente à celle du puits creusé par Jacob, « Jésus lui répondit : " Quiconque boit de cette eau aura soif à nouveau mais qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif ; l'eau que je lui donnerai deviendra en lui source d'eau jaillissant en vie éternelle. " » (13-14), et qui remplacera la répétition de ses échecs dans le mariage (16-18)

59 Son destin est achevé, mais l'Écriture n'est pas parfaitement accomplie, car si le Christ boucle la création et rédime les origines, Jésus retrouve sa demande et s'inscrit son humanité en gardant la soif de la source dont il a bu : « Après quoi, sachant que désormais tout était achevé pour que l'Écriture fût parfaitement accomplie, Jésus dit : " Diyw' / J'ai soif. " » Jean. 19, 28, La Bible de Jérusalem.

60 C'est en effet après avoir tourné son regard d'enfant vers sa mère, après l'avoir confiée à l'homme qu'il aimait, qu'il dit sa soif. Jean. 19, 25-27, La Bible de Jérusalem

 

Bibliographie

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Résumé

Le destin en psychanalyse, à partir de la découverte de l'inconscient freudien, ne se confond plus avec la prédestination. L'interprétation psychanalytique ouvre à une dimension créatrice de la langue qui interrompt la répétition de la souffrance. L'auteur présente, à la manière de séquences cliniques, un parcours à travers les figures anthropologiques des Don Juan, de Jacob et de Jésus, parcours qui permet de proposer une différence entre "destin" et "prédestination". Il permet aussi de proposer une double fonction de la métaphore : d'abord comme création de sens et au delà comme topologie, lieu d'ouverture d'un désir à l'œuvre, soit inscription d'une place singulière dans la lignée. L'acte psychanalytique, lorsqu'il a lieu dans la cure, fait "croche-pied" au destin de la répétition. Il inscrit l'obstination d'un désir qui répond à un appel. Il deviendra une réponse symbolique nouvelle marquée par la trace du réel.

Since the discovery of the freudian unconscious, destiny can no more be mistaken for predestination. Psychoanalytical interpretation clears the way for a creative dimension of language, which will break off the repetition of suffering. The author presents, as if they were clinical sequences, a circuit through the anthropological figures of Don Juan, Jacob and Jesus, circuit that allows him to suggest a way of differentiating "destiny" and "predestination". It also permits a definition of a double office of metaphor : first as de creation of meaning, and beyond that as topology, the opening from which a desire can be set to work, in other words the inscribing of a singular place in a line of descendants. A psychoanalytical act , when it occurs in treatment, trips up the destiny of repetition. It inscribes the stubbornness of a desire answering a call. It will become a new symbolic answer marked by the trace of de real.

Mots Clef
acte psychanalytique, appel, clinique, création de sens, désir, destin, Don Juan, inconscient, inscription, interprétation, Jacob, Jésus, langue, lignée, métaphore, ouverture, prédestination, psychanalyse, réel, répétition, symbolique, topologie.

Key Words
call, clinical, creation of meaning, desire, destiny, Don Juan, interpretation, interpretation, Jacob, Jesus, language, line of descendants, metaphor, opening, predestination, psychoanalysis, psychoanalytical act, real, repetition, symbolic, topology, unconscious.

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Revista de Psicoanálisis y Cultura
Número 16 - Diciembre 2002
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